Une favela désigne un bidonville au Brésil. Il fait référence à un espace qui s’acquiert ou s’occupe illégalement. Son impact sur le cadre de vie d’une ville est important, dans le sens qu’il vient désorganiser les airs urbains. D’un point de vue purement urbain, il s’agit d’une anomalie liée à la pauvreté. Par Salec Halidi Abderemane
Le parallèle avec le quartier de Madjadjou n’est pas anodin, puisque les similitudes y sont frappantes. Cependant à Moroni, le sol se loue et s’achète auprès « de propriétaires de la ville ». Ce qui n’empêche pas Madjadjou de provoquer une déconnexion au sein de l’extension de Moroni. Il s’agit d’un processus « d’anarchie urbaine » qui désorganise le réseau urbain de la capitale des Comores. Un phénomène qui s’observe d’ordinaire dans les pays sous-développés et fragiles d’où les favelas au Brésil, les slums au Kenya, les jhuggi jhopandi en Inde, etc.
C’est ainsi que nous assistons à une rupture des infrastructures de voirie, de transport, de canalisation et de câblage dans une ville de Moroni en quête d’une extension. Cette interruption en rapport avec le quartier de Madjadjou est d’une inquiétude spatio-économique et socio-économique car elle est la traduction d’une mutation de la ville : de ville en « village », d’une économie urbaine en une économie rurale, et le tout accompagné par une domination des activités informelles ou illégales. En un mot, il s’agit d’une croissance économique galvaudée qui appauvrit continuellement ce territoire urbain des Comores au statut de chef-lieu national.
Pourtant la question de l’urbanisation rentre dans l’optique du projet le « Grand Moroni » qui avait fait l’objet d’une réflexion dans un atelier au Retaj, le mercredi 22 novembre 2017. C’était sous la recommandation du régime actuel. De même qu’il eut la présence de l’Upd-Lad, un organe spécialisé des études urbaines pour l’Organisation des Nations unies et de l’ONU-habitat. L’idée reposait, nous rapportait Al-watwan, un quotidien de l’État, sur une volonté de concrétisation du projet susmentionné suite à la sollicitation d’une organisation internationale. Car un projet de même envergure avait été établi en 1997, mais ce dernier n’a jamais vu le jour.
De ce fait, ce que nous constatons dans Madjadjou, laisse penser à une urbanisation dépriorisée. Alors que la pérennité dans le bien-vivre et le bien-être de la ville de Moroni, capitale des Comores, doit être une priorité pour atteindre les Objectifs d’émergence fixés d’ici 2030. En conséquence, en quoi ce territoire se rapproche ironiquement des mains des trafiquants de drogue. Déjà, c’est ce qui se laisse voir et entendre de Madjadjou. Puisqu’ils commencent à faire l’autorité presque absolue au détriment du pouvoir local, et malheureusement national. En effet, c’est ce qui se passe ailleurs, à l’exemple des bas quartiers d’Antananarivo, voire même au Brésil où l’on parle d’une véritable « émergence économique ». « Madjadjou n’est pas un endroit fréquentable, même les forces de l’ordre réfléchissent deux fois avant d’y effectuer une descente », « de l’alcool et de la drogue sont en vente libre », témoigne Rastamane Abdou. Ce dernier, originaire du village de Mbantsé à Mohéli, a quitté l’école en 4e. La pauvreté, qui gagne en milieu rural, lui avait fait échouer durant quatre ans dans « la favela de Madjadjou ».
Madjadjou reflète aujourd’hui l’image de la pauvreté urbaine de Moroni. Une pauvreté qui est en rapport direct avec une politique rurale quasi inexistante et une politique urbaine dangereusement défaillante. En somme, malsain et localisé dans le moyen sud de la périphérie de Moroni, c’est presque le cœur de la ville qui porte atteinte à une extension de Moroni. Les habitations sont construites avec des matériaux de mauvaise qualité en termes de coût financier (tôles et bois) et le plus souvent issus d’une récupération, ce qui accentue l’insécurité. C’est-à-dire que la condition humaine dans ce territoire est quasi dérisoire : la proximité des cabanes en tôles véhicule facilement les mauvaises influences.
Si bien que les investigations que nous avons menées, classifient deux catégories de populations qui investissent l’espace, à savoir : d’un côté, une population de la classe populaire qui a migré de différents milieux ruraux du territoire national et de l’autre, celle de la classe moyenne du pays. En d’autres termes, des fonctionnaires de l’administration comorienne dont les revenus et le coût de la vie en croissance ont maintenu dans cet espace incertain. Tout comme des enseignants d’établissements privés de la capitale qui logent aussi dans Madjadjou.