Saandi Assoumani, le président du parti Badili, est candidat à l’élection présidentielle annoncée par le pouvoir en place pour 2024. Il présente pour cela un « pacte de changement ».
Propos recueillis par Hachim Mohamed
Masiwa – Quel est votre profil sur l’échiquier politique et électoral des Comores ?
Saadi Assoumani – Avant de répondre à votre question, je voudrais saisir cette opportunité pour vous remercier pour l’honneur que vous avez bien voulu me faire en me permettant de m’adresser à vos lecteurs à travers cette interview. S’agissant de mon profil sur l’échiquier politique, je suis la personne qui incarne un changement radical des pratiques de gouvernance dans notre pays. J’ai le profil de la personne qui peut faire la transition entre une génération de leaders patriote qui a mené et gagné en grande partie le combat pour l’indépendance de notre pays avec les autres générations dont le défi est de réussir le développement. J’ai côtoyé les anciens et me suis nourri de leur patriotisme. Je fais partie de ceux de la nouvelle génération, mieux préparée à conduire la transformation du pays pour son développement.
Je suis le candidat qui peut unir le pays dans sa diversité, entre ressortissants des différentes îles et des différentes régions. En effet, j’ai eu l’opportunité de sillonner toutes les localités que comptent les 4 îles, à l’occasion de plusieurs missions d’expertise, notamment dans l’île de Mayotte où j’ai accompagné les communes dans leur développement. Quand je parle des Comores, je sais de quoi je parle pour avoir découvert tous ses secrets cachés dans son écosystème et les réalités locales de chaque village. Je suis le candidat qui peut réunir toutes les classes sociales, habitants des villes et des campagnes, élites et population à la base. En effet, enfant issu de la paysannerie, j’ai mené ma vie professionnelle à Moroni où je me sens bien intégré dans le milieu. Enfin, mon expérience internationale fait de moi le candidat le plus outillé pour négocier les intérêts de notre pays à l’International. Le monde dans lequel nous vivons est plein d’opportunités à saisir et de menaces à éviter. Pour réussir à tirer son épingle du jeu, notre pays a besoin d’un président décomplexé qui est prêt à jouer dans la cour des grands. Je suis le meilleur candidat pour battre le régime Azali, car mon projet tout comme ma personne sont à l’opposé du système actuel de gouvernance fait de corruption, de chauvinisme, d’incompétence, d’autoritarisme et de violation des droits humains. Il offre une perspective d’espoir pour la jeunesse.
Masiwa – Que comptez-vous faire si vous êtes élu pour arrêter les tripatouillages sur la Constitution que nous avons observés ces derniers temps ?
Saadi Assoumani – Pour commencer, je prends l’engagement de ne pas faire un changement constitutionnel au cours de mon mandat. Pourtant, les chamboulements qui ont eu lieu en 2009 et 2018 ont été faits unilatéralement sous la base de visées machiavéliques. La constitution actuelle a donc besoin d’être revue. Mais cela est loin d’être la priorité pour les Comoriens. Les Comoriens ont trop attendu pour voir leur vie changer. Je suis candidat pour leur démontrer que la politique peut changer la vie de tous les jours. Ce sera ma priorité. Au cours de mon mandat, un travail de fonds sera fait avec la participation de tous les acteurs politiques et la société civile en vue de tirer les enseignements de ce qui a marché ou de ce qui n’a pas marché depuis 2001 dans le fonds et dans la forme. Des recommandations seront faites et feront partie des dossiers de passation de service à mon successeur qui viendra de l’île d’Anjouan en 2029. Il lui reviendra le soin de prendre l’initiative de soumettre ces propositions au peuple comorien. Par contre, je ferais voter une loi organique pour rendre plus contraignante la procédure de révision constitutionnelle. On peut par exemple instaurer le principe qui voudrait que les effets de toute réforme constitutionnelle ne puissent plus s’appliquer relativement à la situation du président qui les engage. Ceci est un principe innovant en droit constitutionnel qui pourrait inspirer beaucoup d’autres pays africains.
Masiwa – Dans votre programme, vous semblez regretter la perte du pacte républicain qui lie les citoyens aux institutions…
Saadi Assoumani – La grande majorité des politiques utilisent soigneusement les faiblesses de la population pour avancer dans leur agenda machiavélique. C’et pour quoi chaque régime qui vient met en avant les notables et certains oulémas manipulables. Jamais l’élite intellectuelle et la société civile ne sont mises en avant. Mais ce qui se passe actuellement c’est que le poids de la notabilité est en train de diminuer. L’utilisation de la religion a ses limites. L’échec des régimes successifs est en en train de faire prendre conscience que le pays ne peut pas continuer à se prêter à ce jeu de dupe. En un moment donné, il nous faut passer aux choses sérieuses : élire des dirigeants honnêtes, compétents et courageux pour mener les réformes nécessaires, défendre les intérêts de notre pays en vue d’améliorer les conditions de vie des Comoriens. Le temps du triomphe des manipulations est révolu. Le temps de la vérité est arrivé. Je crois que les Comoriens sont prêts à faire le bon choix.
Masiwa – Selon vous, le pays dispose-t-il encore de ressources humaines suffisantes pour provoquer un électrochoc salutaire qui ouvrirait de nouveaux horizons ?
Saadi Assoumani – La véritable question n’est pas de savoir si le pays dispose encore de ressources morales suffisantes pour provoquer un électrochoc salutaire qui ouvrirait de nouveaux horizons. Elle est de se demander si nous avons le droit de rester sans rien faire. Ce serait nous démettre de notre responsabilité historique en tant que génération. Les choses sont claires. Une première génération de leader a bâti les premiers jalons pour la fondation d’une nation moderne. Il s’agit de Said Mohamed Cheikh, de Said Ibrahim, d’Ahmed Abdallah et Ahmed Ahmed. Une deuxième génération a conduit le pays à l’Indépendance. La troisième génération qui devrait amener notre pays à réussir le développement a lamentablement échoué. C’est la génération dont fait partie Azali, Sambi, Ikililou.
Le temps de la quatrième génération est venu. Nous devons assumer nos responsabilités. Nous n’avons pas le droit à l’erreur.
Masiwa – Quel est le portrait de ce leader patriote sans lequel ce nouveau pacte de changement n’est pas possible ?
Saadi Assoumani – Le premier trait du leader patriote est de mettre toujours les intérêts du pays devant toute considération quoi qu’il en coûte. C’est donc un leader qui ne bradera pas les intérêts du pays sous n’importe quel prétexte.
Le second trait est celui de mettre le bien-être des Comoriens au centre de ses préoccupations. Le troisième trait est celui d’impartialité. Le vrai leader patriote est celui qui incarnera le pays au quotidien dans toute sa diversité. Il traitera les quatre îles de la même manière. Il ne discriminera personne en fonction de ses origines sociales et géographiques. L’élection de 2024 est un tournant. Soit les Comores vont faire ce choix et une page se tournera.