La troisième semaine de campagne a été très difficile pour le Président-candidat, Azali Assoumani et son parti CRC. Dans certaines localités, ils ont été pris à partie, hués, insultés et ont dû même rebrousser chemin dans certaines d’entre elles. Aucun autre candidat n’a été interdit dans une ville ou village au cours de cette campagne. Mais, les partisans de la CRC continuent à affirmer qu’il est aimé partout, pour préparer les consciences à accepter une victoire dès le premier tour.
Par MiB
Pendant la troisième semaine de campagne, le parti CRC a fait la démonstration de sa capacité à mobiliser les finances de l’État et les fonctionnaires dans des tours qu’ils ont appelé la caravane de la CRC, à Ngazidja et à Anjouan. Mais, plus on avance dans la campagne et plus les Comoriens révèlent la haine qu’ils ont d’un gouvernement qui a les pleins pouvoirs depuis 2016, mais qui a été incapable de réduire la misère et les problèmes essentiels des Comoriens (eau, électricité, éducation, santé, justice…).
Certaines villes et villages ont laissé éclater leur colère en avançant des arguments divers, mais qui se trouvent résumés presqu’à chaque fois dans le mot « délaissement ». Le sentiment que le gouvernement est loin et n’a rien fait pour eux. Ces mouvements sont souvent menés par des jeunes, et ce n’est pas étonnant quand on se rappelle qu’en 2016, le candidat Azali avait promis : « Un jeune = un emploi ». Et que dès son investiture, il a commencé à licencier des jeunes de la fonction publique.
La CRC huée et chassée
Symboliquement, c’est dans la ville de Koki, qui abrite la prison d’Anjouan, que les habitants ont commencé à rejeter les militants de la CRC le 27 décembre. Ils ont été coursés et hués jusqu’à la sortie de la ville. C’était inimaginable il y a encore quelques jours tant Azali semblait contrôler l’île par la peur.
À la Grande-Comore, quelques jours plus tard, le 4 décembre, les militants de la CRC pris à partie doivent quitter précipitamment la ville d’Ouzio, dans la région de Mitsamihuli. Le député de la circonscription, Baco Ahamada, transfuge du parti RIDJA, qui a rejoint le camp d’Azali depuis les dernières législatives, faisait partie de la délégation. Dans des images diffusées dans les réseaux sociaux, on le voit crispé dans sa voiture, en train de faire une manœuvre pour fuir sous les insultes des gens du village.
Le lendemain, c’est à Chezani que le chef de l’État fait face à une population hostile qui refuse de le voir faire un meeting dans la ville, comme ses partisans l’ont imaginé et préparé. La veille, à partir de la France, des notables de la région et de la ville, chef-lieu de la région du Mboinkou, avaient pourtant prévenu le candidat Azali qu’il ne fallait pas qu’il aille faire campagne chez eux. Selon un témoin, Azali est entré dans la mosquée pour la prière de vendredi, et immédiatement, les jeunes sont sortis en hurlant des insultes contre lui et la délégation de la CRC. De grosses pierres jonchaient les rues et dans les images diffusées dans les réseaux sociaux, les forces de l’ordre étaient présentes pour ouvrir les chemins au chef de l’État. Azali a dû quitter rapidement Chezani, en constatant qu’une majorité nette de la population refusait sa présence en criant « Azali Nalawe » (« Qu’Azali dégage »). Les membres de la CRC locale ont été hués, les T-shirts et effigies du candidat Azali ont été jetés à terre et brulés.
Le même jour, à moins de 30 km de là sur la RN3, à Koimbani, c’est le ministre de la Justice, Djaé Ahamada, originaire de la ville, qui est hué par quelques individus, à la sortie de la mosquée.
