Des enseignants docteurs font des pieds et des mains pour être régularisés à l’Université des Comores. La majorité exerce au Centre universitaire de Patsy, à Anjouan. Ces derniers frappent à toutes les portes pour faire entendre leur voix. Par Dhoulkarnaine Youssouf
Cela fait plus d’un mois que 31 enseignants docteurs contractuels à l’Université des Comores, dont 18 au centre de Patsy, on prit leur bâton de pèlerin, pour demander leur intégration au sein de l’institution publique d’enseignement supérieur. Ils prêchent toutefois dans le désert, leur voix étant restée jusqu’à maintenant sans écho. Et ce n’est pas faute de n’avoir pas assez crié. Pour preuve, ceux qui se trouvent à Anjouan enchaînent les sorties médiatiques dans les réseaux sociaux et multiplient les rencontres avec les autorités de l’île d’Anjouan.
C’est dans cette perspective qu’une délégation de ces enseignants docteurs contractuels a rencontré le 4 août 2021 le gouverneur Anissi Chamsidine. Cela, après une lettre adressée au chef de l’État pour l’inviter à se pencher sur leur cas.
Réticences du Directeur du Centre
« Depuis 2012 les enseignants docteurs de Patsy sont restés contractuels, alors qu’à la Grande-Comore, ce n’est pas le cas.
Pour leur permettre d’être recrutés, le directeur du centre doit montrer le besoin d’avoir des enseignants. Chose qu’il n’a jamais faite, contrairement aux autres centres, qui évoquent des besoins fréquemment.
Et la raison à cela, c’est la protection de ses intérêts. Une fois que nous sommes régularisés, nous devons assurer les directions des départements. Et, il ne sera jamais content de cela. En effet, tous ceux qui occupent les postes de chef de département sont dans son cercle. Et malheureusement, ils ne sont pas tous docteurs », témoigne sous le sceau de l’anonymat un des docteurs contractuels.
Celui qui est montré du doigt, le chef du centre Dr Soiffaouidine Sidi, en poste depuis plus de dix ans, se défend bec et ongles contre ce qu’il appelle « des accusations » non fondées. Il dit reconnaître la légitimité des revendications portées par les enseignants docteurs sous contrat. Mais il interpelle les concernés en indiquant qu’il n’appartient pas au chef du centre de recruter à l’Université des Comores. Que cela est du ressort de la fonction publique. « Ou bien qu’ils me disent que les chefs des centres de Mohéli ou de Ngazidja ont pu le faire », lance-t-il comme un défi aux titulaires de doctorats.
Et pourtant le besoin d’enseignants se fait ressentir sur le site. En effet, 5008 étudiants pour 80 enseignants. Un nombre faible par rapport aux divisions que compte le centre. D’autant plus que la moitié seulement est permanent, soit 44 enseignants. La tâche se complique donc pour ceux qui interviennent dans les grosses divisions. En effet, certains de ces professeurs doivent dispenser des cours dans une salle de 300 étudiants où les gradins n’existent pas. Ce n’est pas aussi facile. Et scinder ces divisions est un souci, car il faudrait recruter. Ce qui n’est pas gagné.
Une démarche qui fait grincer des dents du côté des non-docteurs
« Ce n’est pas que c’est mal vu, mais c’est parce qu’il y a des enseignants qui sont à l’Université des Comores bien avant les docteurs et qui ne sont pas régularisés. Donc les docteurs devaient faire les revendications de façon inclusive sans se distinguer des autres. Et peut-être de cette façon cela aurait eu un écho favorable. La question devait se poser en termes de carrière des enseignants. Ceux qui ne seront pas régularisés ne risquent rien. Ils seront toujours là comme contractuels. Ceux qui seront régularisés verront leur statut changer positivement puisque le salaire va augmenter, ils vont bénéficier de la retraite et surtout vont avoir un emploi stable. Bref l’enjeu ici c’est la carrière. Être enseignant permanent est mieux que d’être enseignant contractuel », réagit, quant à lui, Maître Saïd Hachim Soulaïmana, professeur de Droit au centre.
Un ancien étudiant du centre parmi les docteurs contractuels
Parmi ces enseignants docteurs sous contrat, figure un jeune qui est un pur produit du Centre universitaire de Patsy. Il devrait faire la fierté de l’établissement où il a obtenu sa licence avant de partir et revenir enseigner avec un doctorat. Par peur des représailles à son encontre nous ne révélerons ni son identité ni son parcours. Encore moins sa matière.
« Je suis arrivé fin 2018, c’était la rentrée, mais je n’ai pu rejoindre la fac (Patsy). On m’a expliqué qu’il s’agissait d’un problème de retard de dossier. Alors j’ai dû l’envoyer quand même à Moroni sans suite. Ce n’est qu’en décembre 2020 que j’ai pu être accepté. Après plusieurs relances bien sûr. Je ne peux cependant parler d’embauche, parce que je ne suis pas embauché. L’UDC m’exploite comme bon lui semble.
J’ai été contractuel en semestre 1 et j’ai fini l’année en qualité de vacataire. Le pire c’est que j’ignore quel sera mon statut l’an prochain », se plaint-il. Ce dernier affirme que c’est toutefois un plaisir de partager son expérience.
Tous ces docteurs n’espèrent qu’une seule chose : trouver une oreille attentive, en la personne de Djaanfar Salim Allaoui, le ministre de l’Éducation fraîchement nommé.
En attendant, les docteurs contractuels continuent leur mouvement.
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