5 Milliards de dollars. C’est le montant des fonds que les autorités comoriennes souhaitent levés lors de la conférence des partenaires au développement des Comores qui se tient à Paris, les 2 et 3 décembre. C’est le grand rendez-vous de l’année. Et probablement celui du mandat du président Azali. Il suffit de constater tout le bruit médiatique entourant cet événement pour s’en convaincre. Après trois années à chanter et danser, un peu comme la cigale de la fable de La Fontaine, le président Azali Assoumani semble, enfin, se réveiller. Il part à la rencontre des magnats de la finance mondiale pour espérer les convaincre de venir investir dans l’archipel. Quels sont les stratégies et les arguments que vont déployés les tenants du pouvoir pour séduire de nouveaux investisseurs à venir dans nos îles ? Cette rencontre qui se tient sur fond d’un climat politique tendu dans l’archipel laisse dubitatifs un certain nombre d’observateurs. Par Faïssoili Abdou
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Accompagné par une forte délégation, le chef de l’Etat se trouve à Paris depuis ce vendredi 29 novembre dans le cadre de l’organisation de la « conférence des partenaires au développement des Comores » qui se tient dans la capitale française dimanche et lundi prochain. Un rendez-vous qui a fortement mobilisé le gouvernement dont certains de ses membres ont sillonné ces derniers mois les grandes capitales des pays d’Afrique, d’Europe et du Moyen Orient pour les inviter à prendre part à cette rencontre hautement économique visant à mobiliser les fonds nécessaires au financement du « Plan Comores émergent » (PCE) cher au président Azali. Ce document imaginé et élaboré avec l’aide des experts de la Banque mondiale, du Pnud et des experts locaux détaille « les idées phares, les projets d’envergure qui seront les moteurs de la transformation structurelle de notre économie qu’exige la voie de l’émergence », explique sobrement le président Azali sur le site web dédié à cette conférence.
Le Chef de l’Etat qui s’est longuement confié cette semaine à nos confrères de Jeune Afrique a développé les motivations qui soutiennent son projet. « Depuis 20 ans, les Comores jouissent d’une certaine stabilité politique. Cette stabilité doit être renforcée et, pour y parvenir, nous devons développer notre pays de manière durable et moderne, améliorer significativement la qualité de vie de la population, donner envie aux jeunes de s’inscrire dans un véritable projet national où ils puissent trouver des perspectives d’avenir. Après mon élection, j’ai clairement fixé le cap : Émergence des Comores en 2030. Et lors que j’ai rencontré le président Macron, en juillet, je lui ai demandé si nous pouvions organiser cette conférence à Paris pour réunir les Bailleurs de fonds-la Banque mondiale, la Bad, l’AFD, le Pnud notamment-et les opérateurs du secteur privé susceptibles de nous accompagner dans cette démarche. Il a tout de suite accepté, et je l’en remercie », a-t-il déclaré. Et de conclure très enthousiaste : « Nous sommes désormais très optimistes car nous connaissons notre potentiel ».
Un enthousiasme qui n’est, pourtant pas, partagé par tout le monde. A commencer par se adversaires politiques. « En réalité, ce qui intéresse Azali comme lors des Assises nationales qu’il avait détourné et manipulé, c’est de fermer les yeux de nos partenaires sur la situation de crise post-électorale et ses conséquences sur l’unité, la stabilité et la paix aux Comores », croit savoir Saïd Larifou, Vice-président du Conseil national de transition (Cnt), un organe politique mis en place au lendemain de la réélection contestée du président Azali en mars dernier. « Je suis comme l’écrasante majorité des Comoriens, qui sont fatigués et révoltés par les mensonges, les manœuvres et les tromperies d’Azali », a ajouté cet ancien candidat aux élections présidentielles. Le leader du Ridja poursuit : « La priorité pour les Comores est de parvenir à tenir une conférence internationale pour la paix et une vraie réconciliation nationale et une alternance. La conférence des partenaires ou des bailleurs sera alors impulsée par des autorités qui auront à la fois la légitimité politique et une adhésion de la classe politique et de la population, elle serait de ce fait inclusive ». L’avocat de formation s’interroge sur les « conditions et le cadre juridique dans lesquelles les apports des investisseurs et de nos partenaires pourraient être utilisés sans contrôle parlementaire et juridique sachant qu’Azali a délibérément empêché le vote des lois des finances depuis trois exercices ». Les forces politiques de la diaspora qui manifestent depuis 8 mois déjà dans les grandes villes de France menacent de boycotter cette conférence. Quoi qu’il en soit, le régime en place part avec un grand optimisme dans cette rencontre qui se tiendra dans les locaux de la Banque mondiale à Paris.
Dans un mémorandum publié le 13 novembre dernier, les deux syndicats patronaux du pays, le Modec et la Nouvelle Opaco, ont souhaité que le « secteur privé comorien puisse trouver toute sa place et jouer pleinement le rôle qui est le sien » dans cette conférence. « La réussite effective du PCE demande un changement de paradigme et une volonté réelle d’améliorer la gouvernance économique. Cela nécessite la mobilisation de l’ensemble des forces vives du pays, notamment les acteurs de l’économie réelle, pour participer de manière inclusive avec l’Etat à la réalisation des reformes structurelles nécessaires pour relancer les investissements et la croissance économique », ont-ils souligné. Les deux syndicats ont par ailleurs relevé « la perte totale de confiance du secteur privé envers le secteur public ». Une situation qui résulterait du « constat d’une volonté systématique des autorités de réduire le champ d’action du secteur privé national ». Réponse de Houmed Msaidie, ministre de l’économie dans les colonnes de la Gazette des Comores et Alwatwan . « Les investissements internationaux ne peuvent pas se réaliser aux Comores sans l’implication effective du secteur privé national. Il peut bien évidement prendre part à cette dynamique. Mais nous comptons bien le sensibiliser comme cela a été fait récemment en Afrique du sud où on a réuni le secteur privé local pour leur demander leur apport dans les cinq ans à venir dans les investissements du pays ». Un air de déjà entendu.
Après Maurice en 2005, avec ses 200 millions de dollars d’engagements de la part des partenaires au développement, Doha en 2010 et ses 540 millions de dollars de promesses dont les autorités comoriennes n’ont pu mobiliser qu’une infime partie des sommes promises , cette fois-ci le gouvernement a choisi de mettre la barre très haute. Les autorités de Moroni tablent sur un montant de près de 5 milliards de dollars à engranger lors de ce rendez-vous parisien. Trop ambitieux ? En tout cas, c’est ce que craignent certains observateurs qui spéculent d’ores et déjà sur des résultats qui ne seront pas à la hauteur des attentes.
« La montagne risque d’accoucher d’une souris », lance un observateur expliquant que « l’état actuel du pays n’est pas propice à des grands investissements ». Le même observateur pointe des « choses contradictoires dans le Plan Comores Emergent » dans lequel il n’y aurait que « des projets fantaisistes ». Notre interlocuteur se demande pourquoi « les autorités et les organisations comme la Banque mondiale et le Pnud ont décidé de reléguer aux oubliettes le document sur la stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCAD2) qui contient les vrais besoins de l’archipel au profit du PCE qui nous présente surtout la construction de grands bâtiments ».
L’heure de la vérité approche.
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