L’association du quartier Mtsangani à Moroni (CASM) et Haki-Hazi ont organisé le 21 octobre dernier une Conférence dont le thème était « eshamanga de shema » qu’on peut traduire par « ce qui vient de l’extérieur est mieux ». L’identité comorienne était au menu des discussions.
Par Hachim Mohamed.
Le thème abordé lors de la rencontre du 21 octobre au CASM reprend le titre d’un récent article de l’anthropologue et historien Damir Ben Ali intitulé « Les effets du mimétisme étranger sur l’identité et les dynamiques sociales aux Comores : enjeux et perspectives de réappropriation culturelle ».
Modérée par le professeur Moussa Saïd Ahmed de l’Université des Comores, la conférence et les discussions ont vu la participation de nombreux intervenants comme Dr Wadjih Abderemane, écrivain et anthropologue et Amina Housseine Dahalani, présidente du Réseau National Femmes et Développement.
En guise d’introduction à la réflexion, Damir Ben Ali a lu à haute voix son article qui aborde les aspects du mimétisme culturel et oriente le thème vers une approche plus générale sur le regard et l’identité. Pour lui, sans valeurs intemporelles, notre société reste en manque d’une « identité communautaire ». Elle est semblable à ces nuées légères qui flottent dans les airs au gré des vents et les gens dedans se sont égarés en mille sens divers.
Mais, l’anthropologue rappelle que l’identité se construit dans les interactions et que sur le plan culturel, le rejet de l’étranger est une réponse au manque de repères dans l’identité nationale. Il en résulte une identité trouble, une conscience fragmentée.
L’imitation fait partie intégrante du comportement humain,
Inscrit au cœur de la « culture Wuanga » qui veut que les Comoriens se retrouvent et se réapproprient une identité culturelle propre, Wadjih Abderemane, qui est membre fondateur de cette association a rebondi sur ces aspects du patrimoine culturel qui jouent un rôle déterminant dans la constitution de l’identité individuelle et collective.
S’agissant du mimétisme qui se produit lorsque de nombreuses personnes se tournent vers le même comportement, principalement parce que d’autres le font. Le problème commence, selon l’anthropologue, quand tout un chacun le fait de manière moutonnière, pour ne pas dire aveuglément et stupidement. Pour la démonstration de ce mimétisme moutonnier, Wadjih Abderemane prend l’exemple d’un domaine dans lequel la méthode ne changerait pas, on répèterait depuis très longtemps au point que cela ne soit plus intéressant.
Pourtant, il apparait que l’imitation fait partie intégrante du comportement humain et s’avère être un aspect crucial du développement des compétences, car elle nous permet d’apprendre de nouvelles choses rapidement et efficacement en observant ceux qui nous entourent. Cela peut être particulièrement vrai dans l’enfance, où nous pouvons imiter nos parents ou d’autres figures d’autorité pour apprendre et grandir.
La plasticité comportementale, physique et cognitive.
Cela peut conduire à des changements de perspective importants et aider la société comorienne à avancer, dans une perspective de construction et de déconstruction dans ses interactions avec les autres peuples.
C’est cela que Damir Ben Ali explique dans son article en précisant que « depuis le 19e, toutes les fibres historiquement constitutives de la société comorienne sont soumises, comme partout en Afrique, aux effets déstructurants des mutations technologiques et économiques du monde moderne et des intérêts politiques et idéologiques des grandes puissances. »
À la question « qui sommes-nous en tant que peuple qui passe dans l’imaginaire collectif pour arabe ou africain » si sous les interactions avec les autres peuples dans la démonstration de Wadjih Abderemane nous sommes devenus des « sambusa », c’est-à-dire un peu de bantou, un peu d’arabe, un peu de portugais, etc.
Pour Damir Ben Ali, le peuple comorien a pu, à travers les siècles, rendre la société apte à s’accommoder à différentes influences, sans perdre son identité. Un atout qui lui aurait permis aujourd’hui d’envisager, à partir de ces maisons communes (le dialogue des civilisations associant technologie moderne et traditions), la création du bangwe du troisième millénaire.
« Palachio », promotion de la culture comorienne
Styliste, modéliste de formation et propriétaire de marques dans son atelier ASSUL à Mayotte, Amina Housseine Dahalani met l’accent, dès sa prise de parole, sur la culture indiano-arabo-musulmane.
Elle a dit aussi son désarroi face à la manière dont les Chinois « vampirisent » la couture comorienne à travers le « kofia » et autres.
Sur la même longueur d’onde de ce changement de paradigme et face au mépris des colonisateurs qui estimaient que les structures sociales et politiques traditionnelles ne méritaient pas d’être sauvegardées, le modérateur Dr Moussa Saïd, s’est réjoui qu’un sujet de master d’un étudiant à l’Université de Comores porte sur les « palachio » (école coranique) avec un accent mis sur la culture de « darasse » dans les mosquées.