Dahalani Mohamed Oussein revient sur une notion essentielle et surtout d’actualité : la fraternité en islam. «Un lien légitime basé sur les principes islamiques» qui n’établit pas de hiérarchie et qui est sacré.
Masiwa:C’est quoi la fraternité en Islam?
Dahalani Mohamed Oussein : La fraternité islamique est un lien légitime basé sur les principes islamiques de la charia, un document permanent, qui réunit tous les musulmans du monde entier. C’est un lien solide qui ne se dissout pas, un lien ininterrompu, un lien éternel, basé sur l’appartenance à l’Islam et composé de tous les musulmans qui témoignent qu’il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah et que Muhammad est son messager, quel que soit leurs origines. La base de la fraternité islamique est l’islam et son essence est la foi, et sa vérité est liée à cette essence et à ce fondement.
L’islam est venu construire une société saine, de même qu’il est venu construire l’individu sain. Or, la société saine que l’islam est venu construire est fondée tout d’abord sur la fraternité musulmane. Dieu dit : « Les croyants ne sont que des frères » (49 : 10). Ainsi, les croyants ne peuvent être que des frères les uns des autres. S’ils ne ressentent pas cette fraternité, s’ils ne la concrétisent pas entre eux, ils doivent remettre leur foi en question, car leur foi est certainement défaillante, puisque le croyant est le frère du croyant, et le musulman est le frère du musulman.
Masiwa: Qu’en est-il du fondement de cette fraternité? Par le sang ou la croyance?
D M O: L’Islam exhorte à la consolidation des liens de sang, eu égard à son impact sur l’établissement de la cohésion sociale ainsi que la pérennisation de la solidarité et de l’amour entre les musulmans. L’affermissement des liens familiaux est un devoir, conformément aux propos d’Allah, le Très-Haut «craignez de rompre les liens du sang. Certes Allah vous observe parfaitement». (Coran, 4 : 1) et “Et donne au proche parent ce qui lui est dû ainsi qu’au pauvre et au voyageur (en détresse). Et ne gaspille pas indûment», (Coran, 17 : 26).
Cependant, la fraternité sur base du sang n’est pas supérieure à la vraie fraternité qui est celle basée sur la religion et sur le principe d’égalité entre les musulmans. Allah l’Exalté a dit: « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux » (49 : 13)
Ce verset déclare que les distinctions sociales ne sont pas fondées sur l’origine ethnique mais sur l’utilité commune et les qualités humaines. Le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, dit : « Le meilleur des hommes, est le plus utile aux hommes » (rapporté par ad-Daraqotni).
Lors de son pèlerinage d’Adieu, en s’adressant à la masse des pèlerins, il dit : « Ô hommes ! Votre Seigneur est Un, et votre père est un. Nul préférence n’est accordée à l’arabe par rapport au non arabe, ni au non arabe par rapport à l’arabe, ni au noir par rapport au rouge, ni au rouge par rapport au noir, qu’en fonction de la piété » (rapporté par al-Bazzar).
Masiwa: Quels sont les droits du musulman envers son frère musulman? Et réciproquement quels sont les devoirs?
M D O: Les droits et devoirs entre les musulmans sont nombreux. Nous allons énumérer quelques-uns tels que mentionnés par le Prophète dans ce hadith : «Un Musulman a six devoirs à accomplir à l’égard de son frère : s’il le rencontre, qu’il le salue (que la paix soit sur toi), s’il l’invite, qu’il accepte (l’invitation), s’il recherche un conseil, alors qu’il le conseille, s’il éternue et qu’il loue Allah (en disant alhamdulillah), alors Shammit’h (en disant Yarhumak Allah – que la miséricorde d’Allah soit sur toi), s’il tombe malade, qu’il lui rende visite et s’il meurt, qu’il le suive (pour ses funérailles).»
L’Islam nous interdit de faire tout ce qui peut faire atteinte à la fraternité et à l’unité entre les musulmans. Le Prophète a dit: « Ne vous détestez pas les uns les autres et ne vous évitez pas, soyez O Serviteurs d’Allah, comme des frères. Le musulman est le frère du Musulman, il n’est pas injuste envers lui, il ne l’ignore pas (lorsqu’il demande de l’aide) et il ne le méprise pas. Mépriser son frère est un pêché. Il est interdit au Musulman de violer le sang, l’argent et l’honneur de son frère. »
Il y a plein d’autres droits que les Musulmans ont sur leurs frères. Ce qui pourrait être un résumé de ces droits est le Hadith : « Le Musulman est le frère du Musulman ! »
Masiwa: La rupture est-elle permise? Si oui, quelles sont les raisons légales?
