La disparition du hamba, la corde tressée comorienne est un des symboles de la fin de certaines activités artisanales au détriment du patrimoine culturel commun. Les produits industriels occupant une place dominante dans le marché international, l’artisanat local est délaissé et avec lui, une grande partie des faits culturels qui font la spécificité d’une communauté. Par Noussaïbaty Ousséni M. Ouloubé
Le hamba, cette corde faite à partir de fibres de noix de coco, se fait de plus en plus rare et il ne tardera pas à disparaitre complètement des Comores. Un art qui nous vient probablement de l’Asie, plus précisément du Sri Lanka, voire même de la culture ‘Javara’ (Les ‘Javaras’ étant un peuple originaire d’Afrique, probablement le premier du continent à avoir migré et qui s’est établi sur une île de l’Asie). Au sein de l’archipel, cette corde était utilisée quotidiennement, que cela soit pour attacher les palissades en palmes de cocotiers ou encore pour fabriquer des sommiers de lits entre plusieurs autres choses. Les cordes de tailles imposantes étaient également utilisées pour attacher l’ancre des pirogues, les voiles des boutres… Il est évident que les cordes occupent une place importante dans la vie de tous les jours, donc nous pouvons facilement imaginer les travaux pour lesquels nous avons constamment besoin de les utiliser.
Le marché de l’archipel est aujourd’hui inondé par des cordes en plastique importées. Produits industriels, leur quantité est importante et il y en a de toutes les couleurs. Cette explosion de couleurs a donc facilement pris le dessus sur le hamba local et artisanal qui a toujours gardé la même apparence. Il va de soi que compte tenu de la durée de vie du plastique, les consommateurs ont la prétention de penser acheter un produit durable et ils ont vite fait d’oublier le produit local en ignorant l’impact économique et environnemental qu’aura leur choix sur le pays.
Etant un produit complètement artisanal, le hamba a un long processus de fabrication qui plus est, n’est pas des moins faciles. Il faut commencer par réunir la matière principale qui n’est autre que la cosse de la noix de coco, cette partie fibreuse recouvrant la coque. Cette dernière sera ensuite placée pendant plusieurs mois dans les flaques stagnantes des plages avant d’être séchée, battue, roulée et enfin tressée. Ce processus étant très long, il est difficile de produire en grande quantité et la diminution des noix de coco dans l’archipel ne vient pas résoudre le problème.
La société s’est donc tournée vers la facilité : importer des cordes en plastique en grande quantité et abandonner le hamba suranné qui n’a plus sa place dans le monde moderne alors que d’autres sociétés ont réussi à industrialiser et à exporter les produits issus de leur artisanat. Les conséquences de cet abandon sont nombreuses et elles sont négatives dans leur ensemble. Un patrimoine qui s’éteint sous le regard désintéressé de la communauté, la disparition du travail de plusieurs personnes et le savoir-faire qui en découle entrainant notre dépendance aux produits extérieurs et la fragilisation de notre économie mais surtout, l’importation de déchets plastiques alors qu’il n’existe pratiquement pas de bonne politique locale en matière de gestion de déchets quelle que soit leur nature.
L’importation est l’un des plus grands fléaux qui touchent les pays en développement ; n’arrivant pas à produire pour eux-mêmes et encore moins pour les autres, leur économie stagne quand elle n’est pas complètement en baisse. En achetant des cordes en plastique à l’extérieur, nous tuons le travail de ces femmes qui gagnaient leur vie en tressant le hamba et nous faisons disparaitre un savoir-faire qu’il faudrait préserver.
Privilégier les produits locaux à l’exemple du hamba nous aiderait à faire face à l’envahissement culturo-économique causé par le phénomène de mondialisation, mais surtout, cela nous permettra de vivre dans un environnement plus sain. Le plastique fait partie des plus grandes sources de pollution, et encore, le processus de sa production en fait un grand pollueur. Les déchets plastiques mettent en danger l’écosystème terrestre, les plantes, les animaux et les hommes sont ainsi directement menacés par ce problème.
Au-delà d’une simple lutte pour la préservation de notre patrimoine, il serait bénéfique d’opter pour une amélioration des techniques traditionnelles de fabrication afin d’augmenter la production et limiter notre importation, chose qui aura un impact positif sur l’économie du pays sans oublier que la fibre de noix de coco contrairement au plastique utilisé pour la fabrication des cordes que nous utilisons actuellement dans l’archipel, est un produit qui respecte beaucoup plus l’environnement et qui mérite doublement d’être valorisé.