L’avocat de l’ex-président Mohamed Sambi, Jean-Gilles Halimi a rendu publique une plainte pour tentative de subornation de témoin déposée auprès du Parquet de Paris contre Houmed Msaidié, porte-parole du gouvernement, Djaé Ahamada Chanfi, ministre de la Justice et Dhoihir Dhoulkamal, ministre des Affaires étrangères. Ils sont accusés d’avoir essayé de négocier l’abandon des poursuites contre Bashar Kiwan si ce dernier acceptait de charger Mohamed Sambi.
Par MiB
Avec la Cour de Sûreté de l’État, les juges Elamine Saïd Mohamed, Omar Ben Ali et Djounaid ont cru en finir avec Sambi par un procès rapide, ne tenant compte d’aucune procédure légale et ne permettant pas aux condamnés de faire appel. Ce procès est devenu « l’affaire Sambi » avec de nombreux rebondissements prévisibles dans l’avenir. Le premier rebondissement est la procédure annoncée au deuxième jour du procès contre des ministres du gouvernement Azali.
Cette plainte a été déposée au nom d’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi par son avocat Jean-Gilles Halimi auprès du procureur du tribunal judiciaire de Paris le 8 décembre dernier. La plainte pour subornation de témoin et tentative d’escroquerie au jugement en bande organisée vise trois ministres du gouvernement Azali et non des moindres, si l’on tient compte de leurs fonctions : le ministre des Affaires étrangères, Dhoihir Dhoulkamal, le ministre de la Justice, Djaé Ahamada Chanfi et le ministre de l’Agriculture, porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidié.
Des ministres invités au restaurant par l’accusé
Pour les deux premiers, Bachar Kiwan et les avocats de Mohamed Sambi ont fourni à la presse des photos des rencontres sur lesquelles on les voit tout souriants avec l’homme d’affaires contre lequel le gouvernement avait déjà lancé un mandat d’arrêt international.
La photo la plus surprenante est celle du ministre de la Justice, Djaé Ahamada Chanfi, dont le ministère est censé avoir lancé le mandat d’arrêt contre Bachar Kiwan. L’homme a été nommé pour la première fois dans un gouvernement par le président Sambi, en 2009. Il s’est rapproché d’Azali après la victoire de ce dernier. Sur sa rencontre avec Bachar Kiwan, accusé dans une affaire en cours, il a refusé de s’exprimer, avançant le fait qu’il fait partie d’un gouvernement. La rencontre est aggravée par le fait que c’est Bachar Kiwan qui a invité le ministre.
Quant à Dhoihir Dhoulkamal, déjà signalé au Procureur de la République de la Réunion pour escroquerie envers la Caisse d’Allocation familiale et la Sécurité sociale, il est devenu ministre après avoir transmis un « rapport parlementaire » mis en cause par trois membres sur cinq de la commission parlementaire, un rapport qui n’a pas non plus été validé par les instances de l’Assemblée de l’Union, mais qui est censé contenir les éléments qui accusent Sambi. Il a pris la parole devant le média des Renseignements comoriens (CMM) pour confirmer qu’il a bien rencontré Bachar Kiwan et nier que c’était pour lui demander de charger Mohamed Sambi. Par contre il a reconnu que son hôtel était payé par l’homme d’affaires recherché par la Justice comorienne et qu’il a accepté qu’il lui paye le restaurant, car, à ce moment-là, il avait faim.
Enfin, pour Houmed Msaidié qui a rejoint le gouvernement Azali quelques mois après avoir perdu les élections en tant que Vice-Président de Mohamed Ali Soilihi, accusé d’avoir échangé des SMS ou des messages Whatsapp avec Bachar Kiwan invitant ce dernier à une rencontre avec le chef de l’État en vue de négocier un abandon des charges contre son témoignage en défaveur du président Mohamed Sambi, il nie tout catégoriquement. Il a affirmé que les messages en question étaient des faux et il a porté plainte contre X à Paris à ce propos.
La poursuite du procès Sambi
Dans sa plainte, l’avocat de Mohamed Sambi a fait un résumé du procès qui s’est déroulé à Moroni contre son client pour montrer qu’en quatre ans d’instruction les juges n’ont apporté aucune preuve concrète. Cela pourrait expliquer la tentative de subornation de Bachar Kiwan pour qu’il apporte un faux témoignage contre Mohamed Sambi.
Il décrit une première rencontre entre Bachar Kiwan et Dhoihir Dhoulkamal au courant du mois de juillet 2022. L’avocat explique que l’homme d’affaires s’attend à ce qu’on lui annonce une rectification des erreurs de la Justice comorienne à son encontre, mais ce n’est ni plus ni moins qu’une demande de faux témoignage contre Mohamed Sambi que lui demande le ministre des Affaires étrangères comorien.
On remarque toutefois que si après avoir compris de quoi il s’agissait, Bachar Kiwan arrête les discussions, le 27 octobre, il accepte une nouvelle rencontre. Cette fois avec Dhoihir Dhoulkamal et Djaé Ahamada Chanfi, pour aborder la même question. Continue-t-il pour piéger le gouvernement ou cherche-t-il réellement un accord avant le procès ? En tout cas, un projet est rédigé et ne sera finalement jamais signé.
Me Jean-Gilles Halimi confirme dans cette plainte que Houmed Msaidié a écrit à plusieurs reprises pour essayer d’organiser une rencontre entre Bachar Kiwan et le chef de l’État afin de discuter des modalités d’un accord pour charger l’ex-président. Ce dernier a nié depuis le début être entré en contact avec Bachar Kiwan et a même porté plainte à Paris contre ce dernier qui ne l’a jamais publiquement mis en cause, contrairement aux deux autres. Pourtant la plainte est catégorique : « Mr le ministre Msaidié a pris contact de manière explicite avec Mr Kiwan pour lui solliciter un faux témoignage aux fins d’accuser le président Sambi voire de le menacer lui-même d’avoir le même sort ». Il est difficile d’imaginer que l’avocat de Mohamed Sambi ne soit pas entré en contact avec Bachar Kiwan pour avoir une confirmation de tout ce qui n’était que rumeurs s’agissant du Porte-Parole du gouvernement.
Dans l’émission de l’organisation Daula ya Haki Île-de-France du 10 décembre 2022, Me Halimi a confirmé avoir porté plainte contre X et non contre une personne, car c’est au Procureur de déterminer. Il a laissé entendre que les trois ministres agissaient au nom du président Azali. Et effectivement, on imagine mal des ministres sans importance réelle, comme Dhoihir Dhoulkamal ou Djaé Ahamada Chanfi qui ne portent que des titres (Dhoihir Dhoulkamal a même affirmé qu’il ne faisait que de la diplomatie intérieure), aller de leur propre chef négocier sur l’affaire Sambi avec Bachar Kiwan sans un ordre du chef de l’État.
« Les SMS sont explicites », ajoute Me Halimi, on demande à Bachar Kiwan de venir charger Mohamed Sambi.
Si le Procureur de la République de Paris ouvre une enquête, ce qui n’est pas certain (Dhoihir Dhoulkamal a été signalé au Procureur de la République de la Réunion depuis plus d’un an et rien n’a bougé), les accusés risquent jusqu’à trois ans de prison et 45.000 euros d’amende. Et le véritable risque pour eux, c’est de subir une garde à vue surprise lors d’un passage à Paris, ou dans tout territoire sous administration française.