Depuis le 5 juillet, des explosions se font entendre à plusieurs endroits à Anjouan et notamment à l’aéroport (Voir Masiwa n°273). De nombreuses arrestations ont été opérées par la gendarmerie et l’armée, mais les autorités ne fournissent pas d’information sur l’enquête. Notre correspondant fournit ici quelques faits et explications recueillis sur le terrain. Éléments rassemblés par la rédaction de Masiwa
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Les enquêteurs et le ministère public restent avares d’informations sur les investigations au sujet de ce que l’on peut qualifier de « mystère des explosions nocturnes » de ces derniers jours à Anjouan. Mais, ce n’est pas pour autant que l’on peut croire qu’ils n’avancent pas. Selon des sources crédibles, les enquêteurs auraient mis la main sur l’un ou des poseurs d’explosifs et selon des sources proches de l’enquête une campagne de déstabilisation minutieusement montée de Mayotte serait en cours.
Toujours selon cette même source, les interpellations de ces derniers jours seraient la conséquence des révélations faites par les présumés poseurs d’explosifs arrêtés.
Des arrestations successives
Mardi très tôt (vers 4 heures du matin selon plusieurs témoins), des éléments des forces de l’ordre lourdement armés et pour certains cagoulés font irruption aux domiciles de plusieurs personnes. Parmi elles un jeune opérateur économique, Loukman Badrane et les femmes d’Anrifidine et Nadjib Sadat, deux militants du parti Juwa impliqués dans l’insurrection armée de la Médina en octobre 2018 et réfugiés à Mayotte depuis.
Seraient-ils directement ou indirectement impliqués dans l’affaire en cours ? Dans tous les cas l’enquête suivrait aussi cette piste. Lors de nos investigations sur le terrain, plusieurs témoins affirment avoir entendu dans la soirée de dimanche une déflagration semblable à celles régulièrement entendues entre Mutsamudu et Wani depuis le 5 juillet. C’est au cours de cette opération qu’un suspect aurait été pris par les forces de l’ordre. Et pas plus tard que mardi matin, des nouvelles interpellations sont opérées avant l’aube à Haibara-Pagé, dans la Médina de Mutsamudu et à Hombo.
D’autres sources confirment l’arrestation d’un des poseurs d’explosifs et de l’interpellation de plusieurs personnes pour informations et confrontations avec les révélations faites par ce supposé artificier.
Les pistes de Mayotte et Barakani
Une autre piste est suivie par les enquêteurs. Des personnes qui avaient participé à l’insurrection de Mutsamudu de l’année dernière auraient séjourné à Anjouan ces derniers jours puis seraient reparties à Mayotte.
Rappelons que la semaine dernière la gendarmerie et l’armée avaient fait une descente à Barakani pour interpeller des pilotes de kwassa et plusieurs personnes qui seraient eux aussi impliqués dans l’affaire. Un fervent militant CRC de la localité a, lui aussi, été pris dans la nasse. Les enquêteurs ont découvert qu’il n’avait rien à voir dans l’histoire. Il serait victime d’une fausse dénonciation. Il a été relâché en moins de 24 heures.
Les personnes interpellées à Barakani seraient accusées d’avoir aidé à faire entrer à Anjouan des armes et des explosifs dans le but de déstabiliser d’île. Dans les milieux politiques, beaucoup voyaient une probable implication du clan Mohamed Bacar. Une thèse qui ne tient sur rien puisqu’au sein des Bacaristes c’est le sauve-qui-peut. Plusieurs d’entre eux ont choisi de se rallier au régime en place, et peu des militants sont encore fidèles à Mohamed Bacar, toujours maintenu en exil depuis 2008. Cette dernière frange est connue comme opposée à un quelconque rapprochement avec Azali Assoumani.
L’ombre de la torture réapparait
Pas plus tard que mercredi, un engin qui n’aurait pas explosé dans la région de Bambao a pu être désactivé de justesse et les enquêteurs savent maintenant le type de matériel utilisé et le mécanisme de déclenchement à distance choisi par les poseurs d’explosifs. Si l’on en croit les bribes d’informations dont Masiwa dispose, parmi les interpellés, il y aurait plusieurs personnes qui auraient subi des tortures et on parle même de certaines révélations obtenues sous ce mode d’interrogatoire, un mode érigé en règle à la gendarmerie comme au camp militaire de Sangani.
Car il faut le préciser, depuis plusieurs jours déjà la gendarmerie est appuyée par l’armée dans ses opérations d’interpellation le plus souvent brutales et probablement n’obéissant à aucune règle.
A Barakani par exemple, où Masiwa s’est rendu mardi et mercredi, certaines familles affirment que leurs proches après un bref séjour à la gendarmerie et dans ce camp militaire, se trouveraient actuellement à l’hôpital militaire de Patsy et à Bambao. D’autres parlent même de deux évacuations sanitaires par Kwasa vers Mayotte. Mais, il nous a été impossible, pour le moment de vérifier cette dernière information.
Deux délégations de la ville de Mutsamudu ont rencontré jeudi dans la matinée le directeur de cabinet en charge de la défense, Youssoufa Mohamed Ali dit Belou et le ministre premier, Moustadrane Abdou. Ces derniers auraient dit qu’à leur niveau, ils ne peuvent rien faire tant que « Mutsamudu » n’aide pas à retrouver des armes qui seraient encore entre les mains de civils. Comprendra qui pourra.
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