Face à une éducation nationale publique défaillante, les Comoriens se tournent vers les écoles privées. Mais, derrière les quelques prestigieuses écoles privées, pullulent des écoles moins valeureuses qui ne cessent de se multiplier. Par Noussaïbaty Ousséni Mohamed Ouloubé
Le système éducatif d’un pays définit son avenir. L’Union des Comores se fixe des objectifs à atteindre en matière d’éducation et reconnait que cette dernière joue un rôle important dans le développement. D’ailleurs, nous pouvons lire sur la préface du Plan intérimaire de l’éducation 2013-2015 : « Le gouvernement comorien a choisi de faire de l’éducation un moteur du développement socio-économique du pays ». Pourtant, à l’aube de 2022, on ne peut que constater encore une fois, l’échec du système éducatif comorien et ce, sans tenir compte des derniers résultats du baccalauréat.
Écoles privées médiocres
L’enseignement public bat de l’aile depuis plusieurs décennies. L’état de certaines écoles et les grèves récurrentes font que beaucoup de parents se tournent vers les écoles privées. Ces dernières ont le privilège de ne pas rencontrer les mêmes difficultés que les écoles publiques. Selon les croyances populaires, les enfants qui étudient dans le privé sont beaucoup plus intelligents car ils bénéficient d’un meilleur encadrement. Cependant, toutes les écoles privées n’ont pas ce mérite et des établissements qui n’ont rien à envier à la médiocrité de l’enseignement public se cachent derrière le prestige des autres.
« Enfant, j’ai étudié dans une école privée de Mirontsy qui se trouvait dans une maison de famille et sur le toit, les salles étaient faites avec des feuilles de cocotier. Avec les années, l’école a quitté la maison et depuis elle ne cesse de déménager. Il y a moins de 5 ans, elle se trouvait près du terrain de football de la ville et désormais, elle est installée à quelques mètres plus loin. » En un laps de temps, l’école a eu quatre emplacements différents. Difficile d’imaginer le malaise que peuvent ressentir des enfants quand leurs amis se moquent d’eux à cause de leur école et difficile de comprendre pourquoi les responsables de cette dernière ne cherchent pas la stabilité.
Sur l’île d’Anjouan, on en voit de toutes les couleurs quand il s’agit d’écoles privées. Certaines se trouvent au-dessus de mosquées, d’autres près du marché. Dans les écoles, les jeunes crient et s’amusent, cela fait partie de l’apprentissage d’ailleurs. Il est difficile de courir et crier dans une cour de récréation quand cette dernière se trouve au-dessus d’une mosquée. L’école est surtout un endroit où il faut un minimum de concentration pendant les cours et particulièrement lors des examens. Comment les jeunes peuvent espérer être tranquille quand leur école se trouve tout près d’un marché ? Il ne reste plus qu’à espérer qu’ils ne fassent jamais cours pendant les soldes. Personne n’ignore combien les marchés sont bruyants. Les élèves sont surement habitués mais, il faudrait à l’avenir penser à trouver de meilleurs emplacements pour les écoles qu’elles soient privées ou publiques.
Les petits arrangements
Plusieurs écoles privées sont célèbres pour la qualité de leur enseignement. La plupart des écoles privées fournissent un bon encadrement et souvent, les élèves qui obtiennent des mentions lors des examens ne sortent pas du public. Cependant, certaines écoles utilisent la confiance que porte le peuple aux écoles privées pour se faire de l’argent. Elles laissent passer ceux qui redoublent en échange de quelques francs et elles prennent même les redoublants d’autres écoles. Il faut dire que dans ce pays, il n’est pas normal de redoubler. Les parents se soucient de la déception de leurs enfants et sont prêts à tout pour les faire passer en classe supérieure et on s’étonne que plus tard, les mêmes enfants soient prêts à tout pour ne pas redoubler à l’université. Et pour fermer le cercle, ils deviendront les agents corrompus et incompétents d’une fonction publique qui paie mal. Pour arrondir les fins de mois, ils n’hésiteront pas à détourner le système en échange de pots de vins.
Le système éducatif du pays est en détresse. L’école publique agonise et les écoles privées se heurtent aussi souvent aux maints difficultés du pays. Et dans tout cela, il y a les opportunistes qui profitent de la situation pour se remplir les poches. L’éducation qui est censée être un moteur de développement détruit la jeunesse et l’espoir d’un renouveau économique. Il faudrait que le gouvernement soutienne les grandes écoles privées. Des terrains plus grands peuvent être mis à leur disposition et l’Etat pourrait aider à construire des bâtiments capables d’accueillir beaucoup plus d’élèves. On éviterait que ces derniers s’entassent dans des petites salles sous le joug de la chaleur. Le public et le privé devraient former des alliances pour se permettre de grandir. Mais il s’agirait là d’un rêve parmi tant d’autres. Le peuple quant à lui, attend toujours que le gouvernement remplisse ses promesses en matière d’éducation et les enseignants eux, attendent toujours d’être mieux payés.