Les juges imposent le silence aux avocats et foulent aux pieds les lois de notre pays et feignent d’ignorer que la justice peut engager leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire.
« Vous, avocats, vous avez le droit, mais nous, juges, nous avons le pouvoir ». C’est une phrase chère à certains magistrats pour évoquer leurs pouvoirs omnipotents. Il s’agit d’une phrase dont la paternité revient à un magistrat en exercice d’une quarantaine d’années en Union des Comores. À travers ces droits frelatés des juges comoriens, il est institué un code de conduite des avocats les obligeant à suivre les instructions de certains juges s’ils veulent prospérer dans la profession d’avocat. Le modus operandi est que le juge concerné par ce type d’arrangement, orientera le justiciable vers l’avocat qui a accepté le pacte de corruption. Ainsi, dans ce type de relation juge-avocat, le juge demande un avocat soumis aux désidératas du juge contre l’attribution de certains dossiers intéressants au palais de justice.
Malheur à tout avocat qui serait tenté de se soustraire à la loi des dieux de la justice aux Comores. Car dans ce type de scénario, il n’est pas question de rechercher un excellent avocat, rigoureux et respectueux de la déontologie de la profession. On veut plutôt un avocat conciliant et arrangeant avec le juge. Il sera le représentant symbolique du client devant la justice. Tout simplement parce qu’il n’aura qu’un simple rôle de figurant dans ce procès fictif. Ainsi, la « justice » sera rendue en faveur de celui qui aura les faveurs du juge corrupteur.
En revanche, l’avocat attaché à la rigueur professionnelle pourrait être considéré comme un déchet de la justice pour avoir refusé “le deal » avec certains juges. Il perdra presque tous les procès pour lesquels il interviendra en termes de sanctions par les juges indélicats envers la loi. Cet avocat sera dans l’œil du cyclone pour l’éternité parce qu’en amont, les juges vont déconseiller les justiciables de le prendre comme avocat. Et si par hasard, le justiciable passe outre ces instructions, et choisit l’avocat « blacklisté », ce dernier échouera même pour les procès imperdables.
Du coup, et à contrecœur parfois, les justiciables sont contraints de rentrer dans le système mafieux parce que le juge leur montre avec une clarté déconcertante qu’il ne sert à rien de payer des honoraires à un avocat, car in fine, c’est lui qui a le dernier mot dans le dossier. Tel est décrit et scellé le pacte de compromission entre des juges et des avocats comoriens.
Les juges imposent le silence aux avocats et foulent aux pieds les lois de notre pays et feignent d’ignorer que la justice peut engager leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire. Il sera question ici de la responsabilité pénale des magistrats.
- Sur l’histoire de la responsabilité des juges
En France, les juges jouissaient d’un statut particulier en ce sens que le citoyen ne pouvait pas engager facilement la responsabilité d’un magistrat qui a commis une faute professionnelle. Le particulier pouvait seulement citer à comparaitre l’État pour obtenir réparation du préjudice subi. En retour, l’État pouvait, par action récursoire, demander au magistrat défaillant le remboursement des sommes versées au justiciable. Toutefois, depuis la loi du n°93-2 du 4 janvier 1993, dans l’exercice de ses fonctions, en tant que dépositaire de l’autorité publique, le juge français est soumis, comme les agents publics, à la répression des infractions d’abus d’autorité, soustraction et détournement de biens, corruption active et passive et de déni de justice.
Aux Comores, la loi est beaucoup plus stricte qu’en France contre les magistrats indélicats. Le Code pénal de 2020 promulgué par le décret n°21‐018/PR du 16 février 2021 met en place un arsenal juridique répressif impressionnant contre eux. Le législateur voulait leur faire comprendre qu’ils ne sont pas au-dessus de la loi. Ils ne bénéficient plus du privilège de juridiction. Ils doivent répondre de la loi commune aux agents publics. D’autres infractions spécifiques pour les magistrats sont prévues par la loi. - Sur la révélation de secret : jusqu’à deux ans plus une amende
Tel qu’il ressort de l’article 129 du Code Pénal comorien : « Tous ceux qui, étant dépositaires, par état ou profession des secrets qui… auront révélé ces secrets seront punis d’un emprisonnement de six mois à deux ans et facultativement d’une amende de 20.000 à 150.000 francs comoriens ». - Sur le déni de justice : amende et interdiction d’exercer des fonctions publiques pendant cinq maximum.
