Le pays est-il en passe d’opérer un grand bond dans son insertion dans l’ère du numérique ? L’idée d’introduire les outils de notre époque dans l’administration du pays est déjà un point positif. Elle va dans le sens de faire comprendre au pays, qu’il n’est plus possible de travailler, dans quelque domaine que ce soit, sans s’appuyer sur des outils numériques. La vérité de lapalissade veut que l’analphabète d’aujourd’hui soit la personne qui ne sait pas utiliser le stylo d’aujourd’hui : les ressources du numérique. Le pêcheur ne peut pas prospérer réellement sans gérer ses prises (stockage, fixation des prix, etc.) sans logiciel informatique, il doit assurer sa sécurité avec des outils numériques de géolocalisation, etc. Il en va de même pour toutes les professions.
Le numérique est au cœur de notre ère comme la voix l’a été à l’ère de la parole et le document texte à l’ère qui a suivi la généralisation des techniques d’impression. Le numérique est au cœur de l’économie comme l’agriculture et l’industrie l’ont été dans des périodes passées.
Le numérique doit donc être envisagé comme force motrice principale du développement du pays et non comme un simple secteur prometteur, à fortes potentialités, etc. Ce qui d’un autre coté interroge sur les programmes des spécialistes internationaux de l’aide au développement ou plutôt de la lutte contre la pauvreté lorsqu’on examine la place et le rôle du numérique dans leurs programmes ou dans leurs projets du type « connecter une école », etc.
Il reste à mieux cerner la problématique de la réforme (peut-être une révolution) de l’administration dont l’impact sur le devenir du pays est inestimable.
Un saut de grenouille. Dans le jargon des analystes de l’impact des TIC dans la société, il s’agit de sauter une ou plusieurs étapes dans l’évolution, exemple le passage au mobile sans passer par le téléphone fixe, ou bien le passage de notre pays de l’oralité au numérique.
Sous ce prisme notre administration va passer d’un système dont il est difficile d’énumérer ici tous les maux qui le gangrènent vers un système efficient, au service des citoyens de toute catégorie. Les défis ne sont pas simples. Les outils peuvent et doivent introduire une nouvelle définition des postes de travail, des nouvelles procédures d’exécution des tâches avec des règles de gestion strictes et des méthodes de travail rigoureuses et cohérentes. Ce qui en retour va transformer les usages en cours dans l’administration, voire les mentalités aussi. Mais on ne peut pas non plus tomber dans un optimisme béat. On a vu, à la douane par exemple, que l’informatisation n’a pas donné les résultats escomptés. On a vu que l’introduction du matricule pour gérer les fonctionnaires n’a pas vraiment réglé les problèmes de recrutement, d’agents fantômes, etc. Les habitudes acquises peuvent conduire à une appropriation des outils et à leur dévoiement.
Il faut donc une organisation projet pointue. Un des dangers est l’appui exclusif sur les modèles étrangers, sur les « experts » internationaux qui nous tombent du ciel. Il va de soi que le pays a un immense besoin de l’expertise internationale, mais il doit d’abord s’approprier le projet. Le E-GOUV comorien doit partir de la réalité concrète singulière des Comores et non d’un schéma tout fait, plaqué comme c’est l’habitude par des « sommités » étrangères détenant une vérité hors du temps et des lieux.
Le pays doit bien évidemment mesurer son déficit en compétences et comprendre qu’il doit miser de façon volontariste sur la formation d’ingénieurs de haut-niveau. Mais il n’en reste pas moins qu’il y a de plus en plus de jeunes formés à l’extérieur qui prennent le risque de rentrer au pays, qui prennent des initiatives hardies, qui ont créé des structures (des startups ont surgi ces dernières années à partir de peu de moyens). Il faut les impliquer avec audace. Ce sont eux qui doivent être placés au centre de ce gigantesque projet. Ce sont eux qui permettront de mettre l’expertise étrangère au service du projet comorien. D’un autre côté, l’expérience qu’ils vont acquérir sera d’une immense utilité pour le pays.
Mais bien sûr se poseront les questions habituelles sur le respect de la loi, sur la corruption, etc. Il faudra donc avant tout, une volonté politique forte du président en personne.
Idriss (13/09/2019)