Ils étaient tous les deux signataires de la « plateforme d’alliance politique » paraphée le 26 mars 2016 au stade de Missiri à Mutsamudu entre les deux candidats Juwa (Fahmi Saïd Ibrahim, représenté par Mohamed Bacar Dossar et Abdou Salami Abdou) et celui de la CRC, Azali Assoumani. Ainsi, ils feront campagne et lutteront ensemble pour la conquête du pouvoir mais une fois celui-ci obtenu, leur alliance volera en éclats. Les tensions et les sujets de discorde n’ont pas tardé à surgir au sein de leur alliance politique empoisonnant les relations entre le président de l’Union Azali Assoumani et Salami Abdou Salami, le Gouverneur d’Anjouan. Un conflit ouvert qui se soldera par l’emprisonnement du second, suspecté d’avoir été à l’origine du soulèvement armé dans la médina de Mutsamudu. Une accusation que le chef de l’exécutif de l’île de Ndzouani rejeta catégoriquement dans une vidéo publié sur les réseaux sociaux quelques heures avant son assignation à résidence le 21 octobre 2018. Par Faïssoili Abdou
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Tout a commencé en juillet 2017. Ce 4 juillet, deux jours avant la célébration de la fête nationale, le Président Azali Assoumani a eu un entretien avec le Mouvement du 11 août, du nom de ce cercle de personnalités de la société civile à l’initiative des Assises nationales. Après ce rendez vous, il convoquera ensuite les grands élus (les trois gouverneurs des îles et le président de l’Assemblée) pour leur annoncer son adhésion à cette initiative citoyenne avant de rendre public sa décision dans son discours officiel du 6 juillet. Lors de sa rencontre avec les grands élus, le locataire de Beit-Salam avait promis à ses hôtes qu’ils vont se revoir pour décider ensemble des modalités d’organisation de ce forum national. Un rendez-vous qui n’aura pas lieu et qui sera, peut-être, la source des incompréhensions ayant émaillés tout le processus relatif aux Assises nationales. Pour rappel, ce fut aussi lors de cette fameuse allocution que le Président Azali formalisera sa rupture avec le Juwa qui sera actée quelques jours plus tard par le débarquement des membres du parti fondé par Ahmed Abdallah Sambi dans l’équipe gouvernementale. Une décision qui n’est pas de nature à apaiser les tensions déjà palpables dans le pays.
Abdou Salami, opposé aux Assises
Ce discours prononcé par le chef de l’Etat lors de la célébration du 42e anniversaire de l’indépendance au cours duquel il a lancé des mises en gardes à tous ceux qui tenteraient d’utiliser ce rendez-vous comme « tremplin pour ressusciter les démons du séparatisme ». Il a fini par semer la confusion dans les esprits de ses opposants et dans l’opinion. « Comment un simple forum censé faire le bilan de la gestion du pays pouvait aboutir au séparatisme ? », se sont-ils alors demandés flairant des intentions cachées derrière cette mise en garde. Ils ont tous interprété le message présidentiel comme une volonté de s’approprier cette initiative citoyenne afin de satisfaire un agenda politique personnel. Contrairement à ses collègues des deux autres îles, le Gouverneur Salami sera le seul à émettre des réserves par rapport à la démarche du président Azali. Lui qui soutenait l’idée des rencontres insulaires afin que chaque île puisse établir son bilan et formuler ses observations avant le rendez-vous national essuiera une fin de non recevoir de la part de Beit-Salam qui argua le fait qu’il s’agissait d’un forum politique national et non pas insulaire.
Contre la fin programmé de la tournante
Fervent défenseur de la Tournante anjouanaise et de l’autonomie des îles, Salami Abdou Salami soupçonnait dès le début les ambitions du gouvernement central de vouloir se servir des Assises nationales pour supprimer ces dispositifs constitutionnels issus des Accords de Fomboni. C’est ainsi qu’il tentera de constituer un front anjouanais afin de défendre la tournante. Dans la foulée, le chef de l’exécutif d’Anjouan entreprit des consultations de certaines personnalités politiques anjouanaises pour les sensibiliser par rapport à cette question brûlante. La démarche fait rouspéter au plus haut sommet de l’Etat. Ainsi, dès le lendemain le président Azali se rend à Anjouan et déclenche une contre offensive en amorçant, de son côté, des entrevues tous azimuts avec des personnalités anjouanaises, les mêmes qui ont rencontré le gouverneur Salami. Les arguments du locataire de Beit-Salam semble avoir fait mouche auprès de ses interlocuteurs. Il a réussi sans problème à les rallier à sa cause.
Cela ne découragera pas le gouverneur qui multiplie lui aussi les rencontres. Cette fois-ci, il se rapproche de la plateforme des « hautes personnalités politiques anjouanaises » signataires d’un mémorandum réclamant entre autres le respect des accords de Fomboni » notamment la tournante mais aussi « la représentation équitable des entités insulaires » dans les Assises nationales. Tout ce beau monde refusera de prendre part aux Assises qui se tiendront en février 2018 et n’en reconnaitront pas les conclusions. Ce forum politique semble avoir validé sans réserve les vues du gouvernement en place.
Refus du référendum
Il en sera de même pour le référendum du 30 juillet 2018 décidé par le gouvernement central. A l’instar de l’Union de l’opposition, le gouverneur Salami le rejettera et ne reconnaitra pas les résultats accusant par la même occasion le président Azali de dérive dictatoriale. Parallèlement, le gouverneur interpelle les diplomates en poste à Moroni et fera ensuite des déplacements jusqu’au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba pour alerter sur la situation politique du pays et les conséquences qui peuvent en découler. Des émissaires furent dépêchés à Moroni mais n’arriveront pas à faire bouger les lignes tellement les positions sont tranchées des deux côtés.
Entre temps, interviendra la mise en résidence surveillé de l’ancien président Sambi qui n’est autre que le mentor du gouverneur Salami. Ce qui contribue à envenimer un peu plus la situation. Lorsque, quelques jours avant la tenue du référendum, le vice-président Moustadroine, originaire d’Anjouan, échappa à une tentative d’assassinat, les autorités du pouvoir centrale s’empressèrent de désigner, sans la moindre enquête, Salami Abdou Salami comme commanditaire cet acte et menaceront de l’arrêter. Pourtant, cette épée de Damoclès suspendu au dessus de sa tête ne réussira pas à calmer ses ardeurs. On constatera juste qu’en décembre 2018, lorsque les prévenus interpellés dans le cadre de cette affaire comparaitront devant de la cour de sûreté de l’Etat au palais de justice de Mutsamudu, le nom de Salami Abdou ne sera évoqué nulle part. Le Gouverneur est alors placé entre quatre murs depuis deux mois déjà suite aux évènements d’octobre 2018 à la médina de Mutsamudu. Ici, aussi les autorités de l’Union l’accusent d’avoir armés les rebelles qui ont affrontés l’armée nationale durant cinq jours au cœur du chef lieu d’Anjouan. Il sera destitué dans la foulée et remplacé par l’ancien secrétaire général du gouvernorat. Celui-ci cédera ensuite le fauteuil du gouvernorat à un nouveau gouverneur élu qui se trouve être l’ancien chef de l’exécutif de l’île Anissi Chamisidine, battu par Salami lors des élections de 2016. Un curieux coup de chandelle…
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