Les opérations de recensement électorales ont été difficiles à Anjouan et cela traduit le fatalisme de la majorité de la population qui pense qu’il n’y a pas de raisons que les fraudes observées en 2019 ne se reproduisent pas pour maintenir le chef de l’État actuel au pouvoir.
Par Naenmati Ibrahim
Après la signature par le président Azali Assoumani du décret nommant les membres de la nouvelle commission électorale, le recensement électoral a commencé dans l’île d’Anjouan comme dans l’ensemble du territoire national. Le décret diffusé le 14 mai a immédiatement fait polémique compte tenu du fait que la nouvelle commission électorale était verrouillée.
Des recensements difficiles
L’opposition se sent marginalisée. L’ensemble des membres choisis fait partie soit du parti au pouvoir (CRC) soit de la mouvance présidentielle. La Commission électorale est d’abord chargée du renouvellement des fiches électorales en faisant un recensement. Celui-ci devait durer 30 jours du 28 mai au 17juillet, date qui était fixée par la CENI. Mais, comme les choses ne sont pas passées comme prévu sur le terrain, il y a eu un report de l’échéance pour mobiliser les jeunes et les inciter à s’inscrire.
Ce processus quasi traditionnel intervient toujours à l’approche des élections pour enregistrer de nouvelles personnes comme les jeunes qui sont en âge de voter et pour permettre à ceux qui sont enregistrés de vérifier leurs noms, mais aussi de permettre à ceux qui ont perdu leurs cartes d’en réclamer une nouvelle.
Lors du recensement à Anjouan, les agents recenseurs qui sillonnaient les différentes localités ont rencontré pas mal de difficultés, c’est pour cela qu’ils ont préféré s’en remettre aux mairies. À Bambao Mtruni, par exemple, c’est à la mairie de la commune que les gens sont allés s’inscrire durant la deuxième tentative.
La CENI a demandé à revoir la liste électorale de ceux ayant des cartes d’électeurs sans être inscrits sur une liste électorale, une défaillance rencontrée à chaque élection. Il s’agit le plus souvent d’une stratégie pour faire recaler certains électeurs ne manifestant pas un enthousiasme au régime en place. Car, surtout ces cinq dernières années, c’est le régime en place qui organise les élections. Sous couvert de la CENI, il choisit avec soin tous les acteurs de la machine organisationnelle : les présidents de bureau, les assesseurs, les forces de l’ordre et d’autres qui suivre les recommandations données au plus haut niveau.
30 jours pour faire le recensement à Anjouan
La CENI s’est déployée pour recruter 166 agents recenseurs dans tout le pays pour 30 jours sans résultat satisfaisant. Un constat inquiétant qui a fait réagir le gouvernement durant le forum sur l’implication des jeunes dans les affaires politiques et publiques qui a eu lieu le 19 juillet 2023 au Palais du peuple. C’était à quelques jours de la fermeture du recensement des cartes électorales. C’est le ministre de la Jeunesse et des Sports, Djaanfar Salim Allauoi qui a fait savoir que l’objectif de ce forum était de sensibiliser les jeunes aux enjeux électoraux et de promouvoir leur participation civique en les encourageant à s’enregistrer en tant qu’électeurs, à comprendre les procédures électorales et à prendre conscience de l’importance de leurs votes. C’est juste après ce forum qu’une voiture avec un haut-parleur sillonnait les rues à Anjouan pour inciter la population, surtout les jeunes, à s’inscrire pour obtenir leurs cartes électorales.
L’implication des autorités municipales
Les mairies se sont retrouvées à faire le travail de recensement dans l’espoir qu’il y ait une prise de conscience de la part des concernés pour aller s’inscrire ou vérifier les listes pour être sûr d’y être toujours, et pour ceux qui ont égaré leur carte de les réclamer.
Les difficultés rencontrées pas les agents recenseurs démontrent à quel point la population anjouanaise ne croit pas à des élections sincères en 2024. Et cela à cause du fait que l’élection principale, la présidentielle, semble être jouée d’avance. La population croit qu’avec ou sans vote, le président Azali Assoumani restera au pouvoir. Certains, ignorants de la situation politique, disent même que le président sera candidat unique à sa succession. Ceux qui suivent l’actualité, surtout les amateurs de réseaux sociaux, disent que le président choisira avec soin les candidats qui vont l’affronter à cette élection, histoire de se rendre crédible et de montrer à la Communauté internationale que les Comoriens sont favorables à ces élections puisqu’ils y ont participé.
Il est donc facile de comprendre que si les gens ne se recensent pas c’est parce qu’ils estiment que n’y aura pas vraiment de choix durant ces élections. De plus, jusqu’à maintenant, c’est le silence total, rien ne bouge, alors que dans les élections précédentes, même durant les précampagnes, le peuple était en ébullition et on commençait déjà à faire des sondages. Même s’il y a déjà des candidats, la population ne semble pas les connaître, par manque de popularité, ils sont inconnus des électeurs anjouanais.
Des candidats aux aguets en attendant l’aval du président Azali
Le plus triste c’est qu’a Anjouan il n’y a toujours pas de déclaration de candidatures pour l’élection du gouverneur. Même le gouverneur Anisse Chamsidine ne s’est pas officiellement déclaré. Les élections à venir seront exceptionnelles vu l’allure qu’elles prennent jusqu’à maintenant. Les aînés qui encourageaient les jeunes à s’inscrire pour obtenir le plus d’électeurs possible semblent avoir disparu. Le président Azali Assoumani a montré aux Comoriens que le choix n’appartient qu’à lui, alors la population se dit juste, que le mieux c’est de le laisser faire ce qu’il a l’habitude de faire.
Nous rappelons que les élections du président de l’Union et des gouverneurs des îles auront lieu au début de l’année 2024, avec une première campagne électorale qui débute en décembre de cette année. Elles seront suivies en 2025 par les élections législatives et des municipales en 2025.