À tort ou à raison, les écoles publiques sont perçues comme des « trains d’instruction » qui n’arrivent pas à l’heure.
Dans son bureau du collège pilote de la Coulée, le directeur Abdou Ibrahim a indiqué d’entrée de jeu qu’il n’était pas là pour brosser un « portrait complaisant de son établissement » Par Hachim Mohamed
À petites touches dans cet exercice, cet enseignant, titulaire d’un diplôme d’enseignement supérieur en Sciences physiques à M’vouni (ENES), obtenu en 1990, a fait un panorama saisissant de son collège à mille lieues des clichés habituels sur les écoles publiques.
Pour un effectif de 510 élèves, le collège comprend cinq salles de 6e, cinq salles de 5e, quatre salles de 4e et 2 salles de 3e. Trente-huit enseignants donnent chaque année des cours à plus de 500 élèves. Par nécessité pour le collège, sept enseignants assurent des cours sur deux matières différentes.
En ce qui concerne le personnel de l’administration du collège, deux agents occupent des postes clés dans l’organisation : la secrétaire de direction qui s’occupe des présences ou absences des professeurs et des élèves via un cahier d’émargement, le chef de la scolarité qui gère les droits d’inscription des élèves, la confection des bulletins, la gestion des manuels scolaires dont le prêt est à hauteur de 1500FC par élève.
S’agissant de la sécurité de l’école, elle est du ressort d’une dame fonctionnaire et deux contractuels.
Convocation des parents d’élèves pour le près-rentrée scolaire
Pour apaiser les esprits, aider les acteurs du collège à se concerter, s’organiser au service de projets et de l’intérêt général de l’école, la direction réunit, avant la rentrée, les enseignants et les administrateurs pour faire le bilan de la dernière année.
Une séance de cinq heures de temps au cours de laquelle l’école, au-delà de la consolidation des acquis obtenus et par l’esquisse des pistes pour renforcer ce qui a marché en interne, la direction et les usagers tracent la ligne de conduite à suivre pour la nouvelle année.
Ce temps d’échange entre les acteurs clés a pour but de définir les objectifs de l’école, d’en détailler les tenants et les aboutissants et de bien organiser la nouvelle année scolaire à l’avance.
Dans le contexte de nos sociétés actuelles où l’enseignant doit faire face souvent à une absence de motivation chez les apprenants, et même à des problèmes d’agressivité et de violence et que les parents comme les administrateurs sont unanimes pour constater la baisse des résultats et la hausse de l’indiscipline, lors du bilan de l’année écoulée figure en priorité la convocation des parents d’élèves deux semaines avant la rentrée des classes.
À la fin de chaque semestre est organisé aussi un conclave sou la forme de conseil d’administration pendant lequel les acquis scolaires et expérientiels sont révisés et améliorés.
Le collège ne dispose pas de fonds propres suffisants
Ce collège qui au cours de l’année scolaire peut abriter dans ses locaux jusqu’à 700 élèves fait payer depuis la période d’« Azali 1» un droit d’inscription de 5000FC par élève et par an. L’établissement peut ainsi récupérer entre 2.500.000FC et 3.000.000FC.
Pour l’année scolaire 2021-2022, les droits d’inscription sont passés de 5000FC à 6500FC avec le projet du ministère de l’Éducation nationale de mettre en place dans tous établissements publics et privés du « bulletin unique » qui est vendu à 500FC pour chaque élève inscrit.
« Déjà sans subvention de l’État, le collège ne dispose pas de fonds propres suffisants pour fonctionner et le gouvernement avec le projet de bulletin unique, va encore siphonner le budget des parents d’élèves en faisant payer ce document 500FC par trimestre. Cela revient en tout à 1500FC pour les trois trimestres de l’année académique. », s’offusque le Directeur.
Une mention « excellent », une « très bien » et une « assez bien »
Même si la profession d’enseignant est généralement mal encadrée et mal perçue, en plus d’être vidée de ses responsabilités, le collège de la Coulée dispose de cinq professeurs chevronnés pour les matières de base du collège comme les maths, les sciences expérimentales, le français, l’arabe ou la physique.
« Quand se pose un problème de pédagogie, de compétences entre un enseignant et ses élèves, il faut avoir recensé 10 cas de ces insuffisances pour faire intervenir les inspecteurs dans l’établissement. C’est en 3 séances de trois heures à l’IGEN que ces enseignants sont « recyclés », a expliqué le Directeur avant de soulever un lièvre dans la problématique de la qualification des enseignants. « Si les plus diplômés des enseignants sont détenteurs d’une maitrise (Master 2) et les moins titrés ont le DEUG (Bac + 2), force est de reconnaitre que 45% des enseignants dans le collège étaient au départ d’anciens instituteurs. Ils sont devenus des fonctionnaires avec un indice salarial boosté après un an de formation à l’IFERE.»
Ce qui est extraordinaire, c’est que même quand le collège ne dispose pas de moyens adéquats et de conditions d’encadrement requises pour permettre aux élèves de réaliser un cursus scolaire normal, le taux de réussite est de 25% avec une mention « excellent », une « Très bien » et une autre « assez bien » pour trois collégiens admis d’office au BEPC.
Deux semaines avant les examens de fin d’année, le collège pilote de La Coulée avait organisé un BEPC blanc qui avait vu 12 candidats admis sur 50.
Rénovation de six salles en 2010.
Abdou Ibrahim, le Directeur du collège a eu à porter un projet de réhabilitation des locaux. Un plan de reconstruction qui comprenait dans ses deux volets la rénovation des bâtiments scolaires existants et l’agrandissement de l’école. 250.000FC ont été dépensés pour payer l’architecte qui avait confectionné la maquette. Malheureusement, les autorités de l’Éducation nationale n’ont pas suivi.
Le Directeur avoue qu’il a fallu beaucoup d’efforts pour obtenir le soutien du PRéPEEC afin de procéder à la rénovation de six salles sur 14 en 2010, il y a plus de 10 ans.