Le secteur de la protection du patrimoine national matériel et immatériel protégé est appelé à connaître une totale restructuration dans le cadre du projet d’un « Tour opérateur du tourisme halal » aux Comores. L’exemple patent a été donné dans une conférence par un jeune doctorant, Abdourahmane Ali, qui a livré à Ntsaweni le 5 juillet dernier un exposé qui avait pour thème « La position géostratégique et historique de Ntsaweni dans le développement du tourisme halal aux Comores. »
Hachim Mohamed
Avant le début de la conférence, Youssouf Dhoiffir Mohamed Soilihi, la cheville ouvrière du projet de « Tour Operateur en Tourisme Halal », a fait entrer le public par une porte voûtée servant de passage dans la circulation de l’information sur les produits touristiques. Selon les indiscrétions historiques, en marchant sur cette voie, on peut entrer dans le connu et l’inconnu, le passé et le futur, la lumière et les ténèbres de la connaissance scientifique. L’expert a commencé par une boutade : « Savez-vous quel est le personnage de Ntsaweeni qui a pu tenir tête à feu le président Saïd Mohamed Cheikh ? Eh bien, il s’appelle Soidik Hadji et il vient de cette ville mythique. Et je sais qu’il y a des gens ici qui ne savent pas l’histoire de cet officier considéré comme l’un des patrimoines humains des Comores. »
Selon le modérateur des joutes intellectuelles, Soulemane Mze Mchinda, Ntsaweni est une ville qui dispose d’un patrimoine historique et culturel exceptionnel qu’une génération à l’âge heureux de la confiance et de l’espoir s’attache à préserver et à valoriser.
Convaincu par l’idée que l’attrait de la jeune génération pour les fouilles archéologiques est incontestable, Soulemane Mze Mchinda est persuadé que les passionnés des cultures ancestrales ne pourront pas rater la visite du site Tsendza Daradju, l’observation des dauphins et des mangroves ou s’extasier devant le mausolée de Mtswamwindza et Mohamed ibn Uthman ou s’arrêter devant la somptueuse mosquée de Djumbé Fumu ou encore le coin des dauphins.
Sur la base d’une description ethnographique, contextualisée et très intéressante de Ntsaweni et de photos projetées en PowerPoint sur un mur, le modérateur a démontré à quel point la ville mythique tient une place essentielle dans le patrimoine bâti et la culture vivante des Comores.
Ntsaweni, une position géostratégique du tourisme comorien
La prise de parole du doctorant Abdourahmane Ali a été perçue par le public, constitué majoritairement de collégiens et de lycéens comme un combat pour la sauvegarde d’un patrimoine inestimable, passé au second rang des préoccupations gouvernementales.
Situé sur la côte nord-ouest de la Grande-Comore dans la région de Mbude, Ntsaweni en est aussi le chef-lieu. La ville se trouve à mi-chemin entre l’aéroport international des Comores et la ville de Mistsamihuli.
Le jeune doctorant a passé en revue les témoignages archéologiques qui font que Ntsaweni fait incontestablement partie des cités comoriennes historiquement plus connues. Abdourahmane Ali a évoqué et fait la promotion de ces sites enfouis sous les sables, témoins de cultures oubliées ou méconnues.
« Dommage qu’il manque cruellement dans notre ville diverses mesures fiscales qui favorisent soit la préservation du patrimoine culturel soit sa mise en valeur et sa diffusion. À mon sens, Mbude Mdjini, Boni ou encore le mausolée de Mtswamwindza sont des perles de sites à admirer comme des paysages ou à visiter comme des musées. », a expliqué le doctorant qui déplore par ailleurs l’insalubrité par l’absence d’assainissement de ces lieux à « produit touristique » rentabilisable, en faisant payer la visite aux touristes dans la ville de Ntsaweni.
La forme du tourisme conforme avec les règles de l’islam
S’appuyant sur le « credo halal » qui désigne ce qui est « permis », ce qui est « licite » au regard de la loi islamique (la sharia), le tourisme culturel doit être compatible avec le respect des traditions de la population et le respect des sites et monuments visités, selon Abdourahmane Ali.
À écouter les explications du jeune doctorant, du point de vue économique, le tourisme halal, parfois appelé muslim friendly ou tourisme islamique, est un type de tourisme de niche commercialisé auprès des musulmans. Pour lui, le « credo halal » ramène la pratique du voyage à une forme de tourisme qui propose des offres et des activités spécifiques à cette clientèle, leur garantissant une conformité avec les règles de l’islam.
À la question d’un jeune de la ville qui demandait si les Comores pratiquent le tourisme halal, Abdourahmane Ali a été formel pour dire que le pays ne fait pas partie de ceux qui ont adopté ce label. Toutefois, le doctorant avait interrogé le ministre de l’Environnement, Houmed Msaidié, dans le cadre de ses recherches. Celui-ci lui avait fait miroiter une possible adhésion, dans un « rêve d’avenir ».
Notre compatriote qui va soutenir sa thèse de doctorat à Sakarya Uygulamalı bilimler Üniversitesi, en Turquie (deuxième pays dans le classement mondial des pays membres du « credo halal ») s’est rendu compte après enquête sur le terrain qu’aux Comores, il n’y a que trois hôtels dans les trois îles indépendantes (un dans chaque île) qui ne vendent pas de l’alcool.
Mohamed Ahmada Ali, le sage prêt à servir l’idée
S’il y a une personne parmi les plus distinguées au cours de cette conférence, c’est l’ancien enseignant Mohamed Ahamada Ali dit Fundi Mli. Il se veut être la rampe de lancement du Tour Operateur pour le tourisme Halal à Ntsaweni et au-delà dans l’archipel des Comores. Sincère et touchant lors de sa prise de parole, le sage se dessinait en filigrane. Il représente ce que l’expert en tourisme Youssouf Dhoiffir Mohamed Soilihi pense de ce « projet » à même de bousculer les carcans familiaux, sociaux et traditionnels qui empêchent les habitants de vivre culturellement leur vie.
À en croire Fundi Mli, Ntsaweni regorge de compatriotes docteurs, mais la population ne les connaît pas dans la mesure où ils n’organisent pas de conférences pour mettre leurs connaissances et savoir-faire au service des habitants.