En société, le dialogue social est un des facteurs essentiels garants de l’harmonie, la cohésion et le bon vivre-ensemble de la communauté. C’est un maillon fondamental d’efficacité de la vie démocratique. Il favorise la solidité du consensus ou de compromis au bénéfice de toutes les parties prenantes de la population et l’étendue d’un pouvoir au sein de la communauté se mesure à l’influence sociale que la personne investie ou le groupe dirigeant peut avoir, influence pouvant être exercée et utilisée officiellement ou officieusement. Par Mhoumadi Sidi IBRAHIMA
Que peuvent être alors les objectifs du dialogue prôné par Azali dans notre pays ?
Le dialogue suppose au préalable une ou des consultations informelles, des concertations qui vont dégager les points importants de la discorde, les principes et les conditions préliminaires posés, convenus et acceptés par chaque partie visée pour participer au dialogue formel.
En clair, il y a nécessité de convenir ensemble sur quoi va porter ce débat. Que sont le ou les thèmes de discussions ? Qu’est-ce qu’il faut réunir comme conditions d’abord pour organiser le débat ? Quel format va prendre le dialogue ? Quels sont les participants ? Qui va l’organiser ? le diriger ? et où aura-t-il lieu ?
Nous voyons bien, à travers ces questions préalables, que le dialogue social est une forme de consultation et de négociation qui visent également à renforcer la notion de participation démocratique inclusive, mais aussi l’autorité de son initiateur par : la résolution de problèmes politiques majeurs posés ; la promotion d’une bonne gouvernance ; la stabilisation sociale ; le développement économique du pays. Le dialogue, s’il est réalisé, doit déboucher sur une nette amélioration de nouvelles conditions de faire la politique et de gérer notre pays dans ses différents secteurs de la vie citoyenne. Sans quoi aucune avancée de mieux-vivre n’est possible.
Mais qu’est ce qu’Azali a fait ?
Tout seul, Azali a pris l’initiative d’appeler à un dialogue dont il a défini tout seul les termes, les thèmes, les problèmes, les questions à aborder et les contours de discussions. Il n’a délibérément tenu compte des points de vue de ses opposants. Alors que ceux-ci lui dénient toute légitimité constitutionnelle et institutionnelle depuis le 26 mai 2021, en bon stratège et tacticien avéré, il pense trouver là une porte dérobée pour revenir sur scène et ainsi se faire indirectement légitimer. D’où l’appel de l’émissaire de l’UA.
Il a judicieusement utilisé l’arrivée de la délégation de l’Union africaine comme faire-valoir de son projet au grand dam de l’opposition apparue comme défensive pour avoir oublié que l’essentiel des représentants des États de cette organisation régionale sont nommés par des dirigeants de la même mouture qu’Azali. L’opposition attendait-elle de cette délégation téléguidée un autre son de cloche que les thèses d’Azali ? Mon Dieu, quelle naïveté !
La position de rejeter le dialogue, d’ailleurs majoritaire dans le pays est juste et logique. Depuis le 26 mai, l’opposition a déclaré qu’Azali est illégitime. Partout, la population demande son départ. Le slogan récurent “Azali nalawé “ scandé partout où il passe ou non, son interdiction d’entrer dans les villes et villages du territoire national, son interdiction de participer dans les prières collectives du vendredi ou de diriger les prières des défunts… tout cela lui ôte le droit légitime de convoquer un dialogue intercomorien dont il serait l’initiateur, le concepteur et l’organisateur. Pourtant, par orgueil, désinvolture et déconsidération de ce rejet collectif, il fait fi de toutes les règles de l’art et insiste pour organiser un tel événement. Cette attitude est un défi systématique à la volonté générale de la population qui a, dès le départ, clairement saboté même l’idée.
Cependant, peut-être tout simplement par stratégie de diversion et de tromperie de l’opinion internationale, qui, depuis deux ans, l’assomme de critiques pour ses atteintes répétitives et graves des droits humains, il croit pouvoir par ce monologue « populaire » redorer son image fanée et lancer ses campagnes présidentielles pour 2024 et 2026.
Nonobstant, sa lettre d’invitation est incohérente et d’ailleurs, il y est revenu pour rajouter des choses.
