Octobre est désormais le mois de mobilisation contre le cancer du sein. Au niveau mondial, la sensibilisation contre cette maladie qui atteint des milliers de femmes est symbolisée par le ruban rose, durant le dixième mois de l’année. Dans tous les pays, les professionnels de santé, des ONG et différentes associations attirent l’attention sur cette maladie en organisant des conférences-débats, des séminaires et des actions de mobilisation. Masiwa s’est entretenu avec Zahara ABDALLAH, présidente de l’Association Comorienne contre le Cancer chez la Femme (ACCF). Propos recueillis par Natidja HAMIDOU
Masiwa – Quelles sont les activités que vous avez prévues pour « Octobre rose » ?
Zahara Abdallah – Plusieurs activités ont été programmées pour « Octobre rose » 2021. Il y a eu un débat radiotélévisé le 30 septembre qui a été animé par Dr Hissani Abdou Bacar, responsable de la santé de la mère et de l’enfant à l’OMS, membre de l’ACCF, Dr Rahia ABDOU Soilih, gynécologue au centre de santé de Mitsudjé et Moinaécha Sultan, secrétaire générale de l’ACCF en vue de sensibiliser la population pour « Octobre Rose ». Le 2 octobre, nous avons fait une conférence de presse d’ouverture des activités, suivi d’une caravane de sensibilisation composée de motards, de voitures et de cars qui ont fait le tour de la capitale. Nous avons négocié pour que du 5 octobre au 5 novembre, le prix de la mammographie soit réduit au centre d’imagerie (CIM) chez Dr Saidi Soimihi à Moroni et chez Dr Kader Said Ali à Mutsamudu. À défaut d’une mammographie à Mohéli et dans la limite des dons reçus par les partenaires, l’ACCF prend en charge les frais des femmes qui se déplaceront vers Moroni. Il y a eu une journée sportive le 9 octobre au terrain de basket de l’Alliance française de Moroni. Plusieurs partenaires étaient présents notamment la Banque Centrale, la Banque de développement, l’École française, Telma/Telco et autres institutions… Nous faisons de la sensibilisation dans les villages et dans les institutions. Nous faisons également des conférences-débats trois fois par semaine. Elles sont animées par des représentants de la cellule de santé, des membres du bureau de l’association ainsi que des médecins. Le 16 et 17 Octobre sont deux jours de portes ouvertes et de bien être. Il y aura des séances de henné, coiffure et autres surprises avec la collaboration du Rotary club, de Telma et des institutions de beauté. Nous avons prévu de clôturer nos activités par une marche rose.
Masiwa – À combien évalue-t-on le nombre de femmes comoriennes touchées par le cancer ? Comment sont-elles prises en charge aux Comores ?
Zahara Abdallah – Il n’y a pas de statistiques officielles. Avant la mise en place de notre association, l’Union Comorienne Contre le cancer (UCCC) a réalisé une petite enquête rétrospective sur les cancers en 2009. Sur un échantillon de 495 patients, 54,16% des personnes atteintes avaient plus de 50 ans et 64,45 %, étaient des femmes avec 46,06% de cancers gynécologiques. Lors de la deuxième édition d’« Octobre Rose », en 2020, sur 404 mammographies, 84 tumeurs ont été découvertes dont 5 à fort potentiel de malignité.
Masiwa – Y a-t-il des médecins spécialisés pour le cancer de la femme dans notre pays ? Existe-t-il un centre spécialisé ?
Zahara Abdallah – Non, Il n’y a pas de médecins spécialisés pour le cancer de la femme aux Comores. Il n’y a pas non plus de centre spécialisé, donc pas de prise en charge des malades du cancer.
Masiwa – Qu’est-ce qui vous a motivé à créer l’ACCF ?
