EFOICOM est une plate-forme qui est installée aux Comores depuis 10 ans. Ses missions principales sont d’accompagner, guider et sensibiliser les femmes pour entreprendre, formaliser et déployer leurs activités dans l’archipel ou en dehors.
Le 27 mars 2021 s’est tenue dans les locaux de l’UCCIA la cérémonie des remises des prix des 11 lauréats du challenge « Startup Impact & Résilience Covid19 – 1re Edition » que nous avons initié avec l’appui du PNUD et du Fond Canadien d’initiative locale dans le cadre du programme d’aide en faveur de la résilience des populations vulnérables face à la COVID19 aux Comores. Ce challenge a permis de mettre en lumière des projets avant-gardistes, mais aussi des difficultés pas si insurmontables qui promettent l’émergence d’un nouveau souffle pour l’ entrepreunariat féminin.
Des ambitions dans le business
Ce projet a été conçu, coordonné et exécuté par la plateforme EFOICOM, « Entreprendre au féminin Océan indien-Comores » avec l’appui des organisations de la société civile. La crise sanitaire causée par la Covid 19 a eu des effets certains sur l’économie mondiale. Les économies des pays en développement ont connu des impacts conséquents sur le quotidien de ses habitants. Quand on parle de population vulnérable, on pense avant tout aux femmes et aux enfants.
Dans notre société matrilocale, la femme tient une place centrale dans la sphère familiale et dans la sphère économique. La femme comorienne est dynamique, entreprenante et très investie dans la participation aux frais liés à son foyer et à sa famille. Ces dernières années, on constate que la femme a des nouvelles ambitions dans le monde des affaires, dans le business.
Trois profils solidaires
À EFOICOM, nous avons identifié trois profils de femmes entrepreneures.
Le premier est celui de la femme instruite qui, souvent, a fait des études en lien avec le monde des affaires. Elle a cette capacité d’avoir une vision ambitieuse et souhaite travailler dans l’exportation, en lien avec de grosses entreprises ou alors elle privilégie la qualité de ses produits.
Le deuxième profil est celui de la femme débrouillarde, autodidacte qui, bien souvent, côtoie depuis plusieurs années le monde du commerce et des affaires.
Enfin, le troisième profil est celui de la femme qui est une entrepreneure qui s’ignore, c’est-à-dire une femme qui contribue au niveau de l’économie familiale, mais qui, en soi est une actrice de l’ombre. En général, c’est une femme issue du monde agricole, de l’artisanat, de la pêche ou de l’élevage et qui n’a pas la capacité de valoriser ni son travail ni son activité.
En tant que présidente d’EFOICOM, j’ai constaté que ces trois profils sont dépendants les uns des autres. Pour donner l’exemple le plus probant, les femmes du profil 1 et 2 ne peuvent en général pas accomplir leur travail sereinement sans avoir l’appui des femmes du profil 3 dans leur chaîne de production.
Quels moyens sont donc mis en place pour aider à une émergence d’un nouvel entrepreneuriat féminin issu du secteur primaire ? Quelles opportunités les plateformes comme EFOICOM ou les organisations de la société civile peuvent donner à ces femmes pour les mettre en lumière ? Qu’en est-il des femmes qui n’osent pas se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Un potentiel en innovation
En 2021, EFOICOM est devenu le réseau qui a permis de faire le pont entre les différents profils de femmes entrepreneures. On constate la présence de jeunes entrepreneures qui proposent des activités très diversifiées dans tous les secteurs. Le programme en faveur de la résilience des populations vulnérables à la covid-19 a permis d’accentuer la nécessité de mettre en place un réseau inter îles. Ainsi la plateforme EFOICOM est aujourd’hui présente sur les trois îles.
Lors du concours toutes les activités se sont passées en simultanée que ce soit la présentation des 85 projets innovants ou pour les 45 projets coachés ou encore pour les 11 projets qui sont déjà financés par le fonds d’aide locale canadien (20 millions de francs comoriens ont déjà été débloqués). Ce type d’événement permet de prodiguer des formations qui peuvent enclencher une évolution positive du secteur économique.
Je pense que lorsqu’on se penche sur les activités des femmes travaillant dans le secteur informel dans nos marchés, dans nos campagnes, au bord de nos routes on y détecte un potentiel en innovation et en développement économique infini.
Les femmes agricultrices, artisanes, issues de la pêche et de l’élevage doivent avoir accès à volonté à l’éducation financière (comprendre la nécessité d’ouvrir un compte bancaire ou de planifier le règlement de leur endettement), à la santé (comprendre les rouages de la protection médicale liés à une activité économique, avoir une mutuelle) et aux nouvelles technologies (innover dans leur manière de produire et de promouvoir leurs activités). Cela permettra de diversifier l’économie entière du pays et faire naître une compétitivité dans de nombreux secteurs dans la région, voire dans le monde.
Des projets innovants dans l’agriculture
Les résultats commencent d’ailleurs à se voir dans le secteur agroalimentaire où émerge ces dernières années un secteur qui allie tradition et modernité. Les projets y sont légion. On peut citer celui d’un jeune mohélien qui utilise une machine pour transformer nos produits locaux en poudre : un gain de temps certain lors des préparations pour différentes festivités et une diminution certaine de la consommation du jus de « Tang » importé. Les entrepreneures oeuvrant dans le cosmétique peuvent aussi utiliser la poudre comme pigment dans leurs produits. On peut également citer la commercialisation des produits de notre terroir grâce à l’utilisation des technologies de transformation agroalimentaires. C’est l’idée à la base du projet d’une jeune femme qui consiste à recourir à un mode de conservation pour les légumes. Cette ingénieure en agronomie propose d’utiliser la lactofermentation pour pouvoir fournir des produits aux commerçantes.
Nous vivons une époque charnière dans le monde économique qui évolue à grande vitesse, notamment grâce au digital. Pour conclure, il faut insister sur l’accès de toutes les femmes au numérique, car sa méconnaissance peut être un véritable frein au développement de leurs activités.
Moufida Mohamed Abdoulhalik
Présidente d’EFOICOM