Une semaine après leur sortie de la prison de Moroni, les journalistes Abdallah Agwa et Oubeidillah Mchangamaont tenu une conférence de presse avec la journaliste de La Gazette des Comores,Faiza Soulé.Cette conférence a permis aux Comoriens de mieux comprendre ce qui se passe dans la principale prison des Comores. Propos rassemblés par Mahmoud Ibrahime
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4 mois en prison
Les deux journalistes affirment d’emblée qu’ils savent pourquoi ils ont été arrêtés (leurs propos n’ont pas plus au gouvernementet au chef de l’État), mais ils ne savent pasencore pourquoi ils ont été libérés. Ils rappellent qu’ils ne bénéficient pas de la grâce présidentielle puisqu’ils n’ont pas encore été jugés, qu’il s’agit uniquement d’une libération provisoire en attendant le jugement.
Abdallah Agwa a insisté sur le fait que la prison a été, pour eux, une « université », ils ont appris beaucoup de choses et ont pu vérifier et confirmer les vérités qui circulaient sous forme de rumeurs à l’extérieur.
Pendant le cyclone Kenneth
Pendant le cyclone Kenneth, les autorités politiques n’ont pas eu plus d’égard pour les prisonniers. Ils n’ont vu ni le COSEP ni les autres organisations qui faisaient de la prévention ou aidaient après le cyclone.« Aucune organisation de la sécurité civile n’est venue nous rendre visite pour s’assurer de notre sécurité ».
Abdallah Agwa rapporte que le gardien en chefa appelé le ministre de la Justice et le Procureur pour avoir des instructions sur la conduite à tenir vis-à-vis des détenus pendant le cyclone, mais aucune mesure particulière n’a été prise. Pourtant, il s’agit d’une vieille prison.
Le danger approchant, les prisonniers ont demandé à être protégés dans les dortoirs de sécurité. Ils ont insisté notamment pour Ahmed Barwane qui a déjà un certain âge et qui était inquiet. Ils ont proposé d’être envoyés dans un camp militaire (Tsoundou ou Kandani). Refus.
Heureusement, il n’y a pas eu trop de dégâts, seule la tôle de la « maison » de Bahassane s’est envolée et un arbre s’est abattu sur celle du Gardien en chef.
« 15 jours après, nous avons vu le CNDHL » dénonce Abdallah Agwa. Pour une visite de la prison.
La présence aux enterrements des proches refusée
C’est avec beaucoup d’émotion qu’Agwa a évoqué le refus d’autoriser Idi Boina à aller à l’enterrement de son frère mort. « J’ai eu très mal au cœur » concède le journaliste. Le cas d’Idi Boina est d’autant plus incompréhensible que personne ne sait pourquoi, il est en prison. Ancien compagnon du chef de l’État à qui il a tourné le dos, il a été mis en prison, accusé d’avoir participé au complot qui aurait abouti à la section de la main d’un gendarme, affaire déjà jugée sans que son nom ne soit mentionné.
Lorsqu’il évoque le coup fait en prison à Me Bahassane lors de l’enterrement de sa mère, Agwa avoue avoir pleuré et ne pas avoir été le seul. L’avocat a demandé l’autorisation d’aller enterrer sa mère. Le procureur et le juge étaient d’accord. Le matin, Me Bahassane a revêtu son kandzu pour sortir, mais au dernier moment, on lui a dit qu’il ne pouvait plus y aller.
Conditions d’hygiène inhumaines
Abdallah Agwaparle également du cas d’Ahmed Barwane, Secrétaire général du parti Juwa, ancien ministre, ancien président de la chambre de commerce, ancien députéaccusé également dans le complot de la main sectionnée. Il « dormait par terre avec moi » (Agwa). Cet homme était obligé de prendre des comprimés matin et soir pour éviter d’aller faire ses besoins dans un seau et devant tout le monde. Il en est tombé malade. Il dormait avec les souffrances et se réveillait avec les souffrances. Il a demandé à faire des toilettes dans la prison avec ses propres moyens, mais on ne lui a jamais répondu.
La corruption généralisée
A plusieurs reprises, les deux journalistes ont fait appel au chef de l’État pour installer dans la prison un agent des finances chargé de récupérer le produit des nombreux trafics illicites. Selon eux, la corruption s’est généralisée dans cette prison, à tel point qu’ils la comparent à ce qui se passe à la douane. Il a donné quelques exemples pour montrer comment des détenus dangereux, emprisonnés peuvent quitter la prison. Un homme qui a écopé desept ans de prison s’est plaint auprès d’Agwadu fait qu’il a payé la somme demandée à un juge et n’a pas été relâché. Le jour même, il a été libéré. Il n’a fait au final qu’un an. Un autre qui a violé un enfant, qui a pris aussi sept ans, a laissé sa femme mener l’opération financière qui a abouti à sa libération. Agwa conclut : « C’est pour cela que le chef de l’état devrait mettre un receveur à la prison pour ramener cet argent au Trésor ». « Parfois, le juge qui a prononcé la sentence, l’avocat… ne savent même pas que le prisonnier a été libéré. C’est arrivé qu’un avocat soit venu voir son client et il apprend qu’il a été libéré ».
Un enfant violé
C’est Oubeidillah Mchangama qui a évoqué le sort des enfants en prison avec les adultes. Il affirme que certains subissent des viols. « Nous avons été témoin du viol d’un enfant qui a dû être envoyé d’urgence à la santé militaire ». il n’existe aucune prison et aucun quartier au sein de la prison pour les enfants.
Les enfants qui ont commis un petit larcin peuvent donc se retrouver avec des adultes violeurs et pédophiles. Tout le monde est mélangé. Tout le monde dort par terre et c’est ainsi que les enfants peuvent être violés, et pas seulement les enfants.
Un autre enfant, une fille qui a 15 ou 16 et qui a été condamnée à sept ans de prison, qui vit avec des adultes qui lui fournissent cigarettes et même simplement à manger. Elle ne veut plus sortir.
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