Mahamoud Bachirou a illuminé l’Alliance franco-comorienne lors du « Café littéraire » consacré à sa pièce de théâtre intitulée « Amane » (Éditions +), le 12 mai.
Par Hachim Mohamed
L’auteur, natif de Tsinimoichongo dans le Badjini a fait la présentation de son livre devant un public nombreux, composé notamment des siens qui ont répondu présents. Son père, à qui la pièce de théâtre est dédicacée, était présent. Le jeune dramaturge a livré une histoire vécue, agrémentée d’anecdotes et de détails amusants ou croustillants qui permettent de mieux comprendre les « racines » du livre.
Superbement construit, le récit de Mahamoud Bachirou met en scène des personnages et des événements qui oscillent entre le passé (un villageois qui s’est installé dans la capitale) et le présent (un personnage de la scène du Slam).
Le contact entre l’auteur et son public fut chaleureux. Pendant la séance aux questions, l’écrivain a raconté avec beaucoup de sympathie des situations de tous les jours, avec finesse et sensibilité.
Quand Mahamoud Bachirou a évoqué son parcours, c’était comme parler d’un jour sans nouvelle, sans échange. Il a évoqué son enfance à Moroni loin de ses parents, son séjour à Madagascar pour ses études et les retrouvailles émouvantes avec son père. Des moments inoubliables et magiques. Un instant hors du temps, unique, dirait le poète.
Le jeune dramaturge a joui d’une belle complicité avec son père
Élève en CP1 à l’ancienne école primaire publique de Tsinimoichongo, sa famille l’a fait venir à Moroni en 2003 où il a intégré, à 11 ans, le Groupe Scolaire Avenir dès la classe de CM1. Dans cet établissement, le jeune Mahamoud Bachirou a poursuivi son parcours scolaire jusqu’à l’obtention de son Bac D avec mention Assez-Bien.
Passionné de slam et membre du collectif Art de la plume, ce que Mahmoud a raconté à l’époque au sujet de certains épisodes de sa vie ou de la vie de son père, donnait l’impression aux siens et autres compatriotes d’assister à une espèce de présentation d’une pièce dans la pièce, à du théâtre dans le théâtre.
Pendant les vacances, quand il revenait au village, son père lui faisait un « procès » à cause de ce qu’il apprenait à l’école dans la capitale. « À ma grand-surprise, quand je lui montrais les cahiers où j’écrivais ce que j’avais appris, il me faisait des reproches, car il estimait que les connaissances c’est dans le cerveau, mais pas en brandissant les cahiers ! », expliqua-t-il. Le paradoxe souligné par Mahamoud Bachirou c’est que son père, Bachirou Mlamali, qui a fait le choix de s’éloigner de lui, en classe de CM1, est un illettré. Et contre toute attente, c’est grâce à lui qu’il s’est épris de la lecture et qui a abouti à cette envie d’écrire un livre plus tard.
Adolescent, Mahamoud Bachirou a joui d’une belle complicité tissée entre lui et son père illettré. À tel point qu’après quelques retrouvailles pendant les vacances, celui-ci demandait à chaque fois à son fils de lui raconter les histoires des bandes dessinées ramenées de Moroni. C’est ainsi qu’il se faisait un point d’honneur de lire pour son père les BD.
Le récit de la genèse du livre
Bachelier en 2011, Mahamoud Bachirou a quitté le pays pour poursuivre ses études supérieures à Madagascar, plus précisément dans un institut professionnel de Gestion comptable et financière. Il en sort en 2017 avec un Master 2 en Management des Entreprises et Banques.
Avant d’arriver à la littérature, il fut enseignant de mathématiques, pendant trois ans. Ce n’est qu’en 2021 que l’idée d’écrire lui a traversé l’esprit.
Slameur, habitué à partager certains de ses textes sur des scènes libres un peu partout aux côtés du collectif « Art de la Plume » et qui voulait que cette passion de la poésie urbaine soit incrustée sur papier et sur scène, Mahamoud Bachirou a décidé après un séjour de deux ans en Tanzanie de changer résolument de braquet en signant la pièce de théâtre « Amane ».
À la question d’un poète congolais, Cédric Mountembe, qui lui demandait pourquoi il a écrit ce livre, il a répondu : « Je n’écris pas pour être écrivain. J’écris pour vivre, partager ce que j’ai à dire. Et c’est en écrivant et en lisant qu’on devient un jour un auteur ».
Un coup de cœur
Si la sortie officielle de cette pièce mérite à coup sûr la mention de « coup de cœur », elle est aussi émaillée de quelques saillies vives et franches qui partaient de la bouche comme des fusées dans la dernière phase de la cérémonie.
C’est le cas quand le poète et photographe Mab Elhad a recadré un slameur qui reprochait à l’auteur Mohmoud Bachirou de publier un livre dans un pays où il y a peu de lecteurs. Mab Elhad a affirmé que si on lisait plus avant que de nos jours, c’est qu’auparavant, dans l’enseignement, on obligeait les élèves à lire un livre et en faire un compte-rendu à leurs enseignants. Pour lui, il faut remettre au gout du jour cette politique de lecture dans les établissements scolaires.
Interrogé sur les difficultés de se faire éditer aux Comores par un compatriote du même village, Mounawar Ibrahim, lui-même romancier publié aux Éditions Coelacanthe, le jeune dramaturge a répondu que sa chance est d’avoir connu le directeur des éditions +. Et une fois son manuscrit sélectionné parmi deux autres, Mahamoud Bachirou a ainsi collaboré pendant quelques mois avec les membres du comité de lecture, pour la correction du texte.
Hachim Mohamed