Parmi les projets phares annoncés par le régime en place, il y a la construction d’un nouvel hôpital à Moroni, à la place de l’actuel Centre hospitalier Al-Maarouf. Après la destruction des anciens bâtiments, les choses semblaient ne plus évoluer, pourtant, le projet est toujours en cours, avec un an de retard. Mais, il avance. Par Hachim Mohamed
Le projet ambitieux de construction d’un Centre Hospitalier Universitaire qui va couter 26 milliards 900 millions a fait couler beaucoup d’encre et de salive. « Au départ, c’était comme un concours du meilleur menteur ou du plus gros bobard. Quand on a commencé l’opération par laquelle on a modifié la forme du terrain où va être construit le nouvel hôpital Al-Maarouf, les gens se moquaient, surtout quand ils ont vu un amas de gravats et de ferrailles », lance le chargé de la communication du service public Mahmoud Abdallah.
Un chantier pharaonique
Arrivé en journée sur les lieux, à Magoudjou, on est agréablement surpris de constater que le chantier de construction de l’immense hôpital situé avantageusement au cœur de Moroni semble aller bon train. Sous un soleil de plomb ou parfois sous la pluie, des engins de levage s’activent au milieu d’ingénieurs chinois qui s’affairent à ramasser les matériaux et à les transporter ailleurs. Trois cents ouvriers comoriens coiffés de casques jaunes se pressent jour et nuit sur l’immense chantier de 42000m2, avec en ligne de mire la construction de quatre blocs, sept niveaux, deux ascenseurs et une rampe centrale. Un chantier pharaonique qui mobilisera des tonnes d’acier et de ciment, des grues à tour ou mobiles, des engins de terrassement, les motocompresseurs, les groupes électrogènes de puissance ou de soudage, les brise-béton et marteaux-piqueurs à main. Le plan prévoit la construction d’un bâtiment de sept étages, entouré d’un vaste parc, avec vue imprenable sur la baie de Kalaweni.
Pour décourager d’éventuels intrus, le site est protégé par une clôture en tôles de trois à quatre mètres de haut surveillée par des gardes.
Fonds propres et prêt bancaire
Toutefois, ce chantier d’envergure, prévu pour se dérouler en trois tranches et durer trente-six mois, suscite des espoirs.
« Avec le futur joyau architectural du CHU, nous sommes partis sur des projections d’un bâtiment qui aura une longévité de 40 à 50 ans. En attendant la finition de travaux, il y a eu des initiatives au niveau des services pour améliorer le « plateau technique » qui n’existait pas il y a cinq ans comme le département de neurochirurgie, celui de cardiologie, le centre d’images ou encore la médecine préventive. Raison pour laquelle il faudra mettre le curseur sur le volet formation », confie le Directeur de l’hôpital Al-Maarouf, Nicolas M’madi Taki.
En tout état de cause, les acteurs du secteur de la Santé qui connaissent les tenants et les aboutissants du projet du CHU ayant approché l’ouvrage de maçonnerie et visité le chantier d’envergure, sont très enthousiastes.
« Actuellement, les ouvriers s’occupent des dalles du cinquième étage. Une fois qu’ils auront fini, avec le dallage en béton ils s’attaqueront aux finitions. Le bâtiment comptera sept étages. La fin de travaux est attendue pour juin 2023, proposera en tout 650 lits. Le maître d’ouvrage est l’État comorien qui en plus des fonds propres a contracté un prêt de 25 523 000 000 francs comoriens à la banque de développement pour la réalisation des travaux du chantier ».
La question qui brule toutes les lèvres est celle qui a trait au délai de livraison. Le chantier devait initialement être achevé en mai 2022, soit l’année prochaine.
« En fait, le planning a été chamboulé à cause de la pandémie du covid19, les travaux de construction ont été ralentis. Il y a eu un arrêt des activités, car certains ouvriers ont attrapé le virus durant les deux premières vagues qui ont touché le pays. Il y avait un Comorien et huit ingénieurs chinois qui étaient contaminés. Heureusement ils ont tous été traités et guéris. Si tout se passe bien, les travaux seront finis d’ici juin 2023 inchallah », a soutenu le chargé de la communication de l’hôpital El-Maaouf Mahmoud Abdallah.
Capter la manne du tourisme sanitaire
« Je vois dans la construction de Chu un choix stratégique. Cette décision se traduit par une montée en charge non seulement en matière de performance, de soins de qualité, mais aussi dans la manière », explique Nicolas M’madi Taki avant d’aller plus loin dans les explications.
« Par exemple, en ophtalmologie, on fait venir sur place une fois par an un médecin-chercheur spécialisé étranger pour permettre à nos médecins de se remettre à niveau notamment dans la manière nouvelle d’utiliser les outils modernes. Pour un pays où on vient de recruter un nouveau neurochirurgien qui a été formé à Dakar, dans le cadre d’un partenariat nous voulons que quand le futur CHU sera mis en service, nos compatriotes qui se spécialisent au Sénégal dans cette nouvelle branche puissent revenir au pays pour faire leur stage » estime-t-il.
« À mon sens, l’enjeu dans le projet est de faire en sorte que l’hôpital soit un pôle attractif et dynamique. Quand j’ai quitté la France pour venir ici, je me suis rendu compte qu’on peut avoir tout ici sauf la Santé. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point le tourisme médical a explosé au pays. Au bas mot, nos compatriotes dépensent pour se soigner à l’extérieur 2500 euros. C’est une manne économique considérable que notre hôpital perd. Il faut changer le regard sur notre « panier des soins » pour que le secteur de la santé puise profiter pleinement des retombées de la manne qu’apporte cette « fuite de capitaux » de nos compatriotes », assure-t-il.
Encore une fois, la réalisation du futur joyau architectural du CHU promet de proposer à la population comorienne une large offre de soins dans un plateau technique optimal, puis d’améliorer le confort et l’accueil des patients. Et de la capacité des professionnels de la Santé à bien gérer cet immense chantier dépend aussi l’avenir des soins aux Comores.