L’élection présidentielle au Sénégal s’est enfin tenue dimanche 24 mars après le refus de la Cour constitutionnelle de prolonger le mandat du président Macky Sall. L’opposant Bassirou Diomaye Faye, bras droit de Sonko, l’aurait remporté dès le premier tour avec plus de 55% des suffrages. Il a déjà reçu les félicitations du candidat du pouvoir et même du président sortant, Macky Sall. En attendant les résultats définitifs, nous revenons sur le long processus qui a abouti à ces élections.
Par Hachim Mohamed
« J’ai signé le décret 2024-106 du 3 février, abrogeant le décret 2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation électorale », a annoncé le président Macky Sall samedi 3 février à 14 heures dans une allocation transmise à la télévision nationale.
L’abrogation du calendrier électoral par le président Macky Sall a été une secousse tellurique. Les commentaires furent incroyables et étonnants. Selon un internaute sénégalais, la crise qui en était issue ressemblait à un bateau ivre de cupidité qui était en train de tanguer, et comme Macky Sall et ses affidés ont aperçu une bouée de sauvegarde possible en Karim Wade, ils se sont tous précipités et se sont agrippés dessus. Malheureusement, la bouée étant mal gonflée, elle a failli les noyer. Notre « analyste » poursuit en affirmant que certains « migrants », parmi eux, auront peut-être la chance d’être secourus et débarqués au Maroc !
Au final, 19 candidats ont été validés par le Conseil constitutionnel. Dans un audio de neuf minutes qui détaille le deal contre le candidat du Benno (coalition), le Premier ministre Ahmadou Ba affirmait que si Karim Wade n’était pas candidat au scrutin présidentiel et que le PDS ne va pas à l’élection en 2024, le parti serait définitivement mort. Face à cette situation, il fallait que les libéraux (militants du parti de l’ancien président Abdoulaye Wade) trouvent des stratagèmes pour reporter les élections. À l’aide de la coalition du président Macky Sall, les députés du Benno qui sont 83 et ceux de PDS au nombre de 25 à l’Assemblée nationale, il fallait mettre sur pied une Commission d’enquête parlementaire avec l’objectif de faire renvoyer les élections pour que Karim Wade puisse y participer.
Le respect du calendrier électoral
Il est vrai que depuis que le président Macky Sall a pris la décision de prolonger son mandat, des voix se sont levées pour lui demander de respecter le calendrier électoral, à l’instar des États-Unis, qui au plus fort des contestations (après la mort d’une troisième personne) se sont alignés derrière la CEDEAO pour inviter le président sénégalais à se conformer à la Constitution.
Même son de cloche de la part du porte-parole de la Commission européenne, Nabila Massralia, qui a estimé que le report compromettait la tradition démocratique bien établie au Sénégal et crée une période d’incertitude. Elle a ajouté que l’UE appelle instamment la classe politique à garantir « les libertés fondamentales », à rétablir rapidement le calendrier électoral conformément à la Constitution du Sénégal et à la charte de la CEDEAO.
Le crime parfait
S’il y a eu des vertes et de pas mures sur l’abrogation du calendrier électoral, c’était dû à une série d’incohérences montée en épingle par un internaute sénégalais. « Comment on peut reporter une élection présidentielle sur la base de soupçons de corruption infondées ; créer une commission d’enquête parlementaire au lieu de saisir la justice ; voter une loi de report de l’élection présidentielle sans attendre les investigations de la Commission d’enquête et l’enterrer par une saisine de la justice que l’on se refusait au début ? », a-t-il expliqué de ce qu’il a interprété comme un crime parfait.
Selon certaines indiscrétions du landerneau politique, auparavant on avait fait circuler la rumeur selon laquelle c’est la femme de Macky SALL qui a dit à son époux de reporter les élections afin de choisir un autre candidat du parti au pouvoir parce que la femme du remplaçant lui avait manqué de respect.
Ensuite la rumeur a indiqué que c’est Karim WADE qui a poussé Macky SALL à reporter les élections.
Invité par Iradio, une radio privée de la place, un député de l’opposition avait demandé à être entendu dans les 48 heures par la commission d’enquête parlementaire. Il disait « détenir des preuves qu’il n’y a aucune corruption au sein du Conseil constitutionnel et que tout cela n’est qu’une manœuvre du Parti démocratique sénégalais pour revenir dans le jeu ».
Le contresens du dialogue initié par Macky Sall
Pour un agrégé en droit qui s’est prononcé sur cet épisode long de la saga constitutionnelle, on ne lit plus la constitution, on ne sait plus ce que c’est que la République, on gesticule, on ment, on menace, on vole, on accuse l’État et on le dédouane. Et pour conclure il ajoute qu’on ignore le sens du droit, de la loi, de la morale et on défend mal l’État, car on confond ses propres intérêts partisans et corporatistes, voire familiaux, claniques et tribaux avec ceux de la République.
Son compatriote internaute ne comprend pas non plus pourquoi débattre de la vacance et/ou de l’intérim du pouvoir alors que cette question est déjà réglée par la Constitution. Son observation est d’autant plus judicieuse que l’article 92 de la Constitution stipule que les décisions du Conseil constitutionnel sont irrévocables, s’imposent à tous et les décisions de la plus haute juridiction ne sont susceptibles d’aucune voie de recours.
Si les juristes pointent du doigt les errements et contresens du dialogue initié par Macky Sall, c’est que le rallongement de la durée du mandat du Président de la République viole manifestement les dispositions de l’article 27 de la constitution, notamment sa partie la plus sacrée, sa clause d’éternité ou clause intangible relative à la durée du mandat présidentiel limité à 5 ans et non à 5 ans et 10 mois.
En prenant en compte ce côté technique, évidemment l’on se questionne sur le comment et par quel moyen les propositions du dialogue national pouvaient passer au-dessus du Conseil constitutionnel au point de l’amener à se dédire sur la candidature de Karim Wade rejetée pour des raisons de double nationalité.
Pour rappel, le Conseil constitutionnel, par sa décision du 20 janvier 2024, avait déjà proclamé la liste définitive des candidats admis à se présenter à l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février 2024.
Candidature de Karim Wade toujours recalé
Le Conseil constitutionnel avait rejeté la proposition de tenir les élections le 2 juin, comme suggéré par les conclusions du dialogue. En revanche, cette haute juridiction avait maintenu l’invalidation de la candidature de Karim Wade, tout en confirmant la liste des 19 candidats validés pour participer à l’élection.
Pour fermer la « saga des dates » infligée en ping-pong au peuple sénégalais, en marge du Conseil des ministres du mercredi 6 mars, le président Macky Sall avait fini par fixer la Présidentielle à la date du 24 mars 2024.