Des médecins venus du Pakistan et de l’Arabie Saoudite ont effectué une mission humanitaire à Anjouan au début du mois de décembre. Dans un pays qui manque cruellement de spécialistes, les habitants ont pu consulter des ophtalmologistes, des cardiologues et des pédiatres.
Par Mouayad Ahmed
Le lundi 9 décembre 2024, les habitants de l’île d’Anjouan se sont réveillés avec une scène qui, bien que familière pour certains, a suscité un enthousiasme palpable. Un navire militaire, imposant et bien équipé, a accosté au port Ahmed Abdallah Abderemane de Mutsamudu. À son bord se trouvaient des médecins venus du Pakistan et d’Arabie Saoudite, venus pour une mission humanitaire d’envergure.
Pendant deux jours, ces médecins ont offert des consultations médicales gratuites dans trois spécialités particulièrement prisées dans l’île : l’ophtalmologie, la pédiatrie et la cardiologie. Cette opération, qui s’est déroulée au stade de Missiri, dans le chef-lieu de l’île, a vu affluer une foule massive. Les habitants, conscients de l’opportunité unique que représentait cette initiative, ont répondu en grand nombre, espérant bénéficier de soins médicaux qu’ils ne peuvent souvent pas s’offrir.
Une réponse chaleureuse et une solidarité palpable
Dès les premières heures de la mission, la population s’est montrée reconnaissante, non seulement pour l’expertise des médecins, mais aussi pour leur humanité et leur ouverture. Les témoignages positifs se sont multipliés. Halidi Ibrahim, habitant de Dar Saanda, nous a confié avec émotion qu’il avait enfin pu consulter pour ses cataractes, une pathologie qui gênait sa vue depuis plusieurs années. Fatima, résidente de Mjimandra, a exprimé sa gratitude après une consultation cardiologique dont elle avait grandement besoin.
Cet engouement témoigne du besoin criant d’un accès facile aux soins de santé sur l’île. Ces deux journées ont été pour beaucoup l’occasion de retrouver une lueur d’espoir dans un contexte où les infrastructures médicales locales peinent à répondre à toutes les demandes.
Une mission au-delà du médical
Au-delà des soins, cette mission a également été marquée par des gestes de fraternité et d’échange culturel. Le mardi soir, un match de football amical a été organisé entre l’équipe des médecins visiteurs et celle de la garde comorienne, section d’Anjouan. Plus qu’un simple événement sportif, cette rencontre a symbolisé l’hospitalité et la générosité de l’île envers ceux qui viennent avec des intentions bienveillantes.
Le mercredi 11 décembre, les missionnaires ont poursuivi leur engagement en ouvrant les portes de leur gigantesque navire à plusieurs établissements scolaires. Cette initiative a permis à de nombreux élèves de découvrir un univers fascinant et, pour certains, totalement inédit.
Parmi les participants figurait l’établissement Neiman School de Mutsamudu, qui a envoyé une quarantaine d’élèves pour une visite guidée. Youkina, élève de terminale et secrétaire général de la coopérative scolaire, a partagé son enthousiasme : « Cette expérience a été extrêmement enrichissante. Nous avons découvert des aspects réels de la vie en mer, notamment l’organisation de l’équipage et l’immensité de l’hélicoptère embarqué. ».
Ce moment a non seulement inspiré ces jeunes esprits, mais a également renforcé leur compréhension des possibilités qu’offre la solidarité internationale, au-delà des frontières culturelles et géographiques.
Une nécessité constante d’accompagnement médical
L’expérience d’Anjouan s’inscrit dans une tradition bien établie des médecins sans frontières. Ces derniers interviennent régulièrement dans des zones du monde où les populations manquent d’accès à des soins de qualité. Leur présence ne se limite pas aux Comores. De nombreux pays en Afrique, en Asie et ailleurs, ont bénéficié de leur expertise et de leur engagement à répondre aux besoins des plus démunis.
Cependant, l’afflux massif de la population anjouanaise lors de cette opération met en lumière une réalité inquiétante : l’île, comme une grande partie de l’archipel, souffre d’un système de santé insuffisant. Les infrastructures sont limitées, les ressources médicales rares, et les coûts des consultations et des traitements souvent inaccessibles pour une majorité des habitants.
Les consultations gratuites de cette mission ont permis à beaucoup de se faire diagnostiquer et orienter, mais elles soulignent également la nécessité urgente d’une réforme durable du système de santé aux Comores. Des initiatives temporaires, bien qu’essentielles, ne peuvent suffire à combler les lacunes structurelles qui mettent en danger la santé des citoyens.
Une leçon de fraternité humaine
En rétrospective, cette mission humanitaire a marqué les esprits à plusieurs niveaux. Elle a prouvé que la solidarité humaine peut transcender les barrières linguistiques, religieuses et culturelles. Les sourires des médecins, leur disponibilité et leur interaction avec la population ont renforcé cette idée universelle selon laquelle l’entraide est essentielle pour bâtir un monde meilleur.
À travers les consultations, le match amical et la visite du navire, Anjouan a vécu un moment d’unité qui restera gravé dans la mémoire collective. Comme l’a si bien exprimé un habitant de Mutsamudu : « Nous avons besoin de ces exemples pour nous rappeler que, malgré nos différences, nous appartenons à une même humanité.»
La mission des médecins pakistanais et saoudiens à Anjouan n’était pas une première dans l’histoire des interventions humanitaires. Cependant, son impact local a été immense. Elle a permis de répondre à des besoins immédiats tout en mettant en lumière des enjeux de fond, tels que le manque de ressources médicales sur l’île.
Ce type d’initiative montre que la solidarité internationale peut jouer un rôle crucial, à condition qu’elle s’inscrive dans une perspective durable. À Anjouan, ces trois jours resteront comme une leçon de vie, un rappel que la fraternité humaine peut surmonter bien des obstacles.
Alors que les habitants de l’île reprennent leur quotidien, le souvenir de cette mission restera vivant, non seulement dans leurs cœurs, mais aussi dans leur réflexion sur ce qu’il faut faire pour un avenir plus prometteur en matière de santé publique.