Ainsi, son appel au dialogue ne pourrait avoir un écho positif de la part de l’opposition qui a une longue expérience du mode opératoire d’une personne qu’elle considère comme “un individu trompeur, menteur et qui fait toujours le contraire de ce qu’il promet depuis 1999 à ce jour… qui ne tient jamais ses promesses, qui trahit ses partenaires politiques qu’il jette dans une poubelle comme un déchet de citron pressé dès l’instant que la mission confiée est achevée ou la personne n’est plus utilisable pour la poursuivre “.
Ceux qui, à un moment donné ou à un autre, le connaissent et ont pu lui faire confiance, vous diront qu’il n’est pas un homme à accorder crédit pour quoi que ce soit. Aujourd’hui, ils ont pris leurs distances et s’en méfient comme de la peste. À moins qu’ils puissent encore lui soustraire quelques billets de banque de ses poches, Azali n’est pas pour eux un homme digne de foi. Parole de scout.
Il est clairement posé que l’opposition ne va pas aller au dialogue. Ceci dit, et que faire alors maintenant ? Nous connaissons bien la maîtrise d’Azali pour transformer toute difficulté en sa faveur. Nous connaissons aussi sa grande capacité de manipulation de l’opinion. En politique, il est passé grand maître de la diversion, un art dont il est imparable pour détourner l’adversaire du point sur lequel il veut l’attaquer.
La stratégie de la diversion chez Azali vise à empêcher la population de s’intéresser aux problèmes essentiels de sa vie en le mettant dans une situation de confusion, de désorganisation et de désorientation. Il est arrivé sans trop de difficultés en paralysant l’opposition, en tétanisant les principaux leaders politiques qui tremblotent dans leur culotte.
Concrètement, sa stratégie se manifester par des rumeurs, des promesses jamais tenues comme “un jeune, un emploi”, des désinformations, une propagande de faux projets… qui conduisent à un déluge de distractions et d’informations insignifiantes et euphoriques et enthousiasmantes alors que les problèmes essentiels sont occultés de l’actualité quotidienne, traités avec un minimum d’informations.
En conclusion, dans son approche politique et économique, Azali use des méthodes qui maximisent dans son conflictuel avec ses opposants les chances d’atteindre un objectif donné malgré leurs actions. Ainsi, l’émergence et le coup d’État électoral des présidentielles de 2019 sont pour lui deux grandes stratégies combinées à long terme et servies par de nombreuses tactiques telles que les assises nationales, le référendum constitutionnel de 2018, les élections législatives et des gouverneurs, le dialogue annoncé, l’élection de 2024… Tout cela constitue des tactiques de batailles à gagner pour la victoire stratégique de gouverner seul jusqu’à 2030. Il les mène depuis 2016 en confrontations tactiques combinant avec art et de manière optimale ses modes opératoires faits de provocation, diversion et manipulation, corruption et les moyens de l’État dont il dispose, pour les remporter. La religion comme le covid 19 ou l’ouverture prochaine des relations diplomatiques avec l’État d’Israël sont des outils d’entremise aux services de cette grande stratégie en orbite : 2030.
Rappelons-nous des fameuses “assises nationales” qui n’avaient rien de national, mais dont il trouva la réplique par la chanson religieuse et populaire : ” owasaya wadja, wasaya kwadjadja, wafanya nayi, anla kuli hali“. Et qu’en est-il de ses autres initiatives comme le référendum ou les élections présidentielles auxquelles l’opposition a fait l’erreur politique historique en participant alors qu’elle a dénoncé le référendum constitutionnel d’Azali dont ces élections en sont une émanation logique.
L’opinion, encore une fois, va être utilisée pour jeter l’anathème sur les composantes de l’opposition qui ne participeront pas. On leur sortira nos formules bêtes du genre : “owako huzi haraya wohuka yavo” ou “mrukado zimbiza puhu madzi“. Il est vrai que chez nous, l’expérience n’a jamais fondé ou servi de repères pour nos actions. Nous agissons toujours comme si de rien n’était pour aller chaque fois nous casser les dents.
En tout cas, s’il est, à juste titre, définitivement acquis que l’opposition ne prendra pas part à ce “dialogue”, elle doit aussi impérativement, mettre en œuvre sa propre stratégie et tactique imparable pour qu’il n’ y ait pas de dialogue et proposer à la population lassée une alternative lisible, solvable et réalisable. Il y va de sa survie d’abord et de sa crédibilité ensuite. Sinon, Azali et son “djanvi” vont nous resservir les mêmes mets empoisonnés comme en 2018 et 2019 pour usurper le pouvoir de 2024 et 2026 et venir danser et pisser sur nos tombes.