La dernière semaine du mois de juillet a été dominée par une interruption de l’activité économique et sociale à Moroni. Cette activité repose, dans la capitale des Comores, sur la fourniture d’hydrocarbures et sur la production d’électricité de la part de la Société Comorienne des Hydrocarbures et de la Société Nationale d’Électricité Comorienne. Par Salec Halidi Ibrahim
La Société Comorienne des Hydrocarbures (SCH) et la Société Nationale d’Électricité Comorienne (SONELEC) détiennent deux monopoles. La première revend de l’essence, du gasoil, du pétrole lampant et plus récemment du gaz domestique, tandis que la seconde produit et vend de l’électricité avec du gasoil.
Malheureusement, les deux entreprises publiques connaissent plusieurs difficultés dues à un défaut de modernisation directement lié au sous-développement de l’économie nationale. La SCH se retrouve dans de circonstances répétées de pénurie en raison d’une désorganisation économique dans un pays fragile en proie aux crises cycliques. Et la crise sanitaire mondiale actuelle ne saurait être responsable malgré les dérèglements qu’elle engendre depuis bientôt deux ans dans l’économie urbaine de Moroni. Deux des difficultés majeures que rencontre toujours la SCH sont le ravitaillement d’hydrocarbures à crédit pour le fonctionnement de la SONELEC et la ponction régulière de l’État dans ses caisses afin de pallier à d’autres besoins.
La SONELEC, un court-circuit à effet boule de neige
La SONELEC est sa principale cliente. Elle est secondée par les petites entreprises urbaines du transport terrestre, maritime et aérien. L’État facilite une relation contractuelle permettant souvent aux deux entités publiques sous la tutelle du ministère de l’Économie en charge aussi de l’Énergie de maintenir les activités dans la capitale.
Mais les retards de paiement de la SONELEC à l’égard de la SCH pénalisent la Société en l’empêchant de respecter également les contrats avec ses fournisseurs étrangers, d’où les pénuries devenues semestrielles.
Dans cette situation, la deuxième société par son activité et ses nombreux handicaps peine à prévenir les ruptures de distribution d’électricité. Elle est incapable de stocker du gasoil. De ce fait, elle contribue par le concours de l’État à faire de la SCH une société déficitaire.
La pénurie a des effets sur la production et le commerce dans la capitale, surtout dans la périphérie. Dans cette périphérie les coupures d’électricité sont beaucoup plus ressenties que dans les autres quartiers du centre et résidentiels. On y vend des produits surgelés comme les ailes de poulet, la viande et le poisson. Ces produits alimentaires sont les plus accessibles et les plus consommés par la population de Moroni. Plus de 36 heures d’affiler sans électricité dans ces quartiers, du 4 au 5 août a rendu ces produits inconsommables et invendables.
La rareté soudaine du pétrole lampant dans les petites épiceries de ces quartiers reculés a eu encore plus de conséquences, et laisse plus d’un perplexe. Les spéculations sont nombreuses.
Abdourazak Housseni, un des agents à la SCH nous a affirmé que seul le gasoil permettant à la SONELEC de produire et vendre de l’électricité était manquant. Alors la disparition immédiate du pétrole lampant après annonce de la pénurie de gasoil aurait été une tentative d’imposer à la population pauvre de Moroni la consommation du gaz domestique. Une politique de la société et des autorités voulant impulser leur nouvel article dans l’aire urbaine. Le pétrole lampant est réapparu avec l’arrivée du gasoil.
Une stratégie vouée à l’échec
Lors du conseil des ministres du 22 avril 2021, le gouvernement a revu à la baisse le prix du gasoil livré à la SONELEC. Le ministre de l’Économie, de l’énergie, porte-parole du gouvernement, Houmed Msaïdié disait alors devant la presse que « le ministère des Finances a accepté la demande de la SONELEC de se procurer le litre de gasoil à 230 KFM au lieu de 315 KFM ». Une compromission demandant à la SCH de permettre à la SONELEC d’optimiser ses activités.
Le précédent régime avait procédé presque de la même manière pour répondre aux problèmes de l’électricité. Pourtant la stratégie se révèle inefficace.
Le samedi 31 juillet, lors d’une conférence de presse, le Directeur général de la SCH, Oumara Mgomri a annoncé l’arrivée tardive du pétrolier à partir du 4 août dernier. Il a ajouté que le retard du navire est dû au mauvais temps prévalant dans la région, alors que les services météorologiques n’ont indiqué aucune alerte.
Depuis vendredi, la SCH est ravitaillée en hydrocarbures et la SONELEC est fournie en gasoil pour produire l’électricité. L’activité économique reprend peu à peu à Moroni. Jusqu’à la prochaine rupture.