Le classement de Reporter sans Frontières (RSF) 2020 est tombé. Il est le résultat du recensement des actions des gouvernements du monde entier (soit 180 pays) à l’encontre des journalistes et des organes de presse pendant l’année 2019. Il souligne la dégradation continuelle de la situation de la presse aux Comores.
L’organisation mondiale des journalistes a classé les Comores cette année à la 75e place. Le pays n’a jamais atteint un tel rang depuis la création du classement en 1983. Les Comores ont ainsi perdu 19 places. C’est une dégringolade sans précédent qui traduit l’atmosphère dans lequel se trouve le pays depuis l’arrivée au pouvoir d’Azali Assoumani en 2016. Pourtant, en 2016, sur l’élan du régime précédent d’Ikililou, mais aussi par une volonté du nouveau président élu de récompenser les journalistes qui ont joué un rôle important dans son élection (conseils dans le domaine de la communication, surveillance des éventuelles fraudes, proclamation et transmission des résultats aux médias internationaux avant même l’officialisation de la Cour constitutionnelle…), les Comores s’étaient retrouvées classées au 44e en 2017 (50e en 2016), meilleur classement jamais atteint par le pays.
Mais, depuis 2017, au fil des événements et du durcissement du régime, le classement des Comores n’a cessé de se dégrader perdant cinq places en 2018 (49e), puis encore sept en 2019 (56e) et enfin 19 places cette année, le pays atteignant un niveau qu’il n’avait jamais atteint auparavant.
Sur son site internet, pour tout le continent africain, RSF n’a fait un focus que sur le cas des Comores, un cas qui est préoccupant pour l’organisation. C’est en effet le pays qui a le plus reculé dans le classement, après Haïti (-22 rangs). L’organisation note : « Agressions, arrestations, intimidations, censure… une vague d’atteintes à la liberté de la presse, inédite ces dernières années, s’est abattue sur les journalistes comoriens », faisant référence à la répression qui s’est faite autour des élections qui ont permis au chef de l’État de prolonger son mandat et lui ont donné la possibilité d’en faire un deuxième.
Évoquant le contexte de la crise due au coronavirus, RSF note que la situation s’est aggravée cette année en citant le cas des journalistes qui sont menacés et qui ne peuvent pas faire d’enquêtes, le gouvernement s’arc-boutant sur l’idée que le coronavirus n’est pas encore entré dans le pays, malgré les évidences. L’organisation des journalistes conclut que « la crise met en évidence une tentative de monopoliser l’information en privant les journalistes du droit de mener des enquêtes indépendantes et de s’écarter du discours officiel ».
Dans le milieu journalistique, chacun se rappelle à cette occasion des promesses faites par le Coordinateur de la Communication de la présidence de la République (Beit-Salam), Ahmed Ali Amir, ancien Directeur d’Al-Watwan, le journal gouvernemental. Avant de prendre ce poste, il s’était adressé à ses amis pour leur faire deux promesses : d’une part, faire cesser la pression, les menaces et les arrestations des journalistes et d’autre part, organiser des Assises ou des États généraux de la presse. Tout cela devait se concrétiser par une loi pour « garantir la liberté de la presse et la protection de l’exercice du métier et de la profession elle-même ». L’ancien journaliste devenu communicant de la présidence et du gouvernement avait même lancé que s’il ne parvenait pas à ces deux objectifs, il démissionnerait (« Si j’échoue, je tire ma révérence », avait-il écrit).
Les Assises n’ont jamais eu lieu. Le gouvernement a continué à menacer et à faire pression sur les journalistes comme le montre ce nouveau classement de RSF. Et la nouvelle loi qui devait garantir la liberté de la presse a été bloquée par le gouvernement.
MiB