Le congrès de la Convention pour le Renouveau des Comores (CRC), le parti gouvernemental s’est tenu la semaine dernière, après 21 ans d’existence. Sans les grands leaders fondateurs, à part Azali Assoumani. Il a vu la reconduction du secrétaire général, l’actuel Chargé de la Défense, Mohamed Youssouf Belou.
Par MiB
Le Congrès du parti du Chef de l’État Azali Assoumani, la Convention pour le Renouveau des Comores (CRC) s’est ouvert le samedi 12 août dernier pour être clôturé le lendemain avec l’élection du nouveau secrétaire général, Youssouf Mohamed Belou.
Une élection opaque
La première journée a été consacrée à des réflexions sous forme d’ateliers, en particulier pour revoir les textes fondamentaux. Le parti annonce, dans un premier temps, 35.000 adhérents et revendique le titre de premier parti des Comores, en oubliant que depuis 2018 le pouvoir CRC s’est employé à casser tous les partis qui pouvaient le concurrencer et notamment le parti Juwa qui était de loin le plus grand parti, avant la mise en prison de son leader Ahmed Abdallah Mohamed Sambi en 2018.
Le parti a examiné les candidatures au poste de secrétaire général. Il a invalidé l’une des candidatures pour dossier incomplet et a reconduit le Secrétaire général sortant, Youssouf Mohamed Belou. Les résultats du scrutin n’ont pas été rendus publics, il a été seulement demandé à l’Assemblée de valider l’élection par l’acclamation le dimanche. La démocratie selon la CRC. Une opacité dans les élections. C’est à l’image de ce que les hommes de ce parti imposent au pays depuis 2018. Nous rappelons que lors des présidentielles de 2019, les urnes n’ont même pas été ouvertes.
Le sultan et le dictateur
Avant même le Secrétaire général, c’est celui qui est désigné comme « sultan » Abdulanzize de Kwambani (Washili) qui est venu prononcer le mot de bienvenue. Il est allé au-delà. Le « sultan » a déjà été utilisé par Azali dans certaines missions, notamment pour tenter de convaincre la diaspora en France de se rallier au régime. Ce fut un échec éclatant et on découvre à l’occasion de ce Congrès qu’il est dans le parti et a joué un rôle important dans l’organisation du congrès. Il a commencé son discours par une chanson en l’honneur d’Azali Assoumani : « Le raïs, c’est toi, Azali Assoumani ». Ce à quoi Azali, ému, a répondu en portant sa main sur le cœur. Le sieur Abdulanziz a fait un discours de plus de 15 minutes consistant à remercier et à flatter Azali Assoumani.
Nour el Fath Azali ravale ses ambitions
Nour el Fath Azali, celui que ses amis journalistes ont présenté ces derniers temps dans les réseaux sociaux et certains journaux comme le secrétaire général idéal, celui qui monte et qui occuperait la scène politique et médiatique, est intervenu en cinquième position. Il a tenté de mettre en avant le travail qu’il a accompli ces derniers temps au sein d’un parti qui, selon lui et d’autres intervenants, était en conflit. Il a rappelé indirectement qu’il a mis en place au cours de ses déplacements les coordinations régionales et qu’il aurait ainsi ramené 16.000 nouveaux adhérents au parti. Il indique donc qu’au total le parti compte 30.000 adhérents. Lorsqu’il s’est lancé dans la lecture du compte rendu des travaux, tandis que sa mère commençait discrètement une discussion au téléphone et ensuite avec sa voisine, ce fut catastrophique et presqu’aussi incompréhensible que les envolées du chef de l’État en français.
Ses contacts avec les coordinations devaient sans doute lui permettre de prendre la tête du parti, d’autant que les journalistes qui lui sont proches n’ont pas cessé de faire croire qu’il en était capable et qu’il allait faire. Il semble que son père, qui a accéléré son entrée en politique a décidé de le freiner. Et il a insidieusement rappelé dans son discours de clôture qu’il fallait que les jeunes apprennent à être patients et à apprendre avec les plus expérimentés.
