Le 26 mai, qui marquait la fin du mandat de cinq ans du président Azali Assoumani, n’a pas été un jour ordinaire. Moroni, la capitale, d’habitude grouillante d’activités, particulièrement dans les deux marchés, semblait dépeuplée. Tandis que les opposants encore au pays cherchaient à tout prix à organiser une manifestation malgré l’interdiction qui leur a été signifiée par le gouvernement. Par Hachim Mohamed
En arpentant les rues de la ville, de Gobadju au carrefour de Djumwamdji, en continuant vers Ajao, Magudju, Volo-Volo, des patrouilleurs à bord d’une auto-patrouille faisaient la ronde sur ces « grands axes » habituellement remplis de passants. Avec l’objectif de réprimer toute velléité de manifester de la part de l’opposition.
Dans l’esprit des habitants croisés, la peur et la panique demeuraient. Las, les habitants, cloîtrés chez eux oscillaient entre la peur persistante de ce que le régime prévoyait de faire et l’air décidé des « libérateurs » qui voulaient coute que coute vivre leur « 26 mai ». Il n’y avait dans Moroni que quelques commerçants qui avaient choisi de garder leurs portes ouvertes, la plupart avaient fermé les devantures, sans qu’on sache s’ils suivaient le mot d’ordre de ville morte ou s’ils avaient peur de débordements des deux côtés.
Moroni quadrillée par les militaires
« A 8 heures, il n’y avait personne au marché. La ville morte dont on s’attendait n’était pas un canular, car la peur du gendarme qui se traduit par l’appréhension de tout ce qui symbolise l’autorité publique, tétanisait la population », fait savoir le porte-parole du Front Commun de l’opposition, Ibrahim Abdourazak alias Razida.
C’est vrai que dans la capitale et ses environs, on ne pouvait faire cent mètres sans tomber sur des militaires et des policiers. Des patrouilles de policiers à tous les coins de rue, toute la journée et presque toute la nuit.
Autour du quartier de Kaltex et sa route longiligne qui va jusqu’au stade Baumer, le périmètre qui comprend le Karthala et la rue bitumée permettant d’aller vers le café du port ou en un sens inverse vers Iconi a été hermétiquement bouclé par des dizaines de militaires, policiers et gendarmes.
Pourtant les diverses tendances de l’opposition ont décidé de se replier sur la place Karthala après que le gouvernement leur a refusé le droit de se réunir dans les salles de la capitale.
« Lorsqu’on est arrivé sur les lieux, on s’est rendu compte que la place Khartala avait été transformée en camp militaire. En plus des éléments de l’AND, gendarmes et policiers supplémentaires ont été envoyés sur le terrain. Il fallait sur place réactiver notre plan B qui consistait à se retrancher au stade Ajao », continue Ibrahim Abdourazak Razida.
Encore des militants incarcérés
Mais, le plan B qui devait consister à rassembler 150 à 250 personnes sur le terrain Ajao à Magudju a été également sabordé par le gouvernement. « On attendait plusieurs bus en provenance de Mbéni. Évidemment, ces compatriotes à bord de ces véhicules ont été interceptés sur la route par les soudards du régime affectés à cette ignoble tâche. Il y a de nouveau une vague d’arrestations », nous confie le porte-parole de l’opposition.
« Après cette opération policière visant à surprendre et à neutraliser nos militants, notamment à les empêcher de venir au rassemblement de Moroni, présentement il y en a, parmi eux, qui sont incarcérés au camp militaire d’Itsundzu », explique Ibrahim Abdourazak Razida sous le ton de la plainte. Et il ajoute : « S’agissant du rassemblement pacifique de nos camarades que le régime du premier des Comoriens et des Comoriennes, Azali est en train de spolier de leurs droits, il ne s’est rien passé à Ajao au commencement. Notre démonstration de force a été dispersée sans ménagements par la police, Youssouf Mohamed Boina et moi-même, nous nous sommes montrés sur les lieux. Et là ces soudards ont gazé toute personne qui allait vers les quartiers Mangani et Magudjuwu et la route qui mène au foyer des femmes de Moroni », explique Razida.
Le plan C
Longtemps traités avec rudesse et brutalité, puis poussés dans leurs derniers retranchements, les opposants ont joué leur dernière carte du rassemblement de masse en appliquant leur plan C inconnu des services de la police. Ils décident de se replier à Mkazi sur les hauteurs de Moroni. Une manifestation improvisée dans cette ville a réuni jeunes, femmes et ce qui reste des leaders de l’opposition après deux ans d’exils réguliers vers la France et Mayotte.
Dans les prises de parole d’un Razida, d’un Youssouf Mohamed Boina ou encore d’un Ahmed Barwane, aucun moment, pas question de minimiser les responsabilités et les faits dans le bilan de 5 ans d’Azali Assoumani.
Tour à tour, les opposants ont déballé sur la place publique comment le régime en place a trahi les espoirs, les désirs et les aspirations politiques de tout un peuple depuis 2016.
« Je mets au défi quiconque dans ce régime de museler ma liberté de parler et de sortir. Je mets au défi quiconque dans ce gouvernement de me tabasser. Je mets au défi quiconque dans ce régime de m’incarcérer. Vous ne pouvez pas m’attraper dans vos filets », a lancé en guise de propos liminaires l’ancien ministre Youssouf Mohamed Boina qui, dans son sillage a été appuyé dans sa position par Razida.
« Entre mensonges et manipulations Azali, joue un jeu dangereux… Pour que les rêves et les espoirs de tout un peuple ne soient pas trahis, nous devons dire la vérité. Comment un président qui n’a pas mis une murette à l’École nationale d’enseignement Supérieur de Mvouni, peut nous mentir en disant qu’il a construit l’Université de Comores ? », a recadré le porte-parole de l’opposition Ibrahim Abdourazak avant de préciser le fond de sa pensée.
« Voilà un président qui se plait à se prévaloir des mérites qui reviennent à quelqu’un d’autre. Pour dire la vérité, l’ENES a été créée sous le régime de feu président Ahmed Abdallah. Azali se pare des plumes du paon quand il soutient mordicus qu’il est l’artisan de l’ENES. Tout comme il se croit « propriétaire du pays » en changeant la République fédérale islamique des Comores par l’appellation « Union des Comores », a-t-il accusé lors de ces prises de parole enflammées en plein air du Front Commun.
Et pendant ce temps, les pro-gouvernementaux fêtaient les « 2 ans » de présidence d’Azali Assoumani au Palais présidentiel de Beit-Salam.