Il arrive cependant, qu’un musulman succombe à sa faiblesse humaine et se laisse emporter par la colère à l’encontre de son frère en Islam. Il arrive même que cette colère le pousse à offenser son frère, entraînant ainsi la rupture entre les deux. Dans ce cas, il doit se rappeler que la durée de cette rupture ne doit pas dépasser 3 jours. Sachant que la nature humaine est susceptible de céder à de tels emportements, et que juste après la mésentente, la réconciliation reste difficile, l’islam a accordé cette durée de 3 jours pour un renouement dans le calme et la sérénité.
Le messager d’Allah a dit : “Il n’est pas permis à un musulman de rompre avec son frère en religion plus de 3 jours, au point où quand ils se rencontrent, chacun d’eux se détourne de l’autre. Le meilleur des deux est celui qui commence par saluer l’autre.”
Il est naturel et il est possible, et cela arrive que, emporté par la colère (ou sous l’emprise de la colère), un frère succombe à sa faiblesse et offense l’autre personne. Il arrive même qu’il ne va pas lui parler ce jour-là, ou bien il ne va pas lui parler cette heure-là, ou bien il ne va pas lui parler pendant un certain laps de temps. Mais l’essentiel ici c’est qu’il est interdit de dépasser 3 jours parce qu’Allah l’Exalté qui nous a créés, sait que dès fois c’est difficile de se réconcilier sur le champ, dès fois on est tellement blessé qu’on ne peut pas excuser sur le champ.
Un homme avait dit au Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) : «j’ai des proches qui rompent les liens de sang qui nous unissent à chaque fois que je tente de les rétablir, qui me font du mal à chaque fois que j’essaie de leur faire du bien, qui m’ignorent pendant que je pense à eux». Le Prophète (bénédiction et salut soient sur lui) lui dit : «si ce que tu dis est vrai, c’est comme s’ils se brûlaient avec des braises. Et tant que tu continueras ainsi, Allah t’apportera aide et assistance».
Masiwa: Les nations musulmanes sont en conflits permanents. Est-ce une crise de valeurs ou un égarement des musulmans ou de ses dirigeants?
MDO:Je pense qu’il s’agit d’une crise de valeur et de manque de patience. Dans plusieurs cas, les populations privilégient des moyens violents plutôt que le dialogue et les moyens pacifiques. Nous avons besoin de renforcer l’amour entre nous et se rappeler de ce que le Prophète nous a dit : “Nul ne sera véritablement croyant tant qu’il n’aimera pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même”. (Rapporté par Boukhâri, Mouslim).
Malheureusement, de plus en plus nombreux sont ceux qui se plaignent de voir augmenter les divergences et tiraillements au sein de la communauté musulmane. Même les non-Musulmans le constatent. La cause de ces problèmes n’est autre que le manque de fraternité dans la communauté.
La fraternité en Islam est un lien sacré, lien qui n’est pas fondé en vertu d’une appartenance à un même parti, à un même pays, ville ou parce que l’on partage des intérêts matériels en commun. Toutes les différences pouvant exister entre les croyants (fortune, noblesse, pouvoir, etc.) sont abolies par le lien indissoluble de la fraternité religieuse.
Masiwa: Quels conseils livrez-vous à la communauté musulmane comorienne déchirée suite aux élections?
MDO : Je ne peux que leur rappeler de la parole du Prophète qui dit : « Il n’est pas permis à un musulman ou à un croyant d’effrayer un autre musulman. » Un compagnon du prophète (sallallahou ‘alaihi wa salam) dormait et avait posé près de lui un objet (une corde) qui lui appartenait. Pour plaisanter une personne s’approcha de cet objet pour le prendre, pris d’une grande peur, celui qui dormait se réveilla soudainement. Le messager d’Allah (sallallahou ‘alaihi wa salam) a alors dit : “il est interdit au musulman de faire peur à un autre musulman.”
Je conseille aux comoriens de se ressaisir, de se rappeler notre fraternité et d’œuvrer pour la préservation de la paix et de la sécurité dans notre pays.