Personne n’avait encore écrit sur le débarquement de l’armée comorienne appuyée par l’armée tanzanienne sous mandat de l’OUA à Anjouan en 2008 pour déloger Mohamed Bacar et mettre fin à sa rébellion envers le pouvoir central. Makany Saïd Halidi, ancien Bacariste, vient de le faire dans un livre publié aux Éditions Cœlacanthe.
Masiwa – Makany Saïd Halidi, vous venez de publier un livre qui retrace votre vision du débarquement à Anjouan en 2008, pourquoi pensez-vous qu’un tel livre est utile aujourd’hui ?
Makany Saïd Halidi – Il est utile, car vu la situation d’hier une seule partie était écoutée et l’autre non. Maintenant, les Comoriens auront l’occasion de mieux comprendre le débarquement de la honte et de la division.
Masiwa – Est-ce qu’à travers ce livre, vous aviez des comptes à régler avec des gens particulièrement ?
Makany Saïd Halidi – Je n’ai de compte à régler avec personne, je voulais uniquement faire savoir la vérité.
Masiwa – Pourquoi pensez-vous que le débarquement de 2008 était inutile ?
Makany Saïd Halidi – Le débarquement de 2008 était inutile, car jusqu’à ce jour rien n’a changé, au contraire, c’est la division totale entre les clans Sambiste et Bacariste.
Masiwa – Est-ce que vous ne pensez pas que Mohamed Bacar était allé loin, en refusant même au Président de l’Union de pouvoir se rendre à Anjouan ?
Makany Saïd Halidi – Je vous dis qu’il y a eu trop de mensonges sur cette question. La communauté internationale et les Comoriens ont été trompés par le pouvoir. Quel empêchement ? Est-il arrivé à Anjouan ? A-t-il été refoulé ? Par qui ? Et à quel moment ? Ce sont les mensonges du dirigeant de l’Union diffusés pour mieux diaboliser l’adversaire.
Masiwa – Est-ce que ceux qui étaient proches de Mohamed Bacar n’avaient pas le devoir de le mettre en garde sur l’intervention imminente ? Ou est-ce que vous pensiez que l’OUA n’interviendrait jamais ?
Makany Saïd Halidi – Le décideur était l’Union des Comores en collaboration avec la communauté internationale. Le débarquement était certainement imminent, mais que pouvions-nous faire ? Il fallait négocier, mais avec qui ?
Masiwa – Quelles sont les exactions subies par les Bacaristes après le débarquement ?
Makany Saïd Halidi – Les exactions étaient nombreuses : arrestations, emprisonnement, tortures, humiliations et séquestrations.
Masiwa – Pensez-vous que sous Mohamed Bacar, à Anjouan, les Droits de l’Homme étaient respectés ?
Makany Saïd Halidi – Sous l’autorité de Mohamed Bacar les Droits de l’Homme étaient, à ma connaissance, respectés, car malgré les accusations aucune personne n’a porté plainte après la chute de Bacar. Ce sont seulement des rumeurs. Rien n’empêcherait une personne qui a été mal traitée de porter plainte, mais rien de tout cela ne s’est produit.
Masiwa – Est-ce que le fait que personne n’a porté plainte sur les conséquences du débarquement veut dire qu’il n’y a eu aucune exaction sur les Bacaristes ?
Makany Saïd Halidi – Pas tellement. Il se pourrait qu’il y a eu des bavures, mais pas énormément peut-être des intimidations, c’est tout.
Masiwa – Pensez-vous que des erreurs ont été commises du côté de Mohamed Bacar pendant son règne à Anjouan ?
Makany Saïd Halidi – Il y a eu des bavures, mais pas au point d’aller jusqu’à organiser un débarquement. C’est plutôt l’autorité de l’Union des Comores qui a commis la faute en violation du code électoral.
Masiwa – Mohamed Bacar fait-il encore peur ? Y a-t-il une possibilité qu’il revienne un jour chez lui ?
Makany Saïd Halidi – Mohamed Bacar est un citoyen comorien, je vois mal qu’il ne puisse pas rentrer chez lui, son absence a trop durée, depuis 14 ans. S’il a commis des fautes qu’il soit jugé ici, aux Comores. Auparavant il a été jugé à l’île de la Réunion et il est ressorti propre et finalement il est en exil au Bénin.
Masiwa – Pour en venir à l’actualité, que pensez-vous du procès sur la citoyenneté économique qui a vu la condamnation à perpétuité de Mohamed Sambi ?
Makany Saïd Halidi – Sincèrement, j’ai été déçu par le procès de Sambi. Je m’attendais à des questions-réponses entre l’ancien président de l’Union et le juge, mais dommage, Sambi n’a pas voulu répondre. Et il a traité le tribunal et les juges de faux. Contrairement à son directeur de Cabinet (NDLR : Mohamed Bacar Dossar) et le Secrétaire général du gouvernement (NDLR : Nourdine Bourhane) qui sont restés jusqu’à la fin de l’audience. Finalement, à mon avis c’est 50-50 %, car le jugement a été fait sur des dossiers. Les personnes qui ont et avaient les connaissances sur la vente des passeports n’étaient pas jugées, c’était le cas pour Abou Achiraf, le signataire des passeports. L’ancien Président Ikililou se trouvait à l’étranger, n’était pas du tout cité alors qu’il a vendu des passeports.
Makany Saïd Halidi, Mes 4 vérités sur le débarquement à Anjouan en 2008, Cœlacanthe, 2022, 109p., 10€. À commander en librairie ou sur le site des éditions Cœlacanthe : www.editions-coelacanthe.com.