L’État comorien fêtera demain le quarante-sixième anniversaire de son indépendance. Nous avons recueilli les avis de citoyens comoriens. Une seule question leur était posée : « Que pensez-vous de l’indépendance ? ». Ils sont de tous âges, de milieux divers, vivant ici ou ailleurs. Nous les avons croisés dans les taxis, dans les marchés, dans les gargotes de la capitale ou même dans les réseaux sociaux comme Facebook. Ils sont fiers de leur souveraineté, mais conscients des problèmes qui existent. Par Salec Halidi Abderemane
Le pays n’était pas prêt
« L’idée de prendre l’indépendance n’était pas mauvaise, mais on n’était pas prêt, on n’a pas réfléchi à la suite et l’après-indépendance, donc conséquences : ces années que nous vivons avec difficultés », témoigne Houssam Hassani, né à Koimbani et vivant à Marseille, romancier et poète. « C’est toujours le colon qui gère sous le masque du local », continue-t-il.
Abdillah Houmadi, salarié de la société Hurya qui produit de l’eau minérale à Moroni, n’est pas loin de penser la même chose. « Nous ne sommes pas indépendants, car toutes les grandes sociétés comoriennes comme Salsabil et Hurya qui mettent de l’eau en bouteille, appartiennent à des étrangers ».
« L’indépendance, c’est la liberté »
Soilihi Abdallah Mhouni est un ancien secrétaire général du parti politique Djawabu Ya Komori, parti qui s’inspire des idées d’Ali Soilihi et il est enseignant à Mayotte, l’île qui a voté majoritairement contre l’indépendance.
« L’indépendance, c’est la liberté. À ceux qui soutiennent que cet acte qui signe la naissance d’une nation est une erreur, car nous n’étions pas prêts, qu’ils sachent qu’il n’y a pas de mauvaises conditions pour être libres », dit Soilihi Abdallah Mhouni.
Mohamed Aboudou Hamadi, Ingénieur en Agroforesterie, domicilié à Mbéni (Hamahamet), Chef du Centre National de Traitement des Données Electorales (CNTDE) depuis 2018 se réfère à la citation célèbre d’Ahmadou Kourouma : « La pauvreté dans la liberté est préférable à la soumission dans l’opulence. » pour affirmer qu’il ne peut pas partager « l’idée de ceux ou celles qui disent que le 6 juillet 1975 était trop tôt pour l’indépendance des Comores ».
La corruption des élites politiques
Antoyi Soulé, un jeune slameur, comédien, cofondateur du collectif Art 2 la plume, nous donne aussi son opinion. Pour lui, « nos 46 ans d’indépendance incomplète nous ont apporté la fierté nationale et la matière grise essentielle pour bâtir le pays. ». Il regrette la généralisation de la corruption par les hommes politiques dès le début.
Mahamoud Attoumani, 56 ans, travaillant dans la maçonnerie à Moroni, évoque Saïd Mohamed Cheikh, le premier président du conseil du gouvernement des Comores de janvier 1962 au 16 mars 1970 pour idéaliser cette première génération politique. « Le docteur Saïd Mohamed Cheikh nous disait qu’il fallait être prêt avant de prendre cette indépendance » se souvient-il. Une phrase qu’il a entendue depuis son plus jeune âge. « Je suis fier de l’indépendance des Comores sans réserve. L’état du pays aujourd’hui est décevant, mais une chose est sûre, après et avant l’indépendance nous avons eu une génération politique qui avait des convictions contrairement à aujourd’hui », ajoute-t-il.
Une indépendance inachevée
Mohamed Aboudou Hamadi évoque ses souvenirs : « Le 6 juillet 1975, j’avais 17 ans loin des Comores, mais j’ai savouré de la fête de l’indépendance dès ma septième année d’existence en participant aux fêtes nationales de ma terre natale : Madagascar.
Ma première fête aux Comores en 1977, période révolutionnaire du Mongozi Ali Soilihi, j’ai senti toujours l’enthousiasme de la fête nationale d’un pays indépendant, et à partir du 6 juillet 1978, après le renversement du Mongozi, j’ai noté que les fêtes ont changé de couleurs, de pertinences et de valeurs. »
L’indépendance reste une fierté nationale, mais les Comoriens sont conscients qu’elle n’est pas encore totalement acquise. C’est ce que rappelle Mohamed Abdou Hamadi : « Il nous reste encore beaucoup à faire pour compléter notre indépendance : le retour de Mayotte dans son giron naturel et après, l’indépendance économique, monétaire et le développement durable ».
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