Le parti Juwa a désigné Dr Salim Issa Abdillah pour porter ses couleurs aux présidentielles de 2024. Celui-ci doit sa victoire au soutien du président d’honneur du parti, Ahmed Sambi. Un soutien qui est diversement apprécié, et par ceux qui veulent boycotter ces présidentielles et par ceux qui étaient déjà lancés depuis un moment dans la campagne des primaires.
Par MiB
L’habitude s’est installée à présent, depuis 2016, à la veille de chaque élection, le parti Juwa est pris dans des oppositions internes qui ne lui permettent pas de construire son unité avant le combat. À l’approche des élections de 2024, les dissensions prennent le pas sur l’unité.
Une direction fragilisée
Il y a quelques semaines le combat était mené contre le secrétaire général, Ahmed Barwane, dont le mandat s’est terminé en 2020, sans que de nouvelles élections au sein du parti n’aient été organisées. Me Ahamada Mahamoudou était mis dans le même sac. Il leur était reproché d’avoir pris une position contre les élections présidentielles et de l’avoir affichée publiquement au sein du Front commun, alors qu’elle n’avait pas été validée par les instances internes et par les militants. En effet, les deux hommes sont engagés dans le combat du Front commun qui est résolument pour un boycott des élections de 2024. Un bras de fer avait été engagé entre les partisans d’une participation aux élections et ceux qui comme Ahmed Barwane et Me Mahamoudou restent opposés à toute élection organisée par le clan du chef de l’État, Azali Assoumani.
C’est également une ligne qui sépare aujourd’hui les opposants d’Azali Assoumani sur l’ensemble du pays. Mais, en réalité, aucun de ceux qui veulent participer à ces élections ne croit que ce dernier peut organiser des élections transparentes et honnêtes, et donc aucun d’eux ne pense pouvoir l’emporter.
Un sursaut de la population
Comme d’autres leaders politiques nationaux, les partisans d’aller aux élections au sein de JUWA, autant dire la majorité, surtout depuis que l’ancien président de l’Union, Ahmed Sambi et l’ancien Gouverneur Abdou Salami, du fond de leurs prisons respectives s’y sont rallié, pensent que la campagne électorale est une période pendant laquelle il est possible de mobiliser la population. Y compris pour sécuriser son vote, avait déclaré Me Fahmi Saïd Ibrahim. Ils comptent plus sur un sursaut de la population que sur des résultats qui seront inévitablement faussés par le gouvernement Azali, parce que ce dernier ne prévoit pas une possibilité de quitter le pouvoir ni en 2024 ni en 2029. Il sait qu’en quittant la tête de l’État, il verra immédiatement la libération des prisonniers politiques, mais aussi immanquablement sa mise en cause judiciaire pour sa gestion de l’État depuis 2018 et la mort de certaines personnalités, parfois sous la torture.
Barwane désavoué
Le secrétaire général en exercice du parti Juwa a tenté de s’opposer à ces primaires en mobilisant au sein du parti. Dans un communiqué de presse en date du 25 octobre 2023, il apprend au public qu’il a réuni les instances du parti (Bureau exécutif et Conseil politique national) les 21 et 22 octobre et qu’il a obtenu un accord sur la non-participation du parti Juwa aux prochaines élections. Il appelle par conséquent tout militant qui souhaite participer à ces élections à ne pas engager son parti. Enfin, il dénie à quiconque le droit d’organiser des élections primaires au sein du parti : « Toute consultation éventuellement visant les élections d’Azali de 2024 n’engage ainsi que leurs organisateurs indépendamment du parti » (sic).
Mais, alors que l’on pensait que la polémique était terminée et que les instances du parti avaient pris une décision qui serait acceptée par tous, la position du Secrétaire général a été affaiblie par l’entrée dans l’arène de l’ancien président Ahmed Sambi et l’ancien gouverneur d’Anjouan Abdou Salami qui, non seulement se prononcent pour une participation aux élections de 2024, mais présentent un candidat aux primaires. La fronde contre Ahmed Barwane, menée notamment par le Secrétaire général adjoint, Abdou Saïd et par les candidats aux primaires s’est trouvée confortée et a permis de le marginaliser. Les primaires furent organisées malgré son refus et sa mise en garde.
Le candidat de Sambi
En effet, l’entrée en jeu d’Ahmed Sambi, avec un nouveau candidat, a rebattu les cartes au sein du parti et parmi les partisans de la participation aux élections de 2024. Jusqu’il y a quelques jours, les militants pensaient qu’ils auraient à choisir essentiellement entre Ibrahim Mohamed Soulé et Me Fahmi Saïd Ibrahim. Après la présentation de la candidature du discret Dr Issa Salim Abdillah, il y a eu une recomposition des alliances. Parmi les militants qui s’étaient rangés du côté des deux favoris, certains ont quitté les équipes de campagne pour se rallier au candidat de l’ancien président.
La victoire du Dr Issa Salim Abdillah devenait évidente, même si jusque-là il faisait partie de ceux qui n’étaient pas favorables à la participation aux élections de 2024. Sur 150 grands électeurs, éparpillés entre les quatre îles et la France, il a obtenu 49 voix. Les autres voix se sont partagées entre Ibrahim Mohamed Soulé (29), Me Fahmi Saïd Ibrahim (28) et Allaoui Fikira (13).
Le Dr Issa Salim qui était un contrôleur discret au sein du dernier bureau du parti se retrouve au centre du parti, à devoir travailler pour réunir rapidement un parti disloqué et dont les primaires n’ont certainement pas arrangé la situation. Il y a, actuellement, dans le parti Juwa l’ancienne direction (autour d’Ahmed Barwane) qui veut boycotter les élections, et désormais parmi ceux qui veulent aller aux élections un éclatement entre ceux de Mohamed Ibrahim Soulé et ceux de Fahmi Saïd Ibrahim qui ont à peu près le même poids. Des frustrations ont vu le jour soudainement. Mais, d’autres raisons de conflits étaient apparues lors de la première division pendant les élections de 2016, entre ceux qui voulaient soutenir Mouigni Baraka ou Mohamed Ali Soilihi Mamadou et ceux qui ont suivi la parole du chef, Ahmed Sambi pour se rallier à Azali Assoumani. En 2019, après les primaires et l’invalidation par le pouvoir de la candidature d’Ibrahim Mohamed Soulé, d’autres oppositions avaient divisé le parti et ont donné deux candidatures de poids : celle de Me Ahamada Mahamoudou et celle de Me Fahmi Saïd Ibrahim.
Le parti n’a toujours pas pansé ses blessures. C’est pourquoi la tâche première du Dr Issa Salim Abdillah sera de réussir à faire la réunification de son parti ou à éclaircir la situation de chacun avant de partir au combat. Au risque de se retrouver avec des flèches dans le dos, sans jamais savoir d’où cela vient, comme il a pu en avoir un avant-goût dans certains médias et de la part de certains journalistes pendant la campagne des primaires.
Il est à noter que Me Fahmi Saïd Ibrahim avait prévu une conférence de presse samedi, sans doute pour clarifier lui-même sa position vis-à-vis du vainqueur des primaires et en tirer les leçons, il l’a reportée.