L’investiture du président Bassirou Diomaye Faye a été l’occasion pour Azali Assoumani d’enregistrer un nouveau pays africain qui ne souhaite pas le voir sur son sol. L’humiliation a été complète puisque les nouvelles autorités ont invité des représentants de l’opposition comorienne.
Par MiB
Bassirou Diomaye Faye a été élu le 24 mars dernier, à 44 ans, le cinquième président de la République du Sénégal avec 54,28%. Le 2 avril, il prêtait serment devant plusieurs chefs d’État africains au cour d’une cérémonie que Me Saïd Larifou qualifie de « sobre et émouvante ». Puis, dans un discours d’une dizaine de minutes, il a tracé les perspectives du nouveau Sénégal qu’il souhaite, conformément au programme élaboré par son parti le PASTEF.
« C’est le Sénégal qui a gagné le 24 mars 2024 »
Durant une dizaine de minutes, le nouveau président sénégalais a déroulé un discours plein de promesses pour ses concitoyens, mais aussi pour l’ensemble de l’Afrique. Il a commencé par rendre grâce à Dieu, « maître des destins », clin d’œil à son parcours puisqu’il a fait presqu’un an de prison et n’est sorti de prison que pour entrer dans la campagne électorale en remplaçant au dernier son compagnon de lutte et président du parti, Ousmane Sonko.
Bassirou Diomaye Faye a également rendu hommage au peuple Sénégalais et particulièrement à ceux qui sont morts ou qui ont été rendus handicapés pour que la démocratie continue à vivre dans le pays. Pour lui, ces « martyrs de la démocratie sénégalaise » l’oblige.
Après avoir rendu hommage aux anciens qui ont obtenu l’indépendance du pays et qui ont mis en place la démocratie, le nouveau président promet un renforcement de la démocratie par une réforme de la Justice pour la rendre encore plus indépendante. Il a affirmé que « la source la plus précieuse demeure la paix » et qu’il entendait mobiliser ses compatriotes pour la paix et la stabilité du Sénégal.
Il promet aussi « le progrès économique et social » et l’un des leviers pour lui est le « culte du travail ». Il paraît certain du résultat puisqu’il promet un « pays apaisé », « une justice indépendante » et une « démocratie renforcée ».
Le mot « souveraineté » est revenu plusieurs fois dans sa bouche. Comme lors de sa campagne électorale, il évoque la nécessité pour le Sénégal de reconquérir sa souveraineté politique et économique. Cette souveraineté il la souhaite pour toute l’Afrique. Il appelle ainsi à la solidarité entre Africains pour obtenir la souveraineté du continent face aux appétits des grandes puissances.
Après un tel discours, il devient évident pour tous que « c’est le Sénégal qui a gagné le 24 mars 2024 », y compris pour les démocrates africains de tous les pays qui se sont mis soudain à espérer pour leurs propres États.
Azali persona non grata
Si le président Bassirou Diomay Faye fait appel à tous les Africains pour construire une Afrique souveraine, il ne faisait pas allusion aux despotes qui écrasent leurs peuples et ceux qui se livrent à la corruption. Ceux-là n’ont même pas été invités à Diamniadio pour la prestation de serment du nouveau président.
Il en est ainsi d’Azali Assoumani qui a fait savoir qu’il souhaitait être présent au Sénégal, mais qui a été ignoré, et pire, qui a vu ses opposants invités à sa place. Un document a tourné un moment dans les réseaux sociaux et on pouvait y lire que le président comorien se montrait disponible pour se rendre au Sénégal et assister à la cérémonie. On pouvait penser que c’était un faux. Il était difficile de croire qu’Azali Assoumani, désigné autrefois par Macky Sall comme étant son « marabout », son conseiller, pouvait demander à être invité par les opposants de celui-ci, parvenus au sommet de l’État. Me Saïd Larifou, l’un des avocats d’Ousmane Sonko et co-fondateur du PASTEF panafricain a confirmé à Masiwa cette demande du chef de l’État comorien. « Macky Sall a perdu la main sur les institutions et l’opinion nationale, il a même été chahuté. Il ne pouvait donc répondre favorablement à la demande d’Azali qui tenait à y prendre part ».
Ousmane Sonko, qui avait été choqué par la prise de position d’Azali contre les chefs de l’État du Mali et du Burkina Faso n’aurait pas souhaité sa présence au Sénégal. Au sommet Russie-Afrique, en juillet 2023, Azali Assoumani, ancien putschiste, devenu président de l’Union Africaine, avait refusé de prendre la « photo de famille » à côté des putschistes du Mali et du Burkina Faso. Les deux chefs d’État avaient alors déclaré Azali Assoumani persona non grata dans leurs pays respectifs, alors qu’il prétendait vouloir négocier avec eux au nom de l’Union Africaine. Voilà que le Sénégal fait comprendre au chef d’État comorien qu’il est également persona non grata au pays de la Teranga. Par contre, les deux putschistes du Mali et du Burkina Faso ont été honorés durant cette cérémonie de prise de fonction de Bassirou Diomaye Faye.
Les autorités sénégalaises n’ont pas pour autant délaissé les Comores et renoncé à des relations fraternelles qui durent depuis longtemps. Elles ont juste choisi de soutenir ceux qui se battent pour faire revenir la démocratie et des élections libres aux Comores. Me Saïd Larifou ayant été l’un des avocats d’Ousmane Sonko lors de la répression exercée par Macky Sall, le lien a été facilement établi. Les principales personnalités de l’opposition comorienne ont été invités à prendre part à la cérémonie de prestation de serment au Sénégal. Mais, les conditions d’organisation du voyage ne leur permettaient pas d’arriver à temps. Il n’y a que Mohamed Daoudou dit Kiki qui a pu venir à côté de Me Saïd Larifou. C’est ce qu’explique l’avocat comorien à la rédaction de Masiwa : « J’ai personnellement pris part à la campagne de PASTEF dans la diaspora sénégalaise en Europe, aux USA et sur place au Sénégal. J’ai tenu des meetings en France et en Afrique. En collaboration avec des amis panafricanistes, nous avons créé le PASTEF-AFRIKA, il m’a semblé normal de prendre part à l’investiture de Faye. J’ai fait inviter l’opposition et des organisations de la société civile comoriennes à prendre part à cette investiture, Mohamed Daoudou Kiki a réussi à venir. Les autres ont raté leur vol et en raison du retard n’ont pu se rendre disponibles. »
Le nouveau Sénégal est un espoir pour tous les Africains qui vivent sous les dictatures, et les Comoriens qui viennent d’assister aux fraudes des dernières élections se mettent à rêver.