La situation que nous vivons dans le pays en ces mois de juillet et août 2022 devrait amener tout un chacun à s’interroger sur le fameux GRAND MARIAGE. La multiplication des mash’hulià Ngazidja pose problème. Les célébrations se chevauchent. Cela a conduit à une programmation des festivités pour que chacun puisse y participer.
Une programmation au niveau de chaque localité, le problème n’est donc pas résolu ! Car personne ne limite son mash’huli. Faute de mieux on en est arrivé à une planification journalière. Mais qui peut assister tous les jours, matin, après-midi et soir à des mash’huli ? S’imagine-t-on le pays consacrant deux mois à des mash’huli ?
D’où une tendance lourde appelée à se renforcer au fil du temps. De plus en plus, les gens ne se rendent aux mash’huli que de leurs proches, familles, amis, etc.
Énormes dépenses ostentatoires
Le grand mariage perd ainsi et de plus en plus, une de ses dimensions essentielles : son aspect communautaire.
Énormes dépenses ostentatoires en cette période de crise internationale. L’euphorie des mash’huli semble emporter le pays dans un monde virtuel. Comme si les pénuries avaient disparu par magie. Comme si l’envolée des prix était une illusion. Quels lendemains de mash’huli prépare-t-on au pays ?
Pourquoi une situation aussi ubuesque dans un petit pays pauvre comme le nôtre ?
La défense de la culture
Défendre et préserver notre culture. Argument massue des pro « anda » ! Mais qui semble ne pas peser lourd. La base essentielle de notre culture n’est pas le « anda », c’est notre langue dans ses cinq parlers : shibushi (de Maore), shiMaore, shiNdzuwani, shiNgazidja na shiMwali.
Cela ne semble pas être une véritable préoccupation. On assiste même impuissant à des aberrations en la matière. Des enfants de parents comoriens vivant aux Comores ne sachant pas s’exprimer en comorien. Des enfants de plus en plus nombreux dont les parents se bousculent d’un mash’huli à l’autre pour s’asseoir sur les « places d’honneur ».
Le paraître social
Quant aux « je-viens », grands faiseurs de « anda », on pourrait évoquer des préoccupations identitaires. Mais là aussi on constate que leurs enfants portent des noms occidentaux, ignorent le comorien, etc.
La vraie motivation réside dans le paraître social. Curieusement chacun considère la réalisation du « anda » comme la réussite finale. C’est d’ailleurs ainsi que l’on peut expliquer le fait que le « anda » ne soit plus réservé aux ainés de chaque famille.
Une anecdote, dans mon enfance, il y a plus d’un demi-siècle, lorsque l’on organisait des célébrations officielles, il y avait les places des cadres et celles des notables. Mon père préférait s’installer sur le coin des cadres alors qu’il était un notable. Aujourd’hui, il n’y a plus de places pour les cadres, nos « grands intellectuels », y compris ceux qui vivent à l’extérieur, portent fièrement leurs parures « d’hommes accomplis » et se fondent dans le clan des grands notables.
Le « anda » et le développement local
Le « anda » ne serait pas à 100% négatif. Sorte d’assurance sociale ! Il contribue au développement de nos localités. Une partie de l’argent distribué est consacrée à des projets positifs comme des routes, etc. Comme si le monde était manichéen ! Comme si le développement communautaire devait passer uniquement et obligatoirement par le « anda » ou en dépendre.
En réalité le « anda » a perdu le rôle positif qu’il jouait dans la société comorienne en termes de structuration, de promotion de la culture, etc. Ce qui a fait dire à Ali Soilihi que le « anda » est devenu un « kunkuu », une noix de coco dépourvue de son lait et de sa chair, une absurdité à laquelle on s’attache parce que l’on a perdu le sens du « anda na mila » et l’on ne retient que le « anda » coupé de ses racines le mila.
Quel destin pour le « anda » ?
Certains voudraient le règlementer afin de limiter les dépenses excessives. Cela fait plusieurs dizaines d’années que le processus est engagé. On peut noter quelques avancées dans les grandes villes comme Moroni. Mais en général cela a occasionné des oppositions entre pour et contre débouchant même sur des scissions dans les « midji »
Le « anda » était au centre de la société comorienne. Il était le cœur des « mila » (coutumes). Sa pratique a beaucoup évolué. Les festivités ne sont plus les mêmes. Le « anda » propulsait nos danses, chants, poèmes (honko), notre cuisine. Les nouvelles générations ignorent bien des danses traditionnelles (certaines sont folklorisées dans les alliances françaises), bien des plats ont disparu. Notre culture n’est plus intégrée dans notre vie, nous perdons nos racines au fil des années.
Le « anda », à l’épreuve du temps, s’adaptera-t-il ou disparaîtra-t-il ? Comment va évoluer notre « anda na mila » ?
Idriss (20/08/2022)