La caravane ne passe pas par Mkazi et Mvouni
À la Grande-Comore, deux villes importantes de la région de Bambao cristallisent cette opposition : Mkazi et Mvouni. Mkazi, c’est la ville du Secrétaire général du Gouvernement, Dr Daniel Ali Bandar, nommé par Azali le 30 août 2021 et qui depuis ne jure que par son bienfaiteur. Mais, Mkazi, c’est aussi la ville de Youssouf Mohamed Boina, un prédicateur entré en politique il y a quelques années et qui est aujourd’hui l’un des opposants sérieux à Azali Assoumani. Lorsqu’il y a deux ans, des habitants de la ville ont hué Azali à la sortie de la mosquée de Mkazi, c’est naturellement lui qui a été accusé de les avoir préparés. Lorsque dimanche dernier des jeunes de la ville ont saboté le meeting prévu par la CRC et dans lequel devaient apparaître leurs candidats, c’est encore lui qui est accusé. Même, s’il ne fait pas campagne et qu’il organise une manifestation à Moroni demain pour défendre le boycott d’élections dont il est persuadé qu’elles seront encore une fois fraudées par le pouvoir en place. Ce dimanche le village de Mkazi est entré dans le cercle des villes qui ont empêché la CRC et Azali de faire campagne. Et les jeunes n’ont pas hésité à menacer les partisans, qui par ailleurs semblaient nombreux sur le terrain. Il faut savoir que le Secrétaire général du gouvernement a été envoyé en France pendant quelques jours pour convaincre les ressortissants de la ville que pour l’avenir de leurs enfants, il fallait maintenir au pouvoir celui qui l’a nommé lui. Et il est revenu dans sa ville avec au moins un membre de la diaspora de la ville qui était sur le terrain ce dimanche avec les partisans de la CRC.
La caravane de la CRC avait prévu qu’après Mkazi, elle passerait dans la ville de Mvuni. Or les habitants de la ville, particulièrement les jeunes, avaient prévenu depuis quelques jours qu’ils ne souhaitaient pas la venue de la CRC ni d’Azali dans leur ville. Ils avaient même déclaré que tous les candidats pouvaient venir faire campagne, sauf Azali.
Plus on se rapprochait du jour du meeting dimanche 7 janvier, plus les jeunes de la ville sont devenus menaçants. Ils ont prévenu que toute personne qui entrerait dans la ville pour soutenir Azali, ils ne répondraient pas de sa sécurité. Ils ont fait le tour de la ville en appelant la population à ne pas accepter la venue d’Azali. Cette fois, les Azalistes ont fait reporter la faute sur Saïd Ali Chayhane dont la candidature a été écartée par la Cour Suprême et l’intéressé a laissé entendre que c’est sur demande du chef de l’État. Et effectivement, c’est une des causes avancées par les jeunes de Mvouni. Des jeunes en foulards rouges circulaient dans la ville pour montrer leur force. Mais, après les incidents de Mkazi, la CRC a dû renoncer au meeting de Mvouni, conscients du danger qu’ils encourraient.
Une campagne à un seul tour ?
À Mbeni, le chef-lieu de la région du Hamahame, même si le chef de l’État a des partisans, la caravane de la CRC n’a même pas envisagé d’y mettre les pieds. Les notables de la ville ont aussi prévenu, en présence d’autres notables de l’île qu’ils ne voulaient pas voir Azali et sa caravane venir y faire campagne. La ville avait déjà hué le chef de l’État à l’occasion de l’enterrement d’un ancien ministre, il y a quelques années. Elle a aussi connu un blocus de l’armée pendant une semaine et de nombreux blessés à balles réelles.
Dans d’autres villes et régions, les opposants à Azali se sont entendus avec ses partisans pour ne pas qu’ils essaient d’organiser un meeting CRC. Il n’y a pas eu de bruits, Azali ne s’y est pas rendu.
Aucun autre candidat n’a connu ce que connait le président-candidat. Tous les autres sont accueillis partout, sans aucun problème. Et pourtant, à l’image de Daniel Ali Bandar, les partisans d’Azali minimisent ces actions menées dans certaines villes contre eux. Pour la direction de campagne de la CRC, Azali reste populaire.
En réalité, ils se rendent compte qu’il y a de vrais problèmes, que dans plusieurs villes où ils sont chassés, ils ont des gens dans le pouvoir et pourtant les gens ne les aiment pas. Ils sont épuisés et attendent la fin de la campagne avec impatience. Il est certain qu’ils ne pourront pas faire un mois supplémentaire de campagne. D’où la volonté de raccourcir le processus électoral en le limitant à un seul tour. Et il faut entrer dans l’esprit de tout Comorien qu’un Gwadzima (un seul tour) en faveur d’Azali est possible. Il reste à savoir comment ils pourront faire accepter que malgré l’accueil qu’ils reçoivent dans le pays profond et les exploits de leurs adversaires, Azali puisse obtenir plus de 50% dès le premier tour.