Le tourisme fait partie des thèmes les plus abordés pendant la campagne électorale des présidentielles de 2016. C’est aussi un secteur promoteur au regard des possibilités de l’archipel. Lorsqu’Azali Assoumani arrive au pouvoir, reconstruire l’hôtel Galawa, autrefois fleuron du tourisme comorien, devient comme le symbole d’un renouveau pour la destination Comores. Dans le régime, certains y voient aussi la possibilité de se rapprocher de certains investisseurs. Pourtant, cinq ans après avoir fait miroiter aux Comoriens une reconstruction de l’hôtel Galawa et même avoir posé la première pierre avec un investisseur étranger il y a trois ans, de l’herbe a poussé sur l’emplacement de l’hôtel Galawa. Par MiB
Galawa est tout un symbole. L’hôtel a été construit au milieu des années 1980 avec des fonds de l’Afrique du Sud au temps de l’Apartheid, grâce aux liens entre les mercenaires français qui faisaient le beau temps aux Comores et les hommes du régime raciste de Prétoria. C’est le gouvernement du président Azali qui a fini par décourager les investisseurs de Sofitour en faisant fermer l’hôtel le 25 avril 2002 (voir Idi Papa Claude Mohamed, L’Hôtel Galawa. Vie et mort d’un hôtel de luxe aux Comores, Coelacanthe, 2016).
Depuis c’est l’Arlesienne comorienne, chaque candidat, chaque gouvernement qui parle de tourisme évoque les vestiges de l’hôtel Galawa qui symbolise une certaine dévitalisation de la région du Nord de Ngazidja, le Mbude-Mitsamihuli.
Le président Sambi avait vendu le site à un groupe financier, Dubaï Word. Celui-ci avait pris la décision de détruire l’ancien hôtel pour construire un hôtel neuf, avant de se retirer faute d’argent, laissant le terrain nu.
Attirer les électeurs du Nord
Les principaux candidats des élections présidentielles de 2016 avaient promis de reconstruire le Galawa pour attirer les électeurs de cette grande région du Nord de Ngazidja.
Après son élection, Azali Assoumani, qui n’avait pas réellement étudié la question avant, cherche une solution pour reconstruire le Galawa. En réalité, c’est autour de lui que plusieurs personnes sont persuadées d’avoir trouvé la solution.
Parmi les personnes qui ont intrigué autour de la reconstruction de l’hôtel Galawa, il y a son conseiller en communication, Mohamed Abdou Mbechezi. Ces derniers temps, il s’est affiché avec plusieurs investisseurs qui finalement ont fait un petit tour et sont partis. Il était très enthousiaste quand il a annoncé que « son ami » Mohamed Hakmi, patron du groupe Armada était prêt à investir pour la reconstruction du Galawa, après avoir passé 48 heures aux Comores, en avril 2017. Par la suite, Mohamed Abdou Mbechezi fera plusieurs voyages à Dubaï et continuera à vanter son nouvel « ami », mais rien n’a poussé du côté de l’ancien Galawa à part l’herbe verte.
La pose de la première pierre
Puis, le temps de la campagne électorale arriva, deux ans après les annonces de Mohamed Abdou Mbechezi. Il faut avoir le soutien de la masse électorale du Mbude-Mitsamihuli. Galawa revient dans les bouches des politiciens du pouvoir. Ils ont tout prévu. Du bluff et du flonflon à grande échelle. Armada va reconstruire l’hôtel qui a fait vivre tant de familles au nord. Et pour convaincre les plus sceptiques, le 9 février 2019, moins de deux mois avant l’élection présidentielle, une scène organisée pour éblouir les yeux et les cœurs sur le site même de Galawa : le chef de l’État, Azali Assoumani et le patron du groupe Armada, Mohamed Akmi posent la première pierre et annoncent que le nouveau Galawa aura 1000 lits (l’ancien n’en comptait que moins de 200 lits). Cela ne mange pas de pain, ils auraient même pu annoncer 20 000 lits, ce serait passé comme une lettre à la poste. Tant de gens avaient envie de croire, même avec quelques frères sacrifiés à l’hôtel de la torture, ils étaient prêts.
Où est passé Armada ?
Seulement, après le « gwa ndzima » (« un seul tour ») interrompu par le rapt des urnes par les militaires avant la fin du processus électoral, Mohamed Hakmi et Armada disparaissent dans la nature. Plus personne ne parle de la reconstruction de Galawa, même pas Mohamed Abdou Mbechezi qui a d’autres chats à fouetter et d’autres investisseurs à séduire.
Dans une conférence de presse d’août 2019, c’est le ministre de l’Économie, lui-même originaire de la région Mbude-Mitsamihuli, Houmed Msaidié qui exprime ses doutes sur les promesses d’Armada. L’année suivante, il annonce la résiliation unilatérale du contrat signé avec Armada. Lorsque le groupe essaie de se justifier dans un communiqué, le ministre confirme que le gouvernement a rompu le contrat avec Armada et se tient prêt à assurer les conséquences judiciaires. Depuis, il annonce que l’hôtel va être reconstruit, sans jamais montrer un plan concret, sinon l’appel à des sociétés comoriennes pour participer à la reconstruction. Dans l’interview qu’il accorde à Masiwa cette semaine, il affirme de nouveau que bientôt il y aura « des actes concrets ».
À ce rythme, aux prochaines élections, les candidats pourront encore agiter la promesse d’une reconstruction du Galawa pour espérer s’attirer la masse des électeurs du Nord.