Petit à petit l’oiseau fait son nid. Tel pourrait être le crédo du Collectif du Patrimoine des Comores qui s’est engagé depuis 2006 dans une bataille sans relâche pour la sauvegarde et la restauration de notre patrimoine bâti. L’association vient d’engager des travaux de réhabilitation de l’ancien palais des sultans. Une ultime étape visant à redonner à cet édifice du XVIe siècle sa splendeur d’antan. Par Faïssoili Abdou
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L’ancien palais des sultans niché en plein cœur de la médina de Mutsamudu est en chantier depuis le 17 septembre dernier pour une durée de trois mois. « Les travaux planifiés concernent spécifiquement le ravalement de la façade ouest avec traitement des fissures et réalisations des extérieurs », indique Fatima Boyer, présidente du Collectif du Patrimoine des Comores (CPC), l’association à l’initiative de cet ambitieux projet. La responsable associative regrette toutefois le fait que des particuliers aient accolé les murs de leurs habitations à celle de la façade du palais des sultans. « C’est décevant de voir une construction adossée au mur, ce que personne ne peut tolérer dans la sphère privée et à plus forte raison sur le mur d’un monument historique », a-t-elle déploré. Il s’agit de la 5e phase des travaux de réhabilitation de cet édifice datant du XVIe siècle.
En début d’année, l’association basée en France avait expliqué qu’après ces travaux de restauration de l’intérieur du palais, la prochaine étape sera « l’aménagement de ce lieu de mémoire et sa restitution aux habitants de la ville et du pays ». Les travaux en cours bénéficient l’appui financier du ministère de la Culture et de la Communication à Paris ainsi que de la direction des affaires culturelles de l’océan indien, la Région, le Département et la Préfecture de la Réunion. Certains particuliers ont également contribué à travers une campagne de Crowdfunding lancée par le Collectif du Patrimoine des Comores. Menés sous la direction technique de l’association française Chantiers, Histoire et Architecture médiévale (CHAM), ces travaux visent à « rendre à l’édifice sa splendeur originelle » notamment par le « respect de la technique ancienne » de construction.
Entamé en 2011, le projet de restauration de l’Ujumbe a d’abord consisté à reconstruire la toiture de ce bâtiment de style swahili après son effondrement en 2008. Des travaux menés par STCDA, une structure de Zanzibarite spécialiste de la restauration des monuments historiques. Suivront ensuite en 2014, l’inspection des poutres et puis 2016 et 2017, la restauration des deux murs du palais et sa frise. Les travaux en cours sont donc une suite des précédents chantiers. Dans un rapport publié en 2008, le Collectif du Patrimoine des Comores décrivait ainsi le palais Ujumbe : « édifié par le sultan Abdallah I (1771-1803), il connaitra plusieurs embellissements et modifications jusqu’au 19e siècle. Le palais est particulièrement remarquable par les surfaces internes des murs qui sont festonnées de niches, les poutres en bois et les plafonds en coffres enluminés de calligraphies arabes islamiques de couleur rouge et noir (…) Les fenêtres sont ornées de moucharabieh aux motifs finement festonnés assortis aux poutres. Ce palais, dont la superficie totale est de 850 m² sur deux niveaux servait dans sa partie supérieure à la réception des dignitaires ». Ce joyau architectural figure depuis 2007 dans le répertoire des « Sultanats historiques des Comores » inscrit sur la liste indicative des Comores en vue d’une éventuelle inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce palais qui a été le siège du pouvoir des sultans jusqu’à la mise sous tutelle et la colonisation de l’archipel par la France connaitra ensuite plusieurs péripéties. Il a servi tour à tour de musée, puis de bureau du canton et ensuite d’une école publique, d’un hôpital pendant la période coloniale et… de prison pour les éléments de l’armée nationale capturés après l’échec du débarquement de 1997 en pleine crise séparatiste à Anjouan.
La citadelle sauvée ?
Après la polémique sur les travaux engagés par un particulier en aval de la citadelle de Mutsamudu et qui « menaçait » le monument d’effondrement, le ministre de la Culture aurait décidé d’arrêter le chantier.
« Le ministre de la Culture a demandé l’arrêt immédiat de ces travaux », nous a confié une source proche du dossier. L’affaire avait provoqué un tollé en août dernier lorsqu’un opérateur économique de la place avait lancé des pelleteuses sur un chantier de construction en contrebas de ce monument entièrement rénové entre 2010 et 2011. Tout de suite les réseaux sociaux se sont enflammés alertant sur le danger imminent qui menaçait ce site historique figurant sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO. « Il est urgent que les responsables gouvernementaux prennent leurs responsabilités et que les autorités judiciaires agissent pour faire cesser cette spoliation et ce mauvais coup porté au patrimoine de notre pays. Il ne s’agit pas d’un acte isolé mais d’une étape dans la destruction irréparable de notre héritage historique », avait tonné le Collectif du Patrimoine des Comores dans un communiqué publié sur son site web.
Depuis, ce cri d’alarme semble avoir été entendu par le gouvernement qui a décidé l’arrêt des travaux. Pour combien de temps ? On n’en sait rien pour le moment. Amina Alfeine, conseillère à la délégation des Comores auprès de l’UNESCO a parlé d’un « gâchis ». « C’est une honte et un véritable gâchis le fait de toucher aux valeurs nationales, dont notre patrimoine. Nous déplorons ce qui se passe et personnellement, je suis exténuée moralement », a-t-elle commenté saluant la décision du ministre de la Culture qui « s’est beaucoup investi pour arrêter les travaux ». Il faut aussi se demander s’il existe des textes dans notre législation qui protègent ces monuments historiques. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux au plus fort de la polémique, l’opérateur économique responsable de ces travaux avait expliqué qu’il attendait entrer en négociation avec les associations qui s’occupent du site afin de trouver une solution. La citadelle a été construite au XVIIe siècle pour servir de rempart aux razzias des pirates malgaches.
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