On ne finira pas de tarir d’éloges sur le coup de force que vient de réaliser le peuple sénégalais. Il a voté, il s’est exprimé et ô miracle sa voix a été entendue. Ce miracle se passe assez régulièrement dans beaucoup de pays démocratiques, mais lorsque ça arrive dans un pays d’Afrique subsaharienne qui plus est francophone, ça surprend, ça interpelle ! Même au pays de Cheikh Anta Diop et vitrine de la démocratie en Afrique depuis les indépendances.
Par Nadia Tourqui
Comme si nous étions condamnés à vivre dans de faux états qui entretiennent des institutions de pacotille dirigées par des marionnettes à la solde de grandes puissances. « Mon bulletin est mon arme » était déjà le slogan du mouvement Y’en a marre en 2011.
Cette victoire est d’abord celle de la démocratie contre les marchands d’illusions qui parlent de rétablir des droits tout en composant avec des situations de non droit. Elle est aussi celle de la capacité à faire corps contre les injustices à la place des réflexes claniques. Elle dément tous les préjugés selon lesquels les Africains ne font pas confiance en leurs jeunesses et qu’un candidat à la présidentielle doit avoir un fief ou être issu d’une ethnie dominante. Elle rétablit la valeur des convictions, du travail et de la persévérance. Cette victoire n’est pas une surprise, elle est le fruit d’un travail méthodique et constant, l’accomplissement d’un combat politique soutenue par une société civile éveillée et engagée.
La conquête du pouvoir a été laborieuse, la gestion du pouvoir promet de l’être encore plus. Démanteler toutes les petites et grandes entraves à plus de sécurité et de justice sociale va demander à la fois de la détermination et de la prudence, car les vieux démons ne sont jamais très loin. L’heure est à la consolidation des soutiens autour d’un projet qui est clair, un projet non pas porté par un seul homme, mais par tous les hommes et femmes du Sénégal qui ont fait confiance à cette formation politique et opté pour la rupture. L’apport et la vigilance de tout un chacun est à ce stade crucial. Il serait dommage que des Africains acceptent encore une fois d’être instrumentalisés pour tuer dans l’œuf le formidable espoir généré par cette victoire. « Il n’y a pas de destins forclos, il n’y a que des responsabilités désertées. » Jamais cette phrase de Fadel Barro du Mouvement Y’en a Marre n’aura retenti avec autant d’échos