NourdineMbae est un des activistes de la société civile comorienne qui depuis des mois manifestent contre le régime en place aux Comores. Il a fait partie de ceux qui ont occupé l’Ambassade des Comores en France et il a participé récemment aux manifestations contre la présence des membres du gouvernement comorien en France. Propos recueillis par Mahmoud Ibrahime
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Masiwa – La diaspora comorienne en région parisienne a réservé un accueil mouvementé à la délégation gouvernementale comorienne en visite officielle. Pourquoi ?
NourdineMbae –Il nous a semblé pertinent de matérialiser nos propos dans l’action. Depuis le 28 mars de cette année, cette date où certains parmi nous se sont introduits dans les locaux de notre ambassade à Paris contre le vol électoral sur lequel M. Azali Assoumani appuie et pérennise sa dictature, nous avons constaté une mobilisation des énergies patriotiques, rarement vue dans notre communauté. Marseille a aussitôt emboîté le pas de notre mécontentement légitime. D’autres agglomérations de la France métropolitaine et ailleurs ont suivi, je pense particulièrement à l’île de la Réunion et aux étudiants comoriens du Sénégal. Je rappelle que nous comptabilisons plus de 17 semaines que nous manifestons. Nous n’avons pas eu de réponse de la part des illégitimes qui accaparent le pouvoir de l’exécutif à Moroni. Nous faisons face à une surdité politique. Le rare moment où M. Azali a pris la parole sur le sujet, il était dans le registre du mépris du peuple, de l’arrogance, voire de l’insulte à notre égard. Et donc, son arrivée en France était l’occasion de lui faire comprendre notre indignation républicaine. Il n’a pu s’extirper que grâce à la sécurité française et son choix de se cacher loin de la population franco-comorienne. D’autres sources avouent d’ailleurs qu’il a écourté son séjour, initialement prévu jusqu’au 2 août.
Masiwa – Est-ce qu’il sert encore de manifester en France en sachant que le président français a reconnu Azali comme président et l’accueille même à l’Élysée ?
NourdineMbae–M. Macron ne détient pas la souveraineté du peuple des Comores. La question me semble indécente. Je rappelle que nous sommes encore dans le mois de notre indépendance, celle-ci ayant été arrachée unilatéralement le 6 juillet 1975, 44 ans ! L’accueil dont vous faites allusion est une supercherie dont les acteurs se trahissent chacun dans son rôle. Le président Macron dans l’approche gaullienne défend « les intérêts de la France ». Ce faisant, il trahit les idéaux de cette France de 1789 et de la Déclaration des droits de l’homme, mettant au-devant des intérêts stratégiques dans cette zone de l’océan. Le document signé entre M. Le Drian et Amine Souef porte hélas les attributs d’un néocolonialisme flagrant. Je ne citerais pas le projet d’installer un radar à Anjouan et la présence d’experts français dans nos ministères pour piloter notre pays contre « l’immigration illégale vers Mayotte ». Et puis, M. Azali en quête d’une reconnaissance de son pouvoir usurpé dans les urnes avance, tête baissée, prêt à tout livrer, dans une démarche cette fois de sauvetage de son pouvoir familial et non des intérêts des Comores. M. Macron ne doit pas oublier que le menteur dictateur de Moroni ne va pas soudainement être « l’honnête homme » du respect de la parole donnée. Nous avons décidé à porter la résistance contre le népotisme et la dictature et cela prendra le temps qu’il faudra. Mais, nous devons libérer notre pays.
Masiwa – Qu’est-ce qui vous gêne dans cet accord ?
NourdineMbae –C’est un accord de désaccords. Même, Amine Souef s’est trahi sur le plateau de TV5-Monde, en refusant le terme de « immigration illégale », or dans le document qu’il a signé, ce terme est écrit, noir sur blanc, je cite : ” L’ Union des Comores s’engage en particulier ( …) à déployer dans les meilleurs délais (…) sa flottille(…) entre Anjouan et Mayotte en vue de contrôler les mouvements en direction de Mayotte et à démanteler (…) les kwasa dont les activités concourent à L’IMMIGRATION ILLÉGALE “. Je l’ esquissais déjà ci haut que cet accord transpire la supercherie dans le fond et la forme. C’est au fond un document d’imposture où chacun voulait sauver sa posture. Au bout du compte, c’est le Maorais de base le premier dupé et j’ai envie de lui dire ceci : tant que Moroni est dans la dictature et le népotisme, Mayotte ne sera pas en paix. En effet, elle sera la base arrière d’accueil de toutes les victimes d’Azali.
D’où la nécessité d’aider à le faire chuter et non à le légitimer dans une démarche à impasse.
Masiwa – Que veut la diaspora, après 18 semaines de manifs ?
NourdineMbae –Notre demande est claire, dès le départ. Nous refusons la bêtise électorale du 24 mars. Cela veut dire qu’il y a illégitimité du pouvoir et donc pour en sortir, il faut s’assoir autrement, sans arrogance ni arme, dans un souci de transition vers la République que nous voulons. Ce faisant, notre démarche est plus profonde pour abattre ce système. Cette République doit passer par une constitution. Sur ce point, j’ai envie d’anticiper sur ceux et celles, politiciens, qui nous collent des personnalités pour être nos leaders, tantôt Hassani Hamadi, tantôt Mouigni Baraka, tantôt Soilih Mohamed Soilih et que sais-je encore ! Notre leader porte sur les idées et non les personnes. Il est constitutionnel. Nous aspirons à une constitution qui puisse maintenir la tournante, en la dépouillant de son régime présidentialiste, pour un pouvoir parlementaire dans un État unitaire où une relative autonomie des îles sera possible. Cela voudrait dire que les grandes décisions seront prises au parlement.
Masiwa – Est-ce que la réception d’Azali à l’Élysée ne va pas décourager les militants qui manifestent tous les week-ends ?
NourdineMbae –Non, je ne crois pas. Nous n’avons pas attendu les encouragements du Président Macron pour manifester. C’est un désir profond des Franco-Comoriens pour un vrai changement. Moi, je commence à être admiratif de mon peuple. Longtemps, il se contentait du peu, au point qu’il ne voulait même pas se faire voir, comme s’il craignait de troubler la tranquillité du voisinage ou la paix comme nous le proclame Azali, tout en cadenassant les libertés individuelles. Aujourd’hui, le Franco-Comorien bouge, agit, revendique et propose. On n’oublie pas d’ailleurs qu’ il finançait déjà des projets de développement dans ses agglomérations d’origine, des écoles, des routes, des hôpitaux… C’est comme si, soudainement, il a compris où réside le grand problème, c’est à dire la paresse des hommes en responsabilité. Une paresse aggravée par le népotisme et une économie de rapine. Mais bon, si on voulait encore des encouragements de M. Macron, on peut se rappeler que dans sa conférence au côté de M. Azali, il n’a pas manqué de faire la morale à l’ingratitude de son homologue au sujet du dynamisme économique de sa diaspora installée en France pour le développement du pays d’origine.
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