Le 28 décembre 2021, trois suspects ont été interpellés à l’aéroport de Hahaya avec dans leurs bagages 50 kg de lingots d’or. Cette affaire a vu la mise en garde à vue puis l’inculpation de dix personnes, dont le Directeur de l’aéroport, un ancien receveur des douanes et de plusieurs agents de l’aéroport. Dans un premier temps, les enquêteurs ont semblé vouloir rajouter des éléments dans cette enquête : la découverte chez l’un des suspects de 85000 €, ramenés à 15000€ et fixés finalement à 17000€, deux pistolets automatiques, un kilo de cocaïne qui a finalement complètement disparu de l’enquête, aucun des suspects n’ayant été inculpé pour trafic de drogue ni pour possession illégale d’armes à feu. Par MiB
Mercredi 5 janvier à 21h, une semaine après la découverte de lingots d’or dans les bagages de trois passagers d’un jet privé qui devait s’envoler de l’aéroport de Hahaya à destination de Dubaï et des gardes à vue prolongées au-delà de ce que permet la loi, les protagonistes ont été déférés devant le juge Ali Mohamed Djounaid. Yasser Ali Assoumani, Directeur des Aéroports des Comores, proche du président Azali, Farid Abodo, ancien receveur des douanes à Anjouan et fils de l’ancien puissant conseiller juridique du chef de l’État, Elhad Ibrahim Halifa, condamné à perpétuité en 2018 dans le fameux complot visant à tuer le Vice-Président Moustadrane et gracié moins d’un an après par le chef de l’État et ses deux complices malgaches ainsi que cinq employés de l’aéroport ont été déférés devant le Procureur de la République. Ils ont tous les dix été écroués sous divers chefs d’inculpation : « participation à un groupe criminel organisé », « contrebande », « intéressé à la fraude », « abus de fonction et complicité », « Corruption ».
Le 28 décembre 2021, lorsque Pierre Steny, Azaly Failaza Pacheco et Elhad Ibrahim Halifa sont arrêtés après la découverte dans leurs bagages de près de 50kg d’or sous la forme de lingots, on pouvait raisonnablement s’interroger sur l’opportunité d’une telle découverte et se demander si c’est la première fois que ces personnes transportent de l’or vers Dubaï en passant par l’aéroport de Hahaya. Il s’est avéré plus tard que cette équipe a fait ce trajet une dizaine de fois sur les lignes régulières et vraisemblablement avec la complicité de fonctionnaires comoriens.
Arrêtés, les trois hommes vont très rapidement donner les noms de leurs supposés complices, qui auraient reçu des pots-de-vin assez conséquents. Et le 1er janvier, le Directeur des Aéroports des Comores, l’ancien receveur de la douane d’Anjouan et des agents de l’aéroport sont arrêtés et mis en garde à vue.
La presse malgache s’étonne que les deux passeurs originaires de la Grande-Île ont pu continuer à circuler d’une frontière à l’autre, alors qu’ils avaient déjà été mis en cause dans l’affaire de l’or trouvé en Afrique du sud en 2020. Il semble que les autorités malgaches s’étaient contentées de les signaler au lieu de lancer un véritable mandat d’arrêt international. Elles viennent de le faire et de formuler une demande d’extradition simplifiée à destination des Comores. Comme à deux reprises, les Malgaches ont « donné » au gouvernement comorien le fameux Bobocha, sans même respecter le droit international, ils s’attendent à un renvoi d’ascenseur pour récupérer aussi bien les deux passeurs d’origine malgache que les 50kg d’or, certainement originaire de la Grande-Île.
Le 3 janvier un site d’information qui a souvent pour sources les diverses instances gouvernementales, « CMMComores », affirme photos à l’appui que grâce à la vigilance accrue des services de sécurité comoriens, un paquet de 1,2kg destiné à l’un des trois passeurs a été saisi la veille. Le site « CMM Comores » ne laisse aucun doute quant à sa source. Or, le 5 janvier, le procureur de la République, Ali Mohamed Djounaid n’a inculpé aucun des gardes à vue à cause de cette drogue, dont plus aucun journaliste ne parle ni pour les deux pistolets automatiques qui auraient été saisis chez Farid Abodo. Pourquoi ? Le site internet CMM s’est-il volontairement laissé manipuler ? Pourquoi les enquêteurs ont-ils fait passer dans les réseaux d’informations cette saisie de drogue, si c’est pour après faire comme si celle-ci n’a jamais été découverte ?
Soit les enquêteurs ont « filé » de fausses informations aux journalistes pour enfoncer les suspects. Ce ne serait pas une première, chacun se rappelle de la fameuse vidéo montrant le Gouverneur Salami en train de distribuer des armes, vidéo qui a contribué à sa mise en résidence surveillée, mais qu’aucun journaliste n’avait vu et qui a maintenant disparu de l’enquête. Soit, les enquêteurs ont reçu l’ordre de diminuer les charges en prévision de libérations provisoires et de jugements qui n’auront jamais lieu ou qui seront bâclés. La justice comorienne nous a aussi habitués à de telles pratiques. Cette fois en plus, deux des principaux acteurs risquent de partir vers Madagascar avant même le jugement.
Le gouvernement malgache met tout en œuvre pour récupérer rapidement ses ressortissants impliqués dans cette affaire et l’or. Il a une première fois essayé de mettre la pression sur le gouvernement comorien en envoyant le ministre de la Justice, Imbik Herilaza, accompagné d’une forte délégation de fonctionnaires de la Justice, des Affaires étrangères, de la police et des douanes malgaches. La délégation devait arriver le jeudi 6 janvier à Moroni et y séjourner trois jours. Mais, les autorités comoriennes ont repoussé la venue de la délégation, sine die, en prétextant que le même jour elles recevaient la visite du ministre des Affaires étrangères de la Chine.
Dans ce pays où la justice s’est habituée ces dernières années à faire du spectacle pour satisfaire les desiderata du pouvoir exécutif, le public se demande encore pendant combien de temps les hommes les plus proches du pouvoir actuel (Yasser Ali Assoumani, Farid Abodo et même Elhad Ibrahim Halifa qui a bénéficié d’une grâce alors qu’il aurait tenté de tuer un Vice-Président) seront maintenus en prison, ou encore par quel subterfuge, ils pourront rapidement reprendre leurs vies normales.