Belou : un discours qui a réveillé l’auditoire
Après cinq interventions soporifiques et sans intérêt, le congrès de la CRC a pris des couleurs lorsque le Secrétaire général, Youssouf Mohamed Belou est monté à la tribune. Et pourtant, en termes de contenu, il n’y avait rien de plus que les remerciements et les paroles flatteuses envers Azali et sa femme. Mais, il a su réveiller les militants par une voix qui porte et par un humour particulier. Il a désigné la femme du chef de l’État comme étant le COSEP (service d’urgence) du parti en la comparant à un pompier qui arrive dès qu’un danger se présente. « Je peux être mal poli, donc je remercie les militants de m’avoir supporté », a-t-il déclaré sous les applaudissements. Il les a remerciés en leur demandant pardon pour les erreurs qu’il a pu commettre et les a engagés à regarder le « rétroviseur de devant » (sic). Il a été le seul intervenant à réussir à faire sourire Azali Assoumani qui semblait réellement mal à l’aise, pour ensuite lui tirer une petite larme en évoquant le travail de son neveu Idaroussi Hamadi dont on dit qu’il est toujours gravement malade.
Pour le Chargé de la Défense, il s’agit d’un congrès pédagogique qui a permis de faire la paix entre dirigeants pour se lancer dans les élections de 2024. Pour cela il demande à ses militants « d’ouvrir les bouches et d’investir les réseaux sociaux ».
Les paroles d’Al-Imam Ghazzali
Le discours du président d’honneur du parti a fait redescendre de nouveau le rythme. Azali Assoumani s’est transformé en « Al-Imam Ghazzali », traduisant des paroles du Coran et appelant au pardon et à la paix. Un discours hallucinant et peu crédible au vu des exactions commises dans ce pays depuis 2018.
Au niveau politique, il a rappelé que les 35 000 adhérents (ils ne sont pas d’accord sur le nombre exact, avec une différence de 5000 adhérents selon l’orateur), ce n’est même pas 10% de l’électorat et que c’était insuffisant pour gagner des élections. Une claque donnée à son fils qui se targuait d’avoir fait adhérer de nombreux jeunes. Il appelle donc son parti à débattre, à être pédagogique et à s’ouvrir aux autres partis.
Le parti de la dictature, des tortures et des exécutions extrajudiciaires
Il ressort de ce congrès l’image d’un parti en tension et miné par des affrontements. Il a été rappelé, par plusieurs intervenants, la grande rupture qui a eu lieu et qui a vu le départ de certains membres fondateurs comme Houmed Msaidié ou Abdou Soefou. Ambari Daroueche, la mère de Nour el Fath ou le sultan Abdoulanzize apparaissent comme des réconciliateurs réguliers entre les tendances.
Avec ce congrès, les chefs ont tenté de donner une image respectable de la CRC, mais en réalité, l’échec est évident. Avec la dictature qui a débuté en 2018, la CRC a appuyé et soutenu la répression sanglante des manifestations et les tortures qui ont parfois mené à la mort. D’ailleurs, le Secrétaire général, Youssouf Mohamed Belou, est intervenu à chaque fois qu’un homme a été exécuté ou est mort des tortures pour justifier l’action de l’armée, dont il a la charge depuis plusieurs années.
L’échec la plus flagrante est de ne pas avoir réussi à fusionner tous les partis qui soutiennent Azali Assoumani. Si le parti Orange de Mohamed Daoud alias Kiki avait refusé dès le début de se saborder au profit de la CRC, le parti Radhi du porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidié s’était préparé à la fusion. La CRC s’est montrée trop gourmande et ce fut un échec. Les négociations avaient abouti avec une dizaine de partis dominés par Me Mohamed Abdouloihabi (actuel bâtonnier du Barreau de Moroni) et Mze Elbak, mais là aussi le parti CRC a fait peur à ses partenaires et la dynamique a été cassée. À l’approche des élections annoncées par le pouvoir en 2024, tous ces leaders se préparent à aller contre Azali Assoumani et la CRC. En vain, puisque la CRC contrôle l’armée et les urnes.
Le congrès de la CRC a également montré que le seul maître du parti reste Azali Assoumani. Ses volontés et ses consignes sont suivies à la lettre. Cette idée a été évoquée aussi bien par le sultan Abdoulanzize que par Youssouf Mohamed Belou. Il était donc présent, en tant que fondateur de la CRC, pour faire le discours de clôture.
Pourtant, Azali Asoumani semblait fatigué et perturbé. Quand on observe minutieusement ses mimiques pendant cette dernière journée du Congrès, on devine un chef d’État qui s’ennuyait et qui était ailleurs. Il se couvrait le visage ou la tête comme s’il craignait des gaffes, surtout de la part de son fils. Il n’a exprimé aucun enthousiasme lorsque ce dernier parlait. Il a gardé le visage fermé et souvent la tête baissée. Il semblait même parfois endormi.