La Chambre électorale de la Cour Suprême a rendu publiques samedi 2 décembre les listes des candidats aux élections de 2024. Six candidats à l’élection présidentielle, c’est moins que d’habitude. Et pour les élections des gouverneurs, c’est la première fois qu’il y a plus de candidats à Anjouan et à Mwali qu’à la Grande-Comore.
Samedi 2 décembre, lors de l’examen des candidatures aux élections présidentielles et des gouverneurs, ainsi que les recours déposés par les divers candidats, la Chambre électorale de la Cour Suprême a été présidée par le président de la Cour Suprême lui-même, Cheikh Salim Saïd Athoumane. Cette décision n’est sans doute pas légale, puisqu’a priori, ce dernier n’est pas membre de la Chambre électorale. Elle visait sans doute à éviter que Harmia Ahmed ne puisse prendre part à des délibérations qui concernaient son gendre, comme le recommandent le statut de la magistrature et la déontologie des magistrats.
Conditions de résidence
Après avoir écarté les candidatures fantaisistes (Nourdine Mohamed Mlanao, Ahamada Marzouk, Miftahou Ali Mbamba), la Chambre électorale a examiné le cas des trois candidats qui viennent d’arriver au pays en provenance de France : Saïd Mohamed Achmet, Natuk Mohamed, Lavane Elanrif. Ces trois hommes sont suffisamment intelligents pour savoir qu’en réalité, ils ne pouvaient se présenter aux présidentielles alors que la loi leur impose un temps de résidence. En acceptant d’aller à des élections, ils savaient qu’ils devaient respecter les lois en place sans demander des arrangements, surtout que tous les trois ont toujours prétendu vouloir le respect strict des lois. La veille de la décision de la Cour Suprême, le plus motivé des trois, Lavane Elanrif disait encore qu’Azali n’ayant pas signé les décrets d’application en ce qui concerne la durée de résidence, il pouvait être candidat. Les juges de la Cour Suprême ne sont pas allés par quatre chemins : ils ont simplement sorti la Constitution de 2019. L’article 53 de cette Constitution demande au candidat d’avoir « résidé effectivement de manière permanente » au pays durant les 12 mois précédant l’élection. Or, ils sont arrivés tous les trois au mois de novembre. Leurs candidatures ont donc été rejetées.
Ainsi la liste originale de 12 candidats possibles a été réduite de moitié dans une configuration qui pourrait permettre à quasiment toutes les grandes forces politiques de pouvoir mobiliser, si l’élection n’était pas d’avance faussée par l’omniprésence du président sortant et de son parti CRC à toutes les étapes du processus électoral (Listes électorales, bureaux de vote, CENI, Cour Suprême…). Sans parler du fait qu’en termes de moyens financiers, le président sortant a énormément de possibilités par rapport aux autres et lui, comme ses partisans peuvent avoir recours sans limites aux moyens de l’État.
Élections des gouverneurs, sans enjeux
Conséquences du fait que les prérogatives des Gouverneurs ont été quasiment toutes dépouillées en faveur du Président de l’Union depuis la mise en place de la Constitution de 2019, il n’y a pas de véritables enjeux au niveau de l’élection des représentants des îles, peu de candidats d’envergure.
Ce n’est qu’à Mwali que le Gouverneur sortant, Mohamed Fazul, souhaite rester en place. Pourtant, son associé Azali Assoumani ne le soutient pas. Il a même désigné une candidate pour essayer de le remplacer. Il s’agit de la députée Chamila Ben Mohamed. Il faut imaginer l’amertume de Mohamed Fazul qui est conscient qu’il était en place grâce à la grande fraude de 2019, qui sait que s’il ne peut pas bénéficier de nouveau de celle-ci, il ne pourra pas se maintenir.
Dans les deux autres îles, les Gouverneurs qui étaient installés par Azali Assoumani en 2019 ont compris que sans le soutien de ce dernier, ils ne gagneraient pas. Ils ont préféré se retirer.
A Anjouan, la Cour Suprême a retrouvé l’Acte de naissance de Yasser Assoumani dans son dossier, alors que la CENI n’avait pas vu. Elle a donc repris la candidature de ce proche d’Azali Assoumani, condamné à sept ans de prison ferme, mais libéré au bout de sept mois.
Par contre le candidat de Juwa, Mohamed Soilihy, un proche de l’ancien Gouverneur Salami Abdou, a vu sa candidature rejetée. La Chambre électorale rappelle qu’il a été condamné à quatre ans de prison dont deux ans fermes. Le parti Juwa, habitué aux coups de dernier moment du gouvernement Azali, avait toutefois prévu un autre candidat, Issiaka Assane.
Une tragédie Crcienne
La tragédie qui se joue au sein du parti CRC depuis le dernier congrès a connu un épisode au sein de la Cour Suprême. Le parti a désigné le candidat du président du parti et chef de l’État en la personne de Mohamed Ben Ali, alors que certains citaient depuis longtemps le nom de Nour El Fath et plus récemment celui de la nouvelle venue au parti, Najda Saïd Abdallah.
Finalement, deux autres membres du parti ont envoyé leurs candidatures à la CENI : l’ancien ministre des Finances Saïd Ali Chayhane et un militant de longue date, Soilihy Mohamed qui s’est présenté comme le représentant de ceux qui ne sont pas contents de ce qui se passe au sein du parti. Ce dernier a retiré sa candidature un peu avant la publication de la liste officielle. La candidature de Saïd Ali Chayhane a été invalidée dans un imbroglio qui ne peut qu’arranger le candidat officiel d’Azali Asssoumani à Ngazidja. Mais, l’ancien ministre et actuel Directeur général de Comores Telecom ne semble pas avoir avalé ce coup venu de son propre camp. Dans un message vidéo, dans lequel il apparait très calme et pédagogue, il explique qu’on lui reproche de ne pas avoir donné des indications sur sa fortune alors qu’on ne les lui demandait pas. Il a dénoncé une décision de la Cour Suprême ordonnée à « coups de téléphone ». Chacun peut comprendre qu’il n’y a qu’une seule personne aux Comores qui peut passer des coups de téléphone aux juges de la Cour Suprême pour donner ses ordres, c’est celui qui les a nommés. Une accusation grave pour un homme qui doit sa renommée et sa fortune à Azali Assoumani.