Zahara Abdallah – Une amie est tombée malade et elle n’a pas pu être diagnostiquée aux Comores. Une fois à l’étranger, elle a passé plusieurs examens qui ont révélé un cancer du sein. Elle m’a contactée pour l’aider à monter une association contre le cancer du sein. « Je ne souhaite pas que les femmes meurent d’un cancer du sein alors qu’on peut guérir si l’on est diagnostiqué à temps. Soyons solidaires, informons les femmes sur la maladie et sa prévention parce qu’il est inadmissible que la femme comorienne meure dans l’ignorance au troisième millénaire ». Très touchée par ses paroles et son expérience à travers la maladie, je n’ai pas hésité. J’ai contacté des amies, des proches et c’est comme ça que l’ACCF est née en 2017 pour lutter contre les cancers gynécologiques.
Masiwa – Quels sont les objectifs principaux de votre association ?
Zahara Abdallah – Notre objectif principal c’est combattre les cancers féminins et lever le tabou. Nos missions sont de sensibiliser et informer sur la maladie et puis faire de la prévention. Nous faisons également des plaidoyers auprès des autorités et des partenaires pour un cadre stratégique aux Comores sur lequel notre association pourrait s’appuyer pour réussir sa mission en tant qu’ONG. Ensuite, il est de notre devoir d’accompagner éventuellement des femmes malades, à leur demande, dans leurs démarches administratives pour l’évacuation sanitaire. Enfin, nous allons créer et renforcer le partenariat avec les personnes concourant aux mêmes objectifs. Nous apportons aussi un soutien psychologique aux femmes atteintes par la maladie quand les moyens le permettent.
Masiwa – Quelles sont les actions que l’ACCF a réalisées depuis sa création jusqu’ aujourd’hui ?
Zahara Abdallah – Avec l’appui de nos partenaires donateurs et sponsors, environ 460 femmes ont été dépistées lors des deux dernières années par une large mobilisation contre les cancers du sein. Deux cents femmes ont fait leur frottis. Des femmes témoignent sur leur cancer alors que jusqu’ ici c’était tabou. Il y a eu plusieurs interventions à la radio, à la télévision sur les cancers gynécologiques. L’ACCF appuie un étudiant comorien sur la réalisation d’une étude sur le « Dépistage et typage des HPV et épidémiologie moléculaire » en collaboration avec l’Université des Comores et la Faculté des Sciences de Rabat.
Masiwa – Quels sont les moyens à votre disposition pour la sensibilisation du cancer de la femme aux Comores ?
Zahara Abdallah – Les moyens dont nous disposons proviennent de nos droits d’adhésion, nos cotisations annuelles et surtout les financements de nos projets par nos partenaires et sponsors (PNUD, OMS, certaines entreprises privées et des dons anonymes).
Masiwa – Quels sont les besoins de l’association actuellement ?
Zahara Abdallah – Nous souhaitons d’abord acquérir un bâtiment et pouvoir installer une unité administrative. Nous aimerions créer un site web et mettre également en place un secrétariat permanent avec dotation de ressources matérielles. Nous avons besoin de mettre en place des antennes de l’ACCF au niveau d’Anjouan, Mohéli et dans la diaspora de France. Le renforcement des capacités des membres de l’ACCF est primordial. Il est nécessaire d’élaborer un projet de mobilisation des ressources auprès des partenaires et donateurs. En attendant l’ouverture d’un centre de dépistage des cancers avec un plateau technique approprié aux Comores, nous devons également élaborer un projet pour mettre en place une unité de dépistage et un plaidoyer pour la réactualisation de la convention bilatérale existante (Maurice et Comores), et pour d’autres conventions au niveau régional (Tanzanie et la Réunion).
Masiwa – Quel message voulez-vous transmettre aux femmes comoriennes ?
Zahara Abdallah – Une femme ne doit pas mourir d’un cancer gynécologique de nos jours. Le dépistage précoce peut sauver des vies parce que savoir c’est pouvoir agir. Une mammographie et un frottis tous les deux ans pour les plus de 50 ans et une consultation gynécologique annuelle à partir de 25 ans. La lutte contre le cancer est un combat souvent long et difficile. Garder le moral signifie que vous avez su affronter la situation nouvelle que vous êtes en train de vivre et ce n’est pas facile de trouver seule le bon équilibre. N’hésitez pas à demander de l’aide.
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