Un tas d’individus ne fait pas peuple. C’est la conscience collective du commun qui réunit des citoyens en une communauté de destin.
Le peuple prend conscience de son existence en tant que telle devant la nécessité de résister à son anéantissement. On retrouve les preuves dans le Grand Livre éternel. Confrontés à la guerre, aux catastrophes naturelles, aux maladies, serons-nous à la hauteur de cet enjeu civilisationnel ? Oui, si nous mettons de côté nos égos et petits différends et faisons le pari de Noé, d’offrir une place à chaque Comorien, petit et grand, riche et pauvre, dans l’Arche de la survie. Oui, si nous arrêtons ces ridicules textos du ministère de la santé sur Comores-Télécoms que ma vieille mère ne lit pas et ne comprend pas comme des milliers d’autres Comoriens qui n’ont pas été à l’école. Oui, si nous oublions nos gros ventres et mettons chaque sou que dispose ce pays pour combattre cette pandémie. Oui, si nous demandons à la Chine qui a envoyé un cargo de masques à l’Italie d’arrêter un de ses chantiers pour nous expédier 800 000 masques. La route attendra. Oui, si l’armée s’habille de blouses blanches et se met au service des soignants. Qu’elle gare ses 4×4, ses camions dans les parkings des postes de santé et des mairies. C’est près de la population, dans les bangwe des villages, qu’elle doit monter la garde. Pas dans les camps.
Pour une fois, les Comores peuvent vider les caisses des milliards promis ou reçus pour aider financièrement les familles à rester chez elles. Car elles ne s’enfermeront pas dans une case en tôles, le ventre vide, sans eau et sans moyen d’appeler les secours. L’armée peut pour une fois mériter son nom d’AND et donner sens à sa devise « Honneur et Patrie ». La « guerre » contre le virus ne se gagnera pas par des armes à feu, mais par l’amour du prochain, le dévouement pour la patrie, la responsabilité, l’intelligence. Autant de valeurs qui ne supportent pas la connerie, l’autoritarisme, la vanité et les mesquineries. Le confinement ne doit pas être compris comme l’écrasement des libertés ni un enfermement. Au contraire, c’est un appel à la mobilisation que chaque Comorien doit répondre à son niveau et solidairement. Et pour l’État, c’est une mesure politique qui s’explique, se discute, se finance et s’évalue.
Eddine Mlivoidro