400 Comoriens à Dar es Salam
Après la fermeture des frontières comoriennes, plus de 400 Comoriens sont livrés à eux-mêmes en Tanzanie. Malades, commerçants, jeunes, adultes, des gamins, des femmes enceintes… trainent dans la capitale de la Tanzanie, Dar es Salam, abandonnés par leur gouvernement. Ils demandent leur rapatriement depuis une semaine, en vain. Par Ali Mbaé (Dar es Salam)
L’État comorien n’a proposé aucune solution pour le moment. Les Comores ne leur ouvrent toujours pas les portes. C’est le seul pays au monde qui refuse le retour de ses ressortissants depuis le début de la menace mondiale de l’épidémie Coronavirus. Cela n’est autre que le fruit d’une diplomatie boiteuse et qui fait semblant d’ignorer la définition même de ce mot, « diplomatie », car enlever à un compatriote son droit de retourner chez lui, le laisser en danger dans un pays étranger c’est un signe fort qui montre la réalité d’un pays où l’on ignore les principes, et même les droits d’un citoyen.
Pourquoi a-t-il autant des Comoriens à rapatrier ?
Deux pays deviennent ces derniers temps les hauts-lieux du commerce pour les Comoriens : la Chine et la Tanzanie. La situation qui prévaut actuellement en Chine a fait que la seule destination qui semblait possible est la Tanzanie, même si certains en plus petit nombre se rendent aussi à Dubaï.
Les Comoriens se rendent en Tanzanie parce que le virus n’était pas répandu dans ce pays de l’Afrique et ensuite c’est un pays très proche géographiquement et historiquement des Comores. Ils peuvent bénéficier de billets d’avion moins chers par rapport à d’autres pays d’Afrique : « Habituellement je vais en Chine à l’approche du ramadan. Mais, comme c’est devenu risqué de s’y rendre, j’ai préféré venir en Tanzanie. Je ne pouvais pas rester les bras croisés. Je n’allais pas trouver de quoi nourrir mes enfants, ma femme et mes parents. Je devais passer seulement sept jours ici. Malheureusement, le gouvernement nous a surpris et nous a imposé d’y rester. C’est déplorable. Ils doivent nous rapatrier le plus vite possible, car c’est de leur faute si nous sommes ici » déplore Ahmed Said, âgé de 42 ans et père de trois garçons et deux filles.
Sans logements, devant la porte de l’ambassade des Comores en Tanzanie
Plus de 25 Comoriens parmi ceux qui n’ont pas de solution de logement en Tanzanie se sont rendus à l’ambassade des Comores. Ils sont livrés à eux-mêmes. La majorité d’entre eux sont des malades venus en soins dans le pays et des commerçants. Ils n’ont même pas de quoi manger. Ils demandent leur rapatriement. Ils veulent retourner au pays et retrouver leurs familles. Malheureusement pour eux, les bureaux de l’ambassadeur étaient fermés à leur arrivée (13 heures). Ils dorment sur des nattes placées à même le sol. Le gouvernement est démissionnaire. Jusqu’alors, il les a négligés.
Rappelons que plus de 300 Comoriens sont coincés à Dar es Salam depuis la fermeture des frontières. Certains devaient prendre le chemin du retour le mardi et le jeudi dernier, mais les incohérences des notes de l’aviation les ont clouées dans la capitale tanzanienne.
Incompétences et incohérences, ces Comoriens payent le prix
« Au vu de la situation de plus en plus préoccupante liée à la propagation du Coronavirus dans notre région, les vols en provenance d’Air Tanzanie, la Réunion et Mayotte sont suspendus exception faite des vols cargo et humanitaires. Ces mesures sont applicables sur toute l’étendue du territoire comorien à partir du 25 mars 2020 », disait une note circulaire de l’Agence nationale de l’aviation civile. Ce communiqué avait créé la panique chez les voyageurs comoriens. Tout le monde (y compris ceux qui étaient arrivés la semaine même) s’est précipité d’abord pour changer le billet de retour et faire les courses très vite pour pouvoir rentrer le mardi 24 mars, seul jour où devait avoir lieu le seul et dernier vol pour Moroni. Jusqu’au lundi, tout semblait normal. À 13 heures, les passagers découvrent une autre note qui contredisait la circulaire. À moins de 2 heures du départ vers les Comores, l’ANACM a changé de position et fermé brusquement et brutalement toutes les frontières, y compris aux ressortissants comoriens : « Dans le cadre de la crise sanitaire due au Covid19, l’Union des Comores suspend la desserte de ses aéroports aux vols commerciaux internationaux, à l’exception des vols cargo. Ces mesures sont applicables sur l’étendue du territoire comorien à partir de ce jour, 23 mars ». Du jamais vu. Un bouleversement. Les commerçants qui avaient épuisé leurs moyens financiers en se préparant à quitter la Tanzanie vers 15 heures se sont retrouvés les mains vides, sans moyens financiers et livrés à eux-mêmes.
Des Comoriens dorment dans les rues
Face à cette difficile épreuve, ces Comoriens se sont rendus au siège de l’ambassade des Comores en Tanzanie. Assis sur des nattes posées sur le sol, certains n’ont rien à manger. L’entraide entre compatriotes leur permet de tenir. D’autres trainent dans les rues. Incapables de payer les frais, ils ont été renvoyés de leurs hôtels. Le gouvernement comorien enchaîne les fausses promesses et les mensonges : « Les Comoriens bloqués à l’extérieur seront rapatriés », avait annoncé en début de semaine le porte-parole de Beit-Salam, Mohamed Issimaila. Depuis, il n’y a eu aucune avancée.