À quelques jours de l’ouverture de la campagne des municipales, l’avocate et élue marseillaise, Maliza Saïd Youssouf livre ses réflexions sur les communes aux Comores, l’historique, les écueils, les perspectives et l’armure inhérente à tout élu. Propos recueillis par BIM
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Masiwa – La campagne pour les municipales va s’ouvrir, prouvez-vous retracer l’historique de la décentralisation aux Comores ?
Maliza Saïd Youssouf– La loi fondamentale de 1977 d’Ali Soilihi avait posé les bases de la décentralisation comorienne. Les moudiriyas telles qu’elles avaient été pensées correspondraient aux mairies actuelles. Mais ce ne sera que sous la Constitution de 2001 et les lois de décentralisation qui ont vu ensuite le jour que des mairies pilotes vont être mises en place. Enfin en 2015 ont eu lieu les premières élections communales comoriennes.
Masiwa – Quel bilan en faites-vous ? Il faut du temps pour mettre en place une véritable politique de décentralisation.
MSY– La France qui a débuté la sienne dans les années 80 avec Gaston Defferre poursuit sa réflexion et ses réformes (fusion des régions sous Hollande, mise en place des métropoles, etc.). Je constate cependant deux écueils importants. Tout d’abord sur le mode de scrutin. Il est nécessaire de prévoir une prime à la majorité. Cela signifie que la liste qui arrive en tête, gagne d’office la moitié des sièges. Cela permet d’obtenir une majorité claire et éviter de faire recours aux chefs des villages pour décider qui sera le maire. Se pose ensuite la question du financement des mairies. Sans fiscalité locale, liée notamment à la mise en place d’un cadastre, à une loi de finances précise qui permettra une véritable dotation de l’état, bref sans une réflexion sur les finances locales, les mairies demeureront des coquilles vides sans possibilité de fonctionnement.
Masiwa – Comment situez-vous les niveaux de responsabilité dans les dysfonctionnements des mairies actuelles?
MSY – Il faut non seulement une véritable volonté politique au niveau de l’exécutif puis au niveau parlementaire pour permettre la mise en place d’instruments juridiques et financiers notamment. Sans ces préalables, les dysfonctionnements perdureront.
Masiwa – Quelles sont les perspectives?
MSY – Chaque mairie doit élaborer et mettre en œuvre un plan de développement local. Si les instruments précités sont fournis, les perspectives de développement des communes existent. Elles doivent cependant être accompagnées par des ressources humaines formées et mobilisées.
Masiwa – Faire ce qui ressemble à une communauté de communes sans des municipalités de base, n’est-ce pas un frein au bon fonctionnement de l’institution?
MSY – L’ancien président de l’association des maires Said Mchangama avait préconisé une union volontaire des communes entre elles. Il doit y avoir concertation et non imposition. Et il faut le faire étape par étape. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs.
Masiwa – Vous aviez assuré des formations à des agents et cadres des mairies, qu’en avez-vous retenu de l’expérience?
MSY – Il y avait une réelle volonté des élus des mairies de comprendre les enjeux et d’en être à la hauteur. Il y a 3 ans, lorsque j’ai réalisé avec deux autres amis, cette formation, on ressentait une réelle motivation. Mais aujourd’hui, lorsqu’on constate qu’aucune équipe sortante n’a souhaité se représenter, on doit se poser des questions sur ce désamour…
Masiwa – Vous êtes élue sortante et de nouveau candidate à Marseille, que voulez vous dire aux candidats, potentiellement futurs élus des communes aux Comores?
MSY – Etre élu, c’est un engagement plein et entier. Il faut être moralement et physiquement prêt à l’assumer. Etre passionné, s’attendre à recevoir des coups, à subir des reproches. En d’autres termes, âmes sensibles s’abstenir. Mais c’est aussi une véritable expérience et l’on ressent une véritable fierté lorsqu’on parvient à faire bouger les choses, à influer positivement sur la vie de nos concitoyens. Car n’oublions pas, être élu, c’est avant tout se mettre au service des autres.
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