Fahad Moindze est selon l’association SOS-Démocratie-Comores la vingtième personne assassinée par l’armée comorienne ou à cause de la négligence de l’État depuis le retour au pouvoir d’Azali Assoumani en 2016. D’autre part, il y aurait encore 58 prisonniers politiques dans les geôles du président de l’Union africaine.
par MiB
Vendredi 1er décembre, la ville d’Irohé enterrait son enfant de 21 ans, Fahad Moindze, blessé d’une balle dans la tête par un militaire de l’AND à l’entrée du stade Maluzini, peu avant le match qui opposait les Cœlacanthes au Ghana.
Fahad Moindze : 20e victime depuis 2016
Encore une fois, le gouvernement a promis une enquête et le militaire qui l’a tué a été déféré devant la Justice qui a décidé de garder son anonymat. Le gouvernement a trop souvent joué cette parodie de justice aux Comoriens pour qu’ils se laissent encore bercer. Le village d’Irohe a interdit la présence de tout officiel lors de cet enterrement et le ministre de la Justice, Ahamada Djaé, originaire de la région a été chassé du village, il y a quelques jours.
Fahad Moindze est selon l’association SOS-Démocratie-Comores la vingtième personne assassinée par l’armée comorienne ou à cause de la négligence de l’État depuis le retour au pouvoir d’Azali Assoumani en 2016.
L’association présidée par Abdourahmane Ahmed (Abana) existe depuis plus de 24 ans et est basée en France. Elle a actualisé et publié les listes qu’elle tient des victimes du gouvernement Azali et des prisonniers politiques aux Comores.
La liste des exécutions commence le 12 juillet 2016 par le dépècement, à Mutsamudu (Anjouan) de Mohamed Abdou alias Brando, malade mental, arrêté par la gendarmerie suite à l’assassinat d’une dame. Le jour de son jugement, la foule excitée par les propos du Directeur de cabinet du Gouverneur Abdou Salami, appelant à la vengeance sans attendre la justice, a encerclé le Palais de Justice et a commencé à y mettre le feu. Sans renforts, les militaires livrent Brando à la foule. SOS-DÉMOCRATIE note : « Les coupables ont été libérés sans suite. »
La liste se termine par Fahad Moindze qui a reçu une balle d’un militaire alors qu’il était venu assister à un match de football.
Entre les deux morts, les noms qui défilent rappellent à chacun l’histoire de la mise en place de la dictature d’Azali Assoumani depuis 2016, une dictature construite sur la peur et les assassinats sans suite judiciaire.
Des listes qui reflètent l’histoire de la dictature d’Azali
Nous avons ainsi les rebelles tués pendant les « événements » de la médina de Mutsamudu, les trois morts du 17 octobre 2018 : Ben Ahmed alias Madeleine (tué par balles), Malidé Barake (tué par balles), John Male (tué par le tir d’un obus). Il y a également tous ceux qui ont été tués, selon l’organisation de lutte pour la démocratie, parce qu’ils manifestaient contre les fraudes massives aux élections présidentielles le 24 mars 2019 : Mourchane Abdallah, Ahmed Ousseine, tous deux tués par les tirs du GIPN à Pomoni (Anjouan) et un militaire originaire de Simaboini (Ngazidja), qui aurait été tué par ses frères d’armes à Mwali pour les mêmes raisons : Lieutenant Ahmed Abdou. Quatre jours après, le 28 mars 2019, deux militaires (le Commandant Faissoil Abdoussalam et le major Nacerdine Abdourazak) et un civil (Salim Nassor) ont été tués au camp de Kandani dans ce qui ressemble à un guet-apens puisque Faissoil Abdoussalam était dans une prison quelques heures auparavant.
On peut également noter dans cette liste les individus dont les assassinats ont particulièrement ému ou fait réagir les gens : Ahamada Gazon, tué par balle à Iconi le 9 décembre 2018, Dr Ahmed Djaza, l’ancien président de la CENI, « retrouvé assassiné dans son cabinet samedi 2 mai 2020 », major Hakim Bakar Bapalé, arrêté le 6 avril 2021 par des éléments de l’armée, torturé jusqu’à la mort et enterré avec ses habits en catimini dans la nuit et le jeune Aymane Nourdine, 24 ans, lui aussi torturé pendant de longues heures jusqu’à la mort le 26 février 2023.
Le gouvernement Azali a ouvert très peu d’instructions judiciaires et jusqu’à maintenant, malgré les promesses, aucune enquête n’a abouti à un jugement et encore moins à une condamnation. Les assassins continuent leurs vies tranquillement.
Encore 57 prisonniers politiques
L’association SOS-DÉMOCRATIE COMORES fait aussi la liste des 57 prisonniers qu’elle considère comme étant des prisonniers politiques. Les deux prisonniers politiques les plus célèbres du pays, l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi et l’ancien Gouverneur d’Anjouan, Salami Abdou, ouvrent cette liste. Le premier a été arrêté depuis le 10 mai 2018 et a été condamné à perpétuité après un simulacre de procès par la Cour de Sûreté de l’État le 28 novembre 2022. La même Cour s’était réunie quelques mois auparavant, le 20 mars 2022, pour condamner à 12 ans de réclusion l’ancien Gouverneur Abdou Salami.
Dans cette liste, on peut noter la présence de certaines personnalités connues dans le monde politique des Comores, et notamment le fameux Inssa Mohamed alias Bobocha, qui a été arrêté une première fois puis une deuxième fois à Madagascar après sa fuite de prison. Malgré les déclarations de la Présidente de la Commission nationale des Droits de l’Homme et des Libertés nommée par Azali Assoumani, cet a subi a plusieurs reprises des tortures. Pourtant, l’ONU lui avait accordé le statut de réfugié politique, mais le gouvernement malgache n’a pas hésité à le livrer aux militaires d’Azali. Il a finalement été condamné dans l’affaire du colis piège à huit ans de prison le 21 mars 2022 par la Cour de Sûreté dont il a été démontré qu’elle n’existe plus dans le paysage judiciaire comorien.
L’affaire du colis piégé qui aurait dû prendre l’avion en même temps qu’Azali est de loin l’affaire qui a amené le plus d’opposants en prison, plus d’une vingtaine. Ensuite, l’affaire de la médina de Mutsamudu et celle des mines.
On note aussi qu’en des listes est consacrée aux gens qui ont été condamnés pour leurs activités politiques, mais qui ont fui vers Mayotte ou vivent en France. C’est le cas de l’ancien Vice-Président et concurrent d’Azali en 2016 au deuxième tour : Mohamed Ali Soilihi dit Mamadou.