Les droits de l’homme constituent un idéal commun à tous les peuples. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le besoin de renforcer le respect des droits humains et des libertés publiques s’est fait énormément sentir. D’où la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, soutenue avec force obligatoire par le PIDESC (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) et le PIDCP (Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
Avec la loi n° 11-028/AU du 23 décembre 2011 relative à la Commission nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL), les Comores n’ont fait qu’appliquer un engagement international vieux d’une quarantaine d’années considérant la date d’adoption des deux pactes onusiens(1976).
Ses missions
La CNDHL est chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme tel que stipulé dans les instruments juridiques en vigueur (article 5). Pour cela, la commission a du pain sur la planche, en principe. Ses missions ne sont pas des moindres. Elle doit, entre autres, sensibiliser et informer la société sur la nature et la portée des droits humains ; formuler des propositions sur le renforcement des libertés publiques et surtout dresser des rapports qui serviront de supports en la matière au gouvernement dans ses rendez-vous régionaux et internationaux.
Mais parlons justement de ces fameux rapports. Sont-ils régulièrement rendus ? Si oui, avec quel degré de fiabilité et de pertinence ? Si notre avis était sollicité, on dirait que dans une échelle d’un à dix, on placerait la barre à 2 par courtoisie. Entendons-nous, cet avis est neutre. Mais ce n’est pas sorcier de comprendre qu’aucun gouvernement ne présenterait dans une tribune officielle un rapport qui le compromettrait. Donc si les autorités ne sont pas elles-mêmes enclines à protéger les droits humains, ledit rapport est soit fait sur commande comme une vulgaire caution soit contourné. Cela va de soi.
Sa composition
La commission est composée par quinze membres au total : trois membres désignés par des associations nationales de défense des droits de l’homme ; un médecin désigné par l’ordre des médecins; un journaliste désigné par l’organisation comorienne de la presse, un avocat choisi par l’ordre des avocats ; une personnalité religieuse choisie par le mouftorat ; deux représentants désignés par le bureau de l’Assemblée nationale ; un membre désigné par chaque conseil de l’Ile ; deux membres représentant les différents départements ministériels en charge des droits de l’homme, désignés par le conseil des ministres, dont un magistrat spécialisé dans le domaine des droits de l’homme ; un officier de police judiciaire (article 11).
Sauf qu’avec la nouvelle Constitution qui « omet » de parler des conseils des Iles, la représentation des Iles autonomes est compromise. Mais pas seulement. Le nombre aussi est touché. Au lieu de quinze on se retrouverait avec douze. Quelles seront les modalités de remplacement de ces trois membres ? Le gouvernement a certainement une idée en tête. Comme pour les autres cas. Car la commission n’est pas la seule institution dans cette situation. Elle a rejoint le club de toutes ces institutions amputées ou simplement rendues orphelines par le grand bazar causé par la nouvelle Constitution.
De son indépendance
Selon les dispositions de l’article 2, la commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL) jouit de l’autonomie administrative, technique et financière et de l’indépendance d’action par rapport aux autres institutions de l’Union avec lesquelles elle entretient une franche collaboration.
Arrêtons-nous un instant pour décortiquer cet article. La commission opère une franche collaboration avec les autres institutions de l’Union. L’institution qui nous intéresse le plus, c’est le président de la République. Avec la composition de la commission, on peut dire, en tout cas, sur le papier, que son indépendance est garantie ; l’équipe étant quand même inclusive ; mais encore une fois, rien de tout cela n’a de sens que si le président et son gouvernement le décident. Si on peut retourner des élus de la Nation avec une facilité déconcertante, on peut aisément en faire autant avec les membres d’une commission surtout quand on contrôle les structures qui les désignent. Et là on n’indexe pas un régime en particulier. Que les choses soient claires ! Ce n’est qu’un simple constat compte tenu de la réalité des choses et de la pratique en général.
De son rôle de gardien des libertés
La loi de 2011 a clairement désigné la commission nationale des droits de l’homme et des libertés comme un rempart en cas de violation de ceux-ci. Toute personne, physique ou morale, victime de violations des droits de l’homme, garantis par les instruments internationaux, la Constitution ou les lois de l’Union, peut soit individuellement ou collectivement, saisir la Commission nationale des Droits de l’Homme et des Libertés, conformément à la présente loi (article 34).
On pourrait avoir peur de lancer cette saisine en raison d’éventuelles représailles. Sachant que pour la plupart des cas, l’auteur d’une violation des droits de l’homme est détenteur d’une puissance publique. Mais l’article 36 dispose qu’aucune personne physique ou morale ayant saisi la CNDHL ne peut être inquiétée du fait de cette saisine. Les autorités tant civiles que militaires doivent le cas échéant assurer sa protection. C’est rassurant. C’est même de là que vient l’élégance du Droit. Le législateur a cette capacité à persuader les citoyens de ses mesures préventives tendant à sauvegarder leurs droits. Pourtant, ce ne sont pas seulement les génies qui peuvent comprendre que si c’est l’État et c’est souvent lui, qui viole les Droits d’un citoyen, c’est à travers la force publique que cela se fait. Donc c’est cette même force publique qui doit protéger le plaignant. Après, on ne peut pas déverser toute notre colère sur ce pauvre député de bonne foi qui voulait bien faire les choses ; mais la question des libertés publiques et droits humains demande plus qu’une bonne intention. Déjà même les pays qui s’enorgueillissent d’être des élèves modèles en la matière ne sont pas irréprochables. N’en parlons pas des retardataires et même des élèves médiocres.
Un grand professeur disait : « Le problème de beaucoup de pays d’Afrique, c’est qu’avec les indépendances, ils sont directement partis de simples sujets à l’État moderne avant d’avoir eu des citoyens ; alors que ce sont ces derniers qui font un État ; d’où les problèmes auxquels ils sont confrontés depuis jusqu’à aujourd’hui ».
Mounawar Ibrahim, juriste