Le chômage reste très élevé aux Comores. Les jeunes sont les plus touchés. Malgré les promesses des hommes politiques au moment des élections, la création de nouveaux emplois reste insuffisante par rapport aux besoins. Quelques propositions d’un jeune doctorant en sociologie. Par ANRIDDINE Younous, Doctorant en sociologie à l’Université d’Antananarivo
Les Comores comptent près de 57.290 chômeurs selon l’enquête 1-2-3 réalisée en 2013 et dont les résultats ont été publiés en 2015. Cela dit, le taux de chômage au sens élargi dans le pays est de 24,8% avec un niveau record sur l’île d’Anjouan (40,7%). Ce taux est à Mohéli de 26,2% contre 18,3% à Moroni pour 7,1% dans le reste de la Grande-Comore.
Cette situation est alarmante alors que le Commissariat Général au Plan rapporte qu’en 2017, la création d’emploi était estimée à environ 1.500 emplois par an (SCA2D 2018-2021) ; ce qui est loin de contenir le chômage au pays si l’on tient compte des nouveaux arrivants sur le marché du travail chaque année (ceux-ci pourraient largement dépasser les 5.000 personnes).
Le chômage chronique en Union des Comores émane du fait que pendant longtemps, le pays n’a pas connu de stabilité politico-institutionnelle. En termes de renversement de pouvoir ou seulement d’instabilité politique et institutionnelle, les Comores ont établi leur réputation au niveau de l’océan indien. Les deux dernières crises en date ne font que renforcer ce point de vue. Il s’agit entre autres de la crise séparatiste de 1997-2001 avec la sécession de l’île d’Anjouan et la crise institutionnelle de 2007-2008 avec le bras de fer entre le pouvoir fédéral et l’exécutif de l’île autonome d’Anjouan. En plus, le climat des affaires de moins en moins attrayant ne favorise pas la création d’entreprises et donc d’emplois. Le rapport Doing Business 2020 de la Banque Mondiale, qui donne l’indice de facilité de faire des affaires, classe l’Union des Comores au 160e rang sur 190 pays alors qu’en 2017 le pays occupait la 153e place (une perte de 7 places en deux ans).
Un sur-chômage chez les jeunes
Cela s’accompagne également de la présence d’une économie faiblement diversifiée causée par la quasi-inexistence d’infrastructures de qualité, le mauvais état des voies de communication, des moyens de transport (notamment aériens et maritimes) trop onéreux et insuffisants, la carence permanente des énergies (notamment l’électricité) et de l’eau (dans de nombreuses régions du pays), un investissement très faible dans les TIC, et sans nul doute un capital humain moins développé. L’employabilité de ce dernier est relativement limitée au pays, ce qui favorise la montée et la persistance du phénomène de chômage. Cela ne surprend guère dans la mesure où les systèmes de formation aux métiers, aux qualifications et aux compétences sont moins performants. En outre, les catastrophes naturelles récurrentes rendent la population vulnérable et affaiblissent les activités économiques.
Nous pouvons expliquer le sur-chômage des jeunes par le fait que d’une part, les jeunes manquent de volonté et d’initiative d’entreprendre et ne valorisent guère les petits métiers rentables. De plus, les politiques visant la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes mises en place par les gouvernements successifs de l’Union des Comores sont loin d’être suffisantes. D’autre part, l’absence d’un vrai dispositif d’appui à l’insertion professionnelle rendant difficile l’accès aux informations et services en matière d’emploi et la non-formalisation du système de recrutement, enfoncent les jeunes, déjà plus vulnérables sur le marché du travail, dans une situation de chômage chronique.
Une réforme audacieuse de l’Éducation nationale
Le système éducatif n’aide pas à la résorption de ce phénomène dans la mesure où il ne tient pas compte des besoins des opérateurs économiques en termes de production de main-d’œuvre ainsi que des besoins économiques du pays. La formation technique et professionnelle n’arrive pas à détourner la déperdition scolaire, car elle est très sélective, très coûteuse et dispose d’une gamme très limitée de filières professionnelles. Outre cela, il importe d’ajouter que l’enseignement supérieur n’est pas aussi probant. Plus de la moitié des diplômés de l’Université des Comores sont aujourd’hui au chômage et 9% seulement possèdent un emploi qualifié.
Il est probable qu’en diversifiant l’enseignement technique et la formation professionnelle au niveau secondaire (collège et lycée) avec une législation/réglementation qui permet à tous les jeunes de toutes les couches sociales d’y accéder, le pays pourrait contenir ce chômage. L’abandon prématuré du système scolaire que nous observons actuellement pourrait se faire avec un minimum de connaissances pratiques utiles pour la vie active.
L’offre de formation doit surtout suivre l’évolution des besoins du marché du travail et des besoins économiques du pays. Elle se doit d’être flexible. Nous soutenons par ailleurs que le système éducatif accorde une place primordiale à la culture entrepreneuriale en insérant des cours d’entrepreneuriat au programme d’enseignement. Depuis leur plus jeune âge, les élèves découvriront les facettes de l’entrepreneuriat et intérioriseront une certaine culture de lutte contre le chômage en sachant se prendre en charge eux-mêmes et en sachant prendre des risques et des décisions.