À Anjouan, des figures politiques émergentes se projettent déjà sur l’échéance présidentielle de 2029, affirmant que la tournante ne saurait être remise en question. Lors d’une conférence de presse, ces nouveaux leaders ont affiché leur détermination à se préparer dès maintenant pour cet enjeu majeur, espérant une alternance politique.
Par Naenmati Ibrahim
Jeudi 20 février, à Mutsamudu, une conférence de presse a réuni plusieurs nouvelles figures politiques anjouanaises, encore peu connues du grand public, mais qui entendent bien jouer un rôle clé lors de la prochaine élection présidentielle de 2029. Leur rassemblement, baptisé “Appel de Mutsamudu”, marque selon eux le début d’une réflexion et d’une préparation stratégiques à long terme. L’objectif affiché est clair : se préparer dès maintenant pour assurer une alternance politique et permettre à un leader anjouanais d’accéder au pouvoir en 2029, dans le cadre du système de la tournante qui régit la présidence des Comores.

Cette initiative intervient dans un contexte politique tendu, au lendemain des élections législatives et municipales, et à la veille de la proclamation des résultats par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Certains des participants à cette conférence comptaient parmi les candidats recalés aux législatives, d’autres ont été battus dans les urnes. Ce regroupement s’apparente donc également à une réponse aux frustrations politiques nées du déroulement du dernier scrutin.
Une préparation anticipée pour 2029
L’un des principaux intervenants de cette rencontre fut Zaki Souf, alias Larba de Sima, ancien candidat aux législatives dont la candidature a été rejetée par la Cour suprême. Prenant la parole au nom des Anjouanais présents, il a insisté sur la nécessité de préserver la tournante, un système qui, selon lui, garantit la stabilité politique des Comores.
“Il n’y a aucune raison de remettre en question le principe de la tournante. Nous avons quatre ans devant nous pour nous organiser et faire en sorte que l’élection présidentielle de 2029 revienne aux Anjouanais”, a-t-il déclaré.
L’argument avancé par ces nouveaux leaders repose en partie sur une interview accordée par le président en exercice à France 24, où il évoquait la question de l’héritage du pouvoir. Selon eux, cette déclaration confirme que le chef de l’État actuel ne sera pas candidat en 2029, et qu’il appartient donc aux Anjouanais de se préparer à reprendre le flambeau.
Parmi les figures émergentes présentes lors de la conférence, Dr Housni Mohamed Abdou, fondateur du parti Swauti, a également pris la parole pour défendre le maintien de la tournante. Pour lui, ce principe ne doit pas être perçu comme une élection insulaire, mais bien comme un mécanisme national qui assure un équilibre au sein de l’Union des Comores.
Ces nouveaux leaders politiques insistent sur l’importance d’une alternance démocratique. Selon eux, le système de la tournante n’est pas seulement un accord tacite entre les îles, mais aussi un moyen de renouveler la gouvernance et d’éviter la confiscation du pouvoir par une seule faction politique.
Un contexte politique marqué par les tensions
L’initiative des leaders anjouanais ne s’inscrit pas uniquement dans une démarche prospective. Elle constitue aussi une réaction aux dernières évolutions du paysage politique comorien.
D’une part, plusieurs participants à la conférence ont été exaspérés par le déroulement des élections législatives et municipales, car certains ont été candidats et d’autres, comme Housni Mohamed Abdou, ont été recalés par la Cour suprême, pour diverses raisons.
D’autre part, l’annonce d’une proposition de loi de Me Ali Ibrahim Mzimba visant à annuler le principe de la tournante a renforcé la détermination de ces leaders à s’organiser pour 2029. Bien qu’ils assurent que leur déclaration ne constitue pas une réponse directe à Me Ibrahim Mzimba, ils reconnaissent que son initiative a accéléré leur prise de position. Ils veulent se préparer, dès maintenant, à la présidentielle de 2029.
La question de la réconciliation anjouanaise
Si la conférence de presse a essentiellement porté sur l’élection présidentielle, une question soulevée par Ahmed Dine Combo, responsable de la Radio Télévision de Ndzuwani, a mis en lumière un autre enjeu majeur : la réconciliation des Anjouanais.
Depuis plusieurs années, des tensions internes divisent l’île d’Anjouan, opposant notamment les partisans de Mohamed Bacar et ceux de Mohamed Sambi. Certains leaders se retrouvant contraints à l’exil ou emprisonnés en raison des conflits politiques. Face à cette problématique, les nouveaux leaders politiques réunis à Mutsamudu reconnaissent qu’il existe une urgence à pacifier la situation, mais assurent qu’ils travaillent déjà à une solution. Ils prévoient ainsi d’organiser un symposium pour réunir les principaux leaders politiques de l’île, afin d’entamer une réconciliation.
Une volonté de préserver la stabilité et d’instaurer une alternance politique
Au-delà de la question de la tournante et de la réconciliation, ces leaders politiques sont satisfaits par les nouvelles institutions, notamment en ce qui concerne la durée du mandat présidentiel qui a été prolongé dans la réforme de 2018.
Certains d’entre eux estiment qu’une tournante de deux mandats successifs permettra de garantir une meilleure stabilité politique, offrant à chaque président le temps nécessaire pour établir un bilan solide. Cette proposition vise à éviter une remise en question systématique des acquis du mandat précédent lors de chaque nouvelle rotation du pouvoir.
Mais au-delà de la stabilité institutionnelle, c’est bien une alternance politique qu’ils espèrent. Pour ces nouveaux leaders, 2029 doit marquer un changement de gouvernance, avec l’arrivée d’une nouvelle génération politique au pouvoir. Ils affirment que l’« Appel de Mutsamudu » n’est pas seulement une déclaration d’intention, mais le début d’une véritable mobilisation politique.
Malgré les défis politiques et institutionnels qui se dressent sur leur chemin, les initiateurs de l’« Appel de Mutsamudu » restent fermes sur leur position : la tournante présidentielle en 2029 doit revenir à Anjouan, et ils comptent bien s’y préparer dès aujourd’hui.
L’échéance est encore lointaine, mais ces nouvelles figures politiques sont décidées à bien faire entendre leur voix et peser dans le débat national. Leur prochaine étape sera donc l’organisation de ce fameux symposium, qui pourrait jeter les bases d’une stratégie politique anjouanaise cohérente pour l’élection présidentielle à venir et pour la réconciliation nationale.