Dans sa dernière sortie, à l’issue du conseil des ministres du 19 septembre, la porte-parole du gouvernement, Fatima Ahamada, ancienne journaliste de l’ORTC, a su lire au mot près la stratégie de communication élaborée en haut lieu et destinée à justifier l’élimination physique après des heures de tortures du jeune gendarme qui a blessé le chef de l’État, Azali Assoumani.
Par Mahmoud Ibrahime
Elle aurait pu évoquer l’inhumanité des militaires qui ont « interrogé » le coupable à Beit-Salam ou ailleurs, qui lui ont coupé plusieurs organes et fait des entailles à certains membres, avant de lui mettre une balle dans la tête et deux autres à la poitrine. Non, elle a préféré faire la propagandiste de Beit-Salam.
Elle aurait même pu arrêter son discours à l’évocation de « la santé retrouvée du chef de l’État ». Ce gouvernement n’est pas à un mensonge près et l’on aurait fermé les yeux.
Mais, elle a trouvé utile, et avec elle tout le gouvernement et les conseillers en communication de bafouer la mémoire d’un mort qui vient juste d’être enterré. Le jeune homme de 24 ans, qui a blessé le chef de l’État le 13 septembre dernier, est présenté comme un drogué (« mndru wahe le tibako masera »), « un terroriste » qui n’était pas « lui-même » (« kadjaka waye »). Rien de moins. Son argument ? « Beaucoup de gens le montrent ». C’est ce qu’on appelle du journalisme de haut niveau. On se demande si c’est bien la même ministre qui appelait récemment les usagers des réseaux sociaux à plus de mesure et à éviter les insultes contre des personnes, quel que soit leur bord politique.
Le pire, c’est qu’avant de balancer ces insanités sur un mort, la porte-parole du gouvernement a précisé que « le Procureur de la République a ouvert une nouvelle enquête pour savoir comment il est mort et en tant qu’exécutif nous ne pouvons rien dire, nous attendons les conclusions et les explications du Procureur ». Ewa !
Alors pourquoi le gouvernement a-t-il choisi cette sale communication dans un pays musulman où le mort doit être respecté ?
Dès l’annonce des tortures qu’a subies ce jeune homme, le gouvernement a diffusé l’idée que c’était un fou, un drogué, un terroriste. Ustadh Harouna, qui avait sans doute prévu une telle dérive de la communication du gouvernement, a tenu à rappeler devant la tombe de la victime que certes, dans sa jeunesse, il avait commis des erreurs, mais que ces dernières années, il avait fait un travail sur lui-même pour revenir à la prière. Ustadh Harouna a affirmé qu’il arrivait même à Fano de diriger la prière. Le jour même où il allait blesser le chef de l’État, il l’a trouvé assis sur la terrasse de la mosquée en pleine méditation et à son interrogation, le jeune gendarme avait répondu : « Je me repose un peu avant d’aller à mes occupations ».
Maintenant, si le gouvernement veut continuer avec cette sale communication, qu’il nous explique pourquoi il a fait exécuter un homme qui était « fou » et « drogué », c’est-à-dire qui n’était nullement conscient de ses actes. Qu’on nous dise si ce gouvernement fait ainsi l’aveu qu’il recrute parmi la jeunesse comorienne des drogués et des fous puisque ce jeune homme était un militaire qui exerçait depuis deux ans. Cela expliquerait ces exécutions sommaires et ces tortures jusqu’à la mort qu’il nous a été donné de voir ces derniers temps. Au moins, son acte peut nous révéler qu’à un moment, il a compris que ce qu’on lui demandait de faire quotidiennement, comme bon nombre de jeunes militaires sur les pick-up, n’était pas conforme ni avec l’éducation ni avec la religion de ce pays.
Il est affligeant de constater que, maintenant, à chaque assassinat, sous les tortures ou par « balle perdue », comme disait un ancien ministre et porte-parole du gouvernement, les communicants de Beit-Salam et du gouvernement sont à l’œuvre pour ramasser les morceaux de chair et passer la serpillère, faire disparaitre le sang encore frais par des mots dont ils n’imaginent sans doute pas ce qu’ils causent de douleurs aux familles qui ont perdu leurs enfants dans des conditions aussi atroces. Et ils ont l’arrogance de croire que grâce à leur funeste travail, il ne restera rien de tous ces meurtres de jeunes gens à la fleur de l’âge. C’est ainsi que se fortifie l’illusion des grands communicants qui servent la dictature d’Azali Assoumani.