Je l’ai admiré à la fin des années 1960. Il avait osé s’opposer frontalement à Cheikh. C’était une époque obscure durant laquelle Said Mohamed Cheikh régnait en maître absolu sur le pays avec la bénédiction d’un colonialisme rétrograde qui avait maintenu le pays hors du temps. Être candidat à la députation française contre Mohamed Dahalani, un proche de Cheikh, n’était pas alors une mince affaire. Mitsamihuli, fief agressif de Cheikh était en ébullition le jour du vote. Pierrot, son représentant sur place était sur la sellette. Darouèche Boina, pilier du RDPC dans le village, faillit se faire lyncher quand il a cherché à mettre un peu d’ordre dans les bureaux de vote.
Je l’ai combattu à partir du début des années 1970 en tant que principal lieutenant d’Ahmed Abdallah ayant joué un rôle de premier plan (ministre, premier ministre, ministre d’État, etc.) durant la période des mercenaires.
J’ai commencé à le côtoyer à partir de la fin des années 1990.
Ce fut d’abord la lutte contre le séparatisme qui nous avait rapproché. Un front uni regroupait durant toute une période, le Front Démocratique au parti d’Abasse Djoussouf et à son parti Dja Mnazi.
Ce fut ensuite dans le cadre du Comité Maore. Son apport est inestimable. Il prit personnellement part à plusieurs activités. Souvent il se posait en simple membre du Comité. Le Comité Maore lui doit pour une grande partie son poids sur la scène nationale.
Ce fut enfin dans le cadre du Mouvement du 11 août. Il était devenu faible mais il tenait à participer au bilan nécessaire des quarante années et quelques d’indépendance. Il avait tant à apporter. Plusieurs réunions furent tenues dans son salon pour lui éviter des déplacements pénibles.
Monsieur Mroudjaé m’impressionnait énormément. Son humilité et sa simplicité doivent être mis en lumière. Il était capable d’écouter attentivement les arguments contraires au sien sans s’offusquer. Imaginer donc un tel personnage reconnaître simplement à la télévision nationale qu’il s’était trompé en croyant à « l’indépendance dans l’amitié et la coopération avec la France ». Un serviteur hors pair du pays, il me semble qu’il n’a pas souvent été compris ces dernières années.
A l’occasion d’une visite que je lui avais rendue après un séjour médical qu’il avait effectué à Maore, M. Mroudjae décrivait avec émotion les témoignages d’affection de ses anciens élèves maorais. Il était un personnage attachant.
Je crois qu’il avait engagé un travail de mémoire avec l’aide de jeunes. Il serait précieux pour le pays s’il parvenait à terme, tout au moins la partie réalisée.
Je ne peux que m’incliner sincèrement face à la mémoire de ce grand homme, présenter des vives condoléances et prier pour lui.
Idriss (03/05/2019)