Dans son LIVE FACEBOOK du 28 mars 2023, Estelle YOUSSOUFA, députée française sans étiquette, énonce de nombreuses contre-vérités, des approximations et tient un discours de haine.
Par Mohamed NABHANE, Professeur agrégé d’arabe retraité
Le besoin d’exister, la quête d’identité et le plan de carrière qui inspirent toutes ses interventions, ne méritent pas qu’on s’attarde à les commenter. Cependant, les faits sont là et doivent être rétablis.
- Mayotte n’est pas comorienne, n’a jamais été comorienne : que la députée ne veuille pas que Mayotte soit comorienne ne veut pas dire que Mayotte n’a jamais été comorienne. D’abord la géographie montre qu’elle a tort (proximité d’Anjouan et appartenance géographique). Ensuite l’histoire est têtue, dit-on : lorsque les Historiens arabes parlent de Djuzur al-Qamar, il s’agit bien de l’archipel des Comores avec ses quatre îles ; Gevrey appelle son livre, datant du 19ème siècle, Les Comores, il inclue évidemment Mayotte, de même que l’historien Martin dans sa thèse : Comores, quatre îles entre pirates et planteurs ; dans l’histoire coloniale lorsque l’on parle de Mayotte et dépendances ou de Madagascar et dépendances il s’agit toujours des quatre îles des Comores ; Comores dont la capitale (le chef-lieu ?) était à Dzaoudzi jusqu’en 1962. Comment peut-on être la capitale d’un pays auquel on n’appartient pas ? Je ne parlerai même pas des liens historiques anciens qui ont toujours existé entre les quatre îles de cet archipel. Ni de l’appartenance à la même communauté linguistique, religieuse, culturelle. Ni même des attaches familiales entre les quatre îles. Estelle YOUSSOUFA pourrait-elle prétendre incarner Mayotte si son grand-père, Grand-Comorien, n’était pas venu travailler à Mayotte en son temps ?
- Mayotte est française depuis 1841 avant Nice et la Savoie : c’est bien sans doute parce que les Mahorais savent qu’ils sont avant tout Comoriens qu’ils éprouvent le besoin de rappeler sans cesse cette appartenance à Mayotte française depuis cette date. En effet, les Réunionnais, les Guadeloupéens, les Guyanais ou les Martiniquais qui n’ont jamais cessé de penser qu’ils étaient avant tout Réunionnais, Guadeloupéens, Guyanais ou Martiniquais n’ont jamais eu l’idée d’avancer ce type d’arguments alors que ces espaces sont français depuis le 17ème siècle. Surtout comparaison n’est pas raison car, Nice et la Savoie, en dehors de leur proximité géographique, ont des relations beaucoup plus anciennes que Mayotte avec la France. Mayotte devient « française » au moment de la colonisation de l’Afrique avec le code de l’indigénat comme dans toutes les colonies (l’Algérie en 1830 et une grande partie de l’Afrique subsaharienne à partir de 1850). L’Afrique qui connaîtra la décolonisation. Cet argument de Nice et la Savoie est non seulement fallacieux mais relève de ce que Frantz Fanon appelait le complexe du colonisé.
- On ne peut pas insulter les Chatouilleuses ni dire que c’était de la torture. Personne n’a insulté les chatouilleuses. Toutefois, les archives montrent que ces Chatouilleuses se considéraient comme des Soroda (partisans de Mayotte française constitués en milices) et ne voulaient d’ailleurs pas qu’on les appelle « les Chatouilleuses ». Elles expliquent elles-mêmes, et les témoignages existent, que si elles ont eu recours à la « chatouille » c’était par stratagème : pour ne pas user de la violence pure, qui aurait été réprimée par les gendarmes. Tout ça est connu et très bien documenté (voir par exemple, Mamaye IDRISS, Le combat pour Mayotte française). La députée le sait bien et c’est cela justement son problème. Des témoins comme M. Boina, sont encore en vie qui ont, soit subi eux-mêmes cette torture, soit, ont connu des gens qui en ont été victimes. Comment peut-on dire des Chatouilleuses que c’est elles [sic] qui font que vous avez des routes, c’est elles qui font que vous avez des écoles, c’est elles qui font que vous avez encore un drapeau français et la possibilité de manger et de vivre en paix ? C’est elles ! C’est gravissime. Faudrait-il penser que l’air que les gens respirent, ils le doivent aussi aux Chatouilleuses ? Ce pourrait être drôle si ce n’était très grave. L’aliénation coloniale atteint ici son point culminant.
- Estelle YOUSSOUFA se ferait-elle l’élève de Joseph Goebbels qui disait : accusez l’autre de ce dont vous vous sentez coupable, en niant la vérité au point d’inverser la réalité. Comme si les Soroda et les Chatouilleuses n’avaient pas subi des agressions sexuelles, des tentatives d’assassinat, des tortures, des viols et que sais-je encore ! Il faut oser le faire : tous les témoins encore vivants de cette époque affirment que c’est précisément tous ces sévices que les Soroda faisaient subir aux Serrer-la-main (partisans de l’unité et/ou de l’indépendance). De nombreuses personnes à Mayotte ont encore en mémoire les « incidents » d’Acoua et de Poroani perpétrés par les Soroda. Les violences à Mtsapere étaient-elles le fait de Serrer-la-main ? Les milices MPM, les Fada Mpango, soutenus par les légionnaires et les gendarmes n’étaient-ils pas des Soroda ? Dans sa mauvaise foi, Estelle YOUSSOUFA va jusqu’à dire que Les serrer-la-main… sont en train de réécrire l’histoire. Or, c’est exactement ce que l’on fait à Mayotte depuis plus d’une cinquantaine d’années pour nier l’appartenance de Mayotte aux Comores.
- Parler de …référendum de décembre 1974… montre une certaine légèreté : il s’agissait d’une consultation, ce qu’une députée ne devrait pas ignorer. Les Mots Sont Importants !
- Enfin employer des expressions comme …Allez dégueuler ailleurs… n’est pas digne d’une députée à l’assemblée nationale française. Quant à la formule écouter LE Boina en train de vomir sur les Chatouilleuses (en parlant de M. Boina), elle rappelle fâcheusement celle d’Emmanuel Macron : le kwassa-kwassa pêche peu, il amène DU Comorien. Estelle YOUSSOUFA ne veut pas donner le fond de [sa] pensée pour pas aller dans les insultes. Elle explique que là c’est la version Youssoufa calme. Autant dire que Youssoufa énervée, c’est celle qui dit à Mayotte la 1ère dans le Kalaoidala du 10 octobre 2018 (sans que personne ne relève, ne nuance ses propos ni ne la contredise) : Quand Monsieur le Maire parle d’aller traiter le problème en amont, on va appeler un chat un chat, le problème il est aux Comores. Tout le monde, tous les journalistes de France et de Navarre, tous les faisceaux satellites sur Google Maps, on voit les usines à kwasa qui opèrent à Anjouan ; ça prend 20 marins surentraînés de la marine nationale des forces spéciales, elles vont plastifier ces usines : en une nuit le problème est réglé ! Signalons qu’Anjouan est située dans un pays souverain, indépendant. Marine Le Pen oserait-elle faire une telle proposition ?