Le Code Pénal comorien prévoit en son article 154 que : « Tout juge, tribunal ou cour, tout administrateur ou autorité administrative qui, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de l’obscurité de la loi par déni de rendre la justice qu’il doit aux parties, après en avoir été requis, et qui aura persévéré dans son déni….sera puni d’une amende de 20.000 francs comoriens au moins et de 240.000 francs comoriens au plus, et de l’interdiction d’exercer ses fonctions publiques pendant cinq ans au maximum ». - Sur la corruption active et passive : dix ans d’emprisonnement plus une amende de 5 millions de francs comoriens
Le Code Pénal comorien prévoit six articles sur la corruption active et passive : les articles 513 et suivants. L’article 514 définit la corruption active et passive : « Est puni de sept ans à dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 5 millions de FC, le fait de proposer sans droit, directement ou par personne interposée des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques pour obtenir d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’un de service public ou investie d’un mandat public électif… » - Sur l’abus de fonction : cinq ans d’emprisonnement, une amende et une interdiction définitive ou pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à sept ans
Le Code Pénal comorien a consacré deux articles sur l’auteur de l’abus de fonction et sur l’intermédiaire dans la commission de l’infraction visée à l’article 521. Selon l’article 521, un magistrat peut être puni à « cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 5.000.000 de FC le fait par un agent public d’abuser de ses fonctions ou de son poste en accomplissant ou en abstenant d’accomplir, dans l’exercice de ses fonctions, un acte en violation des lois et règlements afin d’obtenir un avantage indu pour lui‐même ou pour une autre personne ou entité ». Les tribunaux peuvent prononcer des peines complémentaires à savoir « l’interdiction définitive ou pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à sept ans d’exercer la profession à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ». - Sur les infractions commises lors des jugements des affaires : cinq ans d’emprisonnement et une amende
L’article 525 du Code Pénal Comorien prévoit que « Si un magistrat, un assesseur ou toute personne siégeant dans une formation juridictionnelle, administrative, un arbitre ou un expert nommé soit par une juridiction soit par les parties s’est laissé corrompre, il est puni des peines prévues à l’alinéa 1 ci-dessus. », c’est-à-dire 5 ans d’emprisonnement et une amende de 50.000FC à 100.000 FC. - Sur le constat amer du fonctionnement de la justice
Il est donc établi que si la loi pénale était appliquée rigoureusement, plusieurs magistrats comoriens seraient soit derrière les barreaux, soit interdits définitivement d’exercer leurs fonctions. Il est d’ailleurs plus facile d’établir la culpabilité de la plupart de ces magistrats. Car les personnes victimes de la justice comorienne pour déni de justice, d’abus de fonction, de corruption active et passive et de révélation de secret obtenu en étant dépositaire de l’autorité publique, en parlent partout, tout le temps.
Malheureusement, les pratiques irrégulières des magistrats sont légion et perdurent ; comme si tous les avocats acceptent ce mode de fonctionnement. Des personnes font des gardes à vue manifestement abusives et injustifiées et très souvent d’ailleurs au-delà du délai autorisé par la loi. C’est extrêmement rare que les délais de la période de détention provisoire soient respectés. Certaines personnes sont remises en liberté après une longue période de détention provisoire, sans être jugées. D’autres purgent leurs peines et attendent plusieurs jours, voire plusieurs mois, pour sortir. Ils attendent du parquet le fameux « ordre d’élargissement » qui n’existe pas dans le droit comorien.
Le procès des magistrats comoriens occuperait une place plus importante dans les juridictions que le contentieux foncier de masse, tellement il y a des choses à dire sur les manquements répétés et délibérés de ceux qui devraient être la bouche de la loi.
Curieusement, toutes les couches sociales, à savoir militaire, policiers, notaires, huissiers, avocats, hommes d’affaires, religieux, politicien, agents publics, enseignants… ont déjà fait la prison, sauf les « saints juges » comoriens. Inévitablement, il y a une seule et unique forme de corporatisme qui marche très bien aux Comores : le « syndicat » des juges comoriens qui s’arrangent toujours pour intimer, emprisonner et racketter le peuple. - Moralité
Mes très chers confrères des Comores,
Osons la révolte pour libérer la parole de l’avocat. Nous devons nous débarrasser des chaînes mentales qui entravent nos modes de pensées et qui asphyxient notre existence en tant qu’avocat et homme libre. Nous devons être déterminés à conquérir notre espèce en tant que défenseurs des droits individuels et des libertés publiques. Nous devons rappeler à tous les magistrats comoriens qu’ils ont uniquement le pouvoir de dire le droit et non de détruire les espoirs des citoyens pour leurs intérêts personnels. Nous ne voulons plus des magistrats sans foi ni loi.
Soyons des avocats, des vrais, pas pour plaire, mais pour défendre vaillamment les justiciables au nom de la justice. Il ne faut pas compter sur les chefs de juridictions pour que la situation change, car ils sont complices de ces pratiques